Un anniversaire organisé au Conseil économique social et environnemental (CESE), troisième assemblée constitutionnelle de la République, et expression démocratique de la société civile qui agit. Tout un symbole …et un geste d’accueil qui nous honore.
Un moment de retour réflexif, ou le passé revu au miroir du présent
Le programme de cet anniversaire insiste sur les dix dernières années mais il est bon de retourner en 2007, à la publication de « Pour une vraie parité. Les dix exigences d’Elles aussi ». Les objectifs de l’association y sont posés clairement avec pragmatisme, assortis de recommandations. Ils sont organisés autour de trois axes principiels, dans une perspective de rénovation démocratique :
- La parité à toutes les élections sans exception dans les assemblées et leurs exécutifs avec la proposition de scrutin binominal paritaire dans des circonscriptions recomposées en remplacement du scrutin uninominal.
- Une stricte limitation de cumul des mandats rendant impossible de cumuler un mandat national et un mandat exécutif local
- Un statut de l’élu.e portant création d’un congé civique et d’une reconnaissance de l’expérience acquise au cours du mandat
Même succinctement évoqué, on voit que le texte colle à la réalité : il prend en compte les principales entraves à l’engagement des femmes et de bien d’autres et il articule l’exigence de parité avec les pratiques politiques et les conditions de l’exercice d’un mandat. Il trace un programme.
Réalisation du programme
Le travail d’Elles aussi pour la parité se déploie entre des partenaires institutionnels et les élu.e .s de terrain. Il a été pendant les dernières décennies la mise en mouvement et l’effectuation de ce programme : mouvement d’action-réaction dont il s’agit d’identifier les freins structurels ou propres aux actrices et acteurs, mais aussi les réussites au vu des avancées législatives ou des débats d’idées
La lente féminisation des assemblées parait irréversible malgré quelques rechutes. Elles et ils sont nombreux au travers de l’échiquier politique à convenir que sans la contrainte de la loi, l’exclusion des femmes du politique n’aurait pu être levée. La notion de parité a essaimé dans l’opinion et tous les champs sociaux et culturels pour y promouvoir la place et l’expression des femmes. Mais ne nous leurrons pas : si les femmes ont gagné un droit de présence dans les assemblées, elles sont encore trop souvent éloignées des instances de décision et d’exécution les plus puissantes. Le pouvoir politique leur échappe.
De belles réussites : des lois en écho à nos exigences et actions
- 2013 : institution du scrutin binominal paritaire dans les conseils départementaux qui deviendront en 2015 strictement paritaires ainsi que leurs exécutifs
- 2014 : la loi apporte des limitations au cumul d’un mandat parlementaire et d’un mandat exécutif local. Remise en cause par le Sénat en2021, sans qu’il y ait de suite, la menace n’est pas éteinte
- 2015 : la loi visant à faciliter l’exercice de leur mandat par les élus locaux leur reconnait un droit individuel à la formation prenant en compte l’exercice d’un mandat dans la procédure VAE
La force collective du réseau
Au fil du temps le réseau s’est considérablement développé en termes de contacts et d’échanges avec les institutions (parlementaires), ou grandes associations d’élu.e.s (AMF, AdCf), et localement dans les territoires , ce développement s’appuie sur notre travail sur la démocratie locale.
Dès 2007 l’association s’est inquiétée de la place des femmes élues dans les intercommunalités, émanations des communes, qui prenaient peu à peu le pouvoir et les compétences de gestion du quotidien dans le bassin de vie de leur périmètre. Après des tentatives pionnières et parcellaires sur quelques départements, une enquête statistique exhaustive sur toute la France a été menée à son terme en 2015, Enquête sur la place des femmes dans les conseils communautaires : nombre, position, responsabilités. Avant les importantes recompositions qui faisaient craindre une régression en 2017 elle permettait de mesurer l’évolution. Cette enquête avec les recommandations associées a sonné comme une alerte et a été largement diffusée, Elles aussi y a gagné en considération de la part des institutions.
Sur le terrain, le réseau s’étend et se conforte dans les échanges lors de manifestations partagées et chaque campagne élective où Elles aussi se mobilise pour encourager les femmes à se présenter est l’occasion de rencontrer de nouvelles figures. Une dernière initiative concourt aussi à cet élargissement. Après de nombreuses enquêtes quantitatives, Elles aussi s’est engagée dans des enquêtes qualitatives fondées sur des entretiens pour explorer ce que la présence de femmes en plus grand nombre apporte à la démocratie locale, et notamment sur les pratiques de gouvernance.

Table ronde : la démocratie paritaire en question, discours et réalités
Elles aussi, depuis sa création, ne limite pas la parité à un quota 50-50 dans les assemblées élues et leurs exécutifs, mais fait de la parité un levier de transformation des formes de pouvoir politique vers un véritable partenariat femmes-hommes pour un bien commun, et une égalité dans la différence. La parité est un levier pour sortir d’un système androcentré où le masculin désigne le genre humain.
Nous n’en sommes pas là tant les femmes sont rares aux postes supérieurs de la République, tant elles sont peu nombreuses parmi les présidents d’Intercommunalités, de Régions, de Départements. Mais nous ne sommes plus dans une société exclusivement dirigée par des hommes. Les propos de certaines élues détentrices de pouvoir local font entendre leurs efforts pour mettre en place des formes de gouvernance plus collaboratives et délibératives, ouvertes au compromis et à la composition. Les femmes sont-elles porteuses, lentement et à bas bruit d’un renouvellement de la démocratie locale, premier signe de remédiation au malaise général de notre système de représentation ?
Encore plutôt novices dans le monde politique aux codes masculins, les femmes, comme tous les transfuges de classe, manquent de légitimité : il leur est souvent rappelé, de manière plus ou moins appuyée voire violente, que leur place n’est pas là. Une misogynie latente et tenace entretenue par certains médias fait douter de leurs compétences quel que soit le niveau considéré, et pardessus-tout de leur aptitude à être à la tête. Dans le même temps et dans le discours dominant, promouvoir une femme à un poste de gouvernement est gage de modernité !
La table ronde fera en deux temps le point en sur les avancées et les freins dans la démarche visant une démocratie paritaire.
- Un premier temps d’analyse de la situation porté par la recherche sur l’histoire politique récente de la Vème République, marquée par l’entrée en scène des femmes jusqu’au plus haut niveau.
- Un deuxième temps tourné vers la démocratie locale et les intercommunalités, porté par des personnalités expertes sur ces questions (élue locale membre de l’AMF, membre du HCE, Sénateur).
Anne-Marie Marmier VP Elles aussi