29 avril 2025 : 80 ans que les femmes, en France, ont effectivement voté pour la première fois. Mais en 80 ans, la progression du nombre de femmes élues, leurs parcours et leur visibilité dans nos instances représentatives ont été fortement limité par un plafond de verre.
Revenons sur cette période et sur la place des femmes et leurs vécus, dans la vie politique française sous la Ve République.
En 2025, rares sont ceux ou celles qui affirment que les femmes ne doivent pas prendre leur part dans la vie publique ou ont pour vocation de rester à la maison pour « s’occuper des enfants ». Les mentalités changent et encore « heureux·se ».
Cependant beaucoup reste encore à faire en politique comme dans la vie quotidienne : créer des réseaux de femmes, diffuser la sororité, lutter contre le patriarcat qui ne cesse de nous mettre en compétition, obtenir l’égalité salariale, avoir une vraie répartition des tâches domestiques, permettre à toutes de choisir sa maternité, ou non, avoir une place en tant qu’élue, être respectée, ne pas se faire couper la parole, ne pas remettre en question la parole des victimes d’agressions et ne donner ni la place, ni la parole, ni de récompense aux agresseurs.
Changer tous les codes, masculins, pour que chacune puisse s’impliquer dans la vie politique sans avoir à choisir entre le temps d’être mère et le temps d’être maire.
Pour les victoires obtenues en 80 ans de lutte, prenons la parité comme exemple. Objectif louable d’élire, et donc d’être représenté·es, par 50% de femmes et 50% d’hommes dans les lieux de pouvoir. La parité est à ce jour appliquée dans la majorité des élections : européennes et régionales grâce au scrutin de liste alternant homme-femme, départementales grâce aux binômes paritaires et municipales depuis 2007 pour les communes de plus de 3500 habitant·es et depuis 2013 pour celles de plus de 1000 habitant·es. On précisera d’ailleurs que la parité dans les scrutins de liste n’a pas toujours en alternance. La loi du 6 juin 2000 a d’abord instauré la parité par tranche de 6, uniquement dans les communes de plus de 3500 habitant·es et c’est en 2007 qu’a été instaurée de manière obligatoire la parité par alternance sur les listes. Concernant les petites communes, de moins de 1000 habitant·es, elles n’étaient tout simplement pas concernées par la loi sur la parité jusqu’en 2025 alors qu’il s’agit de 70% des communes françaises.
Quant à l’élection législative, la loi sur la parité est incitative et punitive mais non obligatoire. Les partis doivent présenter un quota de femmes le plus proche possible de la parité. La pénalité est calculée sur la base de cette différence en % du montant d’une aide publique reçue. Par exemple, si un parti présente 30% de femmes et 70% d’hommes, il aura une pénalité sur la base de 40% d’écart sur le montant de l’aide qu’il devait recevoir.
Malheureusement nous avons vu le nombre de femmes élues députées diminuer lors des deux scrutins législatifs de 2022 et de 2024. En effet, en 2017 on comptait 224 femmes sur 577 députés, puis 215 en 2022 et 209 en 2024. Soit presque 39% de femmes en 2017 contre 36% aujourd’hui, à l’Assemblée nationale.
Enfin, la population française est amenée à voter pour une liste d’élu·es intercommunautaires, c’est-à-dire pour les élu·es des communautés de communes, d’agglomération, urbaines et les métropoles. Là le scrutin est direct et se fait au même moment que les élections municipales, pour les communes de plus de 1000 habitants, avec un fléchage des personnes qui se présentent sur la liste des municipales et souhaitant représenter la population au sein des conseils communautaires. Pour les communes de moins de 1000 habitant·es, le conseil municipal élit les conseiller·es communautaires. Ainsi, ces élu·es sont la plupart du temps les maires et/ou les premier·ères adjoint·es des communes appartenant à l’intercommunalité. Or 80% des maires en France sont des hommes et le nombre d’élu·es par commune au sein du conseil communautaire dépend du nombre d’habitant·es de la commune. Pour les petites communes il n’y a très souvent que le maire qui représente sa commune à l’échelle intercommunale. Là il existe un vide juridique puisqu’aucune loi n’encadre ces élections pour obtenir une représentation équitable des femmes et des hommes, à l’échelle intercommunale.
Une fois l’élection terminée et gagnée, l’élue peut se voir attribuer une vice-présidence ou être conseillère déléguée. Cependant, comme dans la sphère professionnelle, les femmes élues vont avoir du mal à obtenir des délégations et des vice-présidences. Et lorsque c’est le cas, elles se voient attribuer les rôles les moins influents et avec les plus petits budgets tels que, la culture, les ressources humaines, la politique de la ville, contrairement aux finances, à l’urbanisme, aux travaux publics, etc. C’est ce qu’on appelle le plafond et la paroi de verre.
Les élues de la République, peuvent également subir des violences sexistes, voire sexuelles, pendant leur mandat. Les femmes peuvent être prises à partie publiquement par un élu lors d’un conseil municipal ou d’une séance au sein de l’hémicycle de l’Assemblée nationale ou du Sénat et se voir moquées , recevoir des commentaires sexistes ou encore paternalistes à la suite d’une prise de parole, ou d’une prise de position quelconque. Là encore les exemples ne manquent pas. La parole, encore plus politique, est un outil de pouvoir symbolique que les hommes ont encore du mal à partager, faute d’habitudes et à cause d’entre-soi masculins.
https://www.oxfamfrance.org/rapports/le-pouvoir-nom-masculin-lindex-de-feminisation-du-pouvoir/
La bataille de la légitimité et de la parité n’est pas encore gagnée mais les femmes qui s’engagent sont de plus en plus tenaces, courageuses et portent leur voix haut et fort. De plus en plus d’initiatives citoyennes émergent pour former, soutenir et encourager les femmes à se présenter à tous les échelons pour rééquilibrer la vie politique et faire peser leurs revendications ainsi que leur vision du monde.
Il est bon également de rappeler qu’élire une femme au pouvoir ne suffit pas, il faut des féministes qui défendent toutes les femmes et tous les hommes ! Car certaines femmes continuent de promouvoir des idées et de voter des lois à l’encontre des droits et des avancées féministes, comme l’avortement. On peut citer Georgia Meloni, Marine Le Pen ou encore Roberta Metsola, présidente du Parlement européen. Toutes trois appartiennent à des partis nationalistes se revendiquant anti-progressisme, fémonationaliste* et transphobe. Or ce sont toutes les femmes que l’on doit protéger et défendre, en particulier les plus touchées par les discriminations et les violences comme le racisme, l’islamophobie, la grossophobie, le handicap* et les LGBTphobies.
https://www.oxfamfrance.org/rapports/le-pouvoir-nom-masculin-lindex-de-feminisation-du-pouvoir/
Simone de Beauvoir rappelait avec sagesse :
« N’oubliez jamais qu’il suffira d’une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis. Vous devrez rester vigilantes votre vie durant. »
Notes :
- Le fémonationalisme est décrit comme : l’instrumentalisation d’un discours féministe à des fins électorales racistes, islamophobes et xénophobes. Le concept a été inventé par Sara R. Farris, chercheuse en sociologie aux Etats-Unis dans les années 2010.
- Les discriminations envers les personnes en situation de handicap peuvent être définies dans le concept de validisme.
- « un système de préjugés et de discriminations à l’égard des personnes en situation de handicap. Unesociété validiste considère les personnes sans handicap (« valides ») comme la norme, le handicap étant perçu comme un manque, et non comme une conséquence d’évènements de la vie ou d’une diversité au sein de l’humanité. »
Source : https://www.scienceshumaines.com/validisme_fr_44295.html
Autrice : Charlène Marquot Le Loué, Elles aussi Hauts de France