Sous le Haut Patronage de Madame Nicole Ameline
Ministre de la Parité et de l’Egalité Professionnelle
SÉNAT
29 MAI 2005
INTRODUCTION
Par Christine Villeneuve,
Présidente d’Elles aussi
Je suis heureuse de vous accueillir pour ce colloque dont l’objectif est de dresser un premier bilan de l’application de la loi du 6 juin 2000 afin que nous réfléchissions ensemble aux perspectives que nous pourrions développer pour progresser vers une démocratie réellement paritaire.
Je vous remercie de vous être déplacées parfois de loin, alors que nous sommes à la veille d’un scrutin important. Je précise que la date en avait été fixée bien avant de connaître celle du référendum.
Je remercie toute l’équipe d’Elles aussi et en particulier Jeanne Ridel, notre ancienne Présidente, d’avoir organisé ce colloque qui a lieu sous le haut-patronage de Nicole Ameline, Ministre de la parité et de l’égalité professionnelle, et grâce à son soutien.
Nous disposons aujourd’hui d’une Constitution qui consacre un objectif de parité, et de nouvelles lois qui tentent d’en ouvrir la voie. C’est un progrès considérable. Certes, il reste beaucoup à faire, de nouvelles échéances électorales nous attendent, et nous allons en parler tout au long de cette journée, mais auparavant, je voudrais rendre hommage ici, à celles qui ont porté avec tant de courage et de détermination ce combat pour la parité, depuis tant d’années.
Je voudrais remercier Claudette Apprill qui nous fait l’honneur d’être avec nous aujourd’hui, et qui a fait émerger au sein du Conseil de l’Europe le concept de parité. Elle aura sûrement l’occasion de nous en parler.
Je pense aussi aux fondatrices d’ Elles aussi qui ont eu, en 1992, cette idée fructueuse de constituer un réseau pluraliste de femmes engagées dans la vie politique et associative, pour donner plus de force à leur engagement pour la parité : Jacqueline Brisse alors Présidente de l’ACGF, Muguette Dini, aujourd’hui sénatrice du Rhône, et qui interviendra dans une des tables-rondes de la matinée, pour la Fédération des Associations des Conseillères Municipales et Femmes élues (FACM, aujourd’hui dissoute), Liliane Gall première femme élue conseillère régionale en 1992 sur une liste de femmes « Femmes d’Alsace », Denise Fuchs, Présidente de Grain de sel – rencontres, Nicole Dromard, dont je salue la mémoire, alors Présidente de l’UFCS, et bien sûr, Antoinette Fouque, Présidente de l’Alliance des Femmes pour la Démocratie, co-fondatrice du M.L.F ; elle a été la première femme élue au Parlement européen en 1994 pour son engagement en faveur des femmes, où elle n’a cessé de porter, au sein de la commission des droits des femmes dont elle a été vice-présidente, une politique en faveur des femmes et pour la parité.
Nous devons mesurer le chemin parcouru car, aujourd’hui, la parité est un des enjeux majeurs du débat démocratique et de la modernisation de la vie politique.
L’objectif d’Elles aussi, dès sa naissance, fût d’inciter les femmes, dans toute la France, y compris dans les campagnes les plus isolées, à se présenter aux élections locales et en même temps, de réfléchir aux réformes institutionnelles nécessaires pour faire progresser la parité.
Un travail de terrain important a été mené avec, de 1993 à 2001, de très nombreux forums sur le thème « Conseillères municipales : pourquoi pas ? » (71 forums au total sur la période en deux séries).
De ces forums, sont nées une quinzaine d’antennes locales ; elles ont fait un travail formidable. Aujourd’hui, il a commencé à porter ses fruits, puisque parmi nos invitées élues, beaucoup ont participé à nos actions.
Des liens ont également été noués avec des femmes d’autres pays européens (Espagne, Portugal, Danemark Norvège, Italie…) réfléchissant aux mêmes questions ; certaines d’entre elles sont là aujourd’hui avec nous, et elles témoigneront des avancées en faveur de la parité dans leur propre pays au cours de la table-ronde de cet après-midi.
Merci à Fatima Cavaco, Teresa Muela Tudela, Maria Anna Fanelli et Randi Theil Nielsen de leur présence aujourd’hui.
Parallèlement, Elles aussi a mené, avec d’autres, des actions en vue de faire modifier la Constitution française pour que la parité y soit inscrite. Si nous n’avons pas obtenu l’inscription du mot « parité » dans ce texte fondamental, au moins avons-nous obtenu, avec la révision du 28 juin 1999, qu’un objectif de parité soit consacré pour la première fois dans notre système juridique avec la notion « d’égal accès » des femmes et des hommes aux « mandats et fonctions ». Par ailleurs, la Constitution stipule que « la loi favorise les conditions dans lesquelles est organisé l’égal accès… ». Nous aurions souhaité un terme plus fort, « La loi garantit » ce qui impliquait évidemment une obligation de résultat, au-delà de la parité des candidatures, et c’est sans doute une des prochaines étapes.
La loi du 6 juin 2000 est une première application directe de cette réforme constitutionnelle.
Alors, cinq ans après, où en sommes-nous ? Le constat est, comme vous le savez, nuancé.
Pour lancer les débats de ce matin, je vais dresser un rapide « état des lieux » de la progression du nombre de femmes élues en France depuis cinq ans, en me fondant sur le dernier rapport de l’Observatoire de la Parité de mars 2005.
Il est clair que la où la loi s’applique strictement (régionales, européennes, municipales pour les communes de plus de 3500 habitants, et sénatoriales en partie), la part des femmes dans les instances élues a fait un bond en avant, mais là où elle permet des échappatoires (législatives) ou alors là où elle ne s’applique pas (cantonales), la situation a peu progressé. Le mode de scrutin, de liste ou uninominal, proportionnel ou majoritaire, a évidemment une incidence.
Sans rentrer dans tous les détails, quelques chiffres cependant.
– LA OU LA LOI S’APPLIQUE :
Les élections régionales où le mode de scrutin de liste est largement proportionnel : elles ont été marquées en 2004 par une forte progression de la part des femmes élues qui est passée à 47,6% (contre 27,5% en 1998), grâce à une alternance homme-femme stricte.
En revanche, il y a eu très peu de femmes têtes de liste (1/28 au PS, 2/25 à l’UMP, 5/19 à l’UDF, 12/24 pour les listes LO/LCR qui ont été les seules à respecter l’esprit de la loi) et une seule Présidente de région a été élue; cependant, la part des femmes dans les exécutifs a également progressé passant de 20% à 37,3%.
Les élections municipales où la loi ne s’applique qu’aux communes de plus de 3500 habitants : là encore, elles ont été marquées en 2001 par une forte progression globale, toutes communes confondues, de la part des femmes élues qui passe à 33% (contre 21,7% en 1995) mais elles sont en réalité 47,4% dans les communes de plus de 3500 habitants (25,7% en 1995) et 30% dans les communes non concernées par la loi (21% en 1995).
On peut donc dire que la loi a eu un effet d’entraînement sur les petites communes qui progressent également mais dans une moindre mesure.
Malheureusement, on ne compte que 10,9% de femmes maires (7,5% en 1995) et seulement 6,7% dans les communes de plus de 3500 habitants, la proportion de femmes maires étant plus élevée dans les petites communes (11,2%).
Concernant l’intercommunalité, sur près de 2500 communautés (d’agglomérations, de communes, urbaines), on ne compte que 136 Présidentes (soit 5,5%). Mais les femmes sont très présentes dans les directions administratives : 55% des communautés sont dirigées par des femmes mais là aussi il faut nuancer ; si 70% des communautés de – de 5000 habitants sont dirigées par des femmes, elles sont – de 4% pour celles dépassant 100 000 habitants car dans ce cas la direction administrative revêt un caractère plus politique.
Il y a donc une distorsion importante entre le nombre de femmes élues et leur place dans les exécutifs locaux.
Les élections sénatoriales avec un mandat ramené à six ans, un renouvellement par moitié tous les trois ans et un suffrage indirect. Le cas est mitigé. Le Sénat compte aujourd’hui plus de femmes qu’à l’Assemblée Nationale, 23%.
La loi du 10 juillet 2000 avait introduit un scrutin proportionnel avec une obligation de parité dans les départements disposant de trois sièges et plus, les autres demeurant sous le scrutin majoritaire sans obligation de parité.
Lors du renouvellement de 2001, les effets de la loi ont été très positifs dans les départements concernés: 22 sénatrices ont été élues contre 5 sortantes soit 27%, contre 7,1% dans les départements non concernés ce qui donnait une moyenne de 21,6% de femmes élues au Sénat. Mais en 2003, sous la pression de sénateurs dans un combat d’arrière-garde, le scrutin majoritaire sans obligation de parité a été rétabli dans les départements élisant trois sénateurs, le scrutin proportionnel avec obligation de parité ne concernant plus que les départements élisant quatre sénateurs ou plus (plus de la moitié des départements).
Néanmoins, le nombre de sénatrices élues a augmenté: 24,2% dont 34,9% dans les départements concernés (contre 4,4% dans les autres).
L’Observatoire de la parité estime à cinq le nombre de sièges supplémentaires qui seraient revenus à des femmes si la loi n’avait pas été modifiée.
Les élections européennes où, depuis 2004, le scrutin de liste proportionnel s’applique dans le cadre de huit grandes circonscriptions (« Eurorégions »), et où la loi a prévu une parité stricte comme aux régionales.
C’est au Parlement européen que les françaises sont historiquement les plus nombreuses. Dès 1979, date à laquelle le P.E. a été élu au suffrage universel, elles étaient 22,2% et Simone Veil en a été la première Présidente.
La culture de la parité y a toujours été plus développée qu’ailleurs – on y reviendra sans doute cet après-midi – et depuis 1994, les françaises sont plus de 30% des parlementaires français, 40,2% en 1999 alors que la réforme constitutionnelle n’était pas encore votée, et 43,6% depuis les dernières élections. La France est donc en tête derrière la Suède et les Pays-Bas.
-LA OU LA LOI PERMET DES ECHAPPATOIRES :
Il s’agit des élections législatives qui se déroulent au scrutin uninominal majoritaire.
Les élections de 2002 n’ont porté à l’Assemblée Nationale que 12,2% de femmes (contre 10,9% en 1997), ce qui place la France, par rapport aux autres pays européens, à la 19ème place. On sait que les partis politiques, notamment les grands, ont préféré payé des pénalités financières plutôt que de présenter 50% de candidates. Globalement, ils n’en n’ont présenté que 38,8%. Cette analyse est à nuancer selon les partis, la droite étant plus réfractaire que la gauche sur ce point.
A titre d’exemple, l’UMP a payé 4, 2 millions d’euros (déficit de 175 candidates), le PS, 1,6 million d’euros (déficit de 82 femmes), l’UDF, 665 000 euros (déficit de 68 femmes).
-LA OU LA LOI NE S’APPLIQUE PAS :
C’est le cas des cantonales qui ne sont pas concernées par la loi.
Je rappelle que les conseillers généraux sont élus pour six ans, avec un renouvellement par moitié tous les trois ans au scrutin majoritaire à deux tours. Au dernier renouvellement de 2004, aucune femme n’a été élue dans 18 départements et seulement 10,9% dans les autres ce qui porte globalement le nombre de conseillères générales à 10,4% (au lieu de 9,2% précédemment). Il n’y a enfin que 6 départements où elles sont plus de 20%, et 2 où elles sont plus de 30% (Hauts-de-Seine et Finistère).
Après ce bref panorama qui montre à l’évidence que sans contrainte, l’éligibilité des femmes a peu de chance d’avancer dans ce pays, je vais passer la parole à Marie-Claude Boileau qui va nous exposer les résultats de l’enquête réalisée par Elles aussi en 2004, à partir d’un questionnaire envoyé à 2700 femmes élues.
Ensuite, au cours d’une première table-ronde, des élues municipales au parcours et aux fonctions diverses, nous feront part de leur expérience et de leurs attentes, puis nous passerons à une seconde table-ronde, réunissant Muguette Dini, Sénatrice du Rhône, Monique Marchal, conseillère régionale d’Alsace et Corinne Ferret, conseillère régionale de Basse-Normandie.
L’après-midi sera consacré à une table-ronde européenne où nos amies venues du Portugal, d’Espagne, d’Italie et du Danemark, nous feront part des évolutions de leur propre pays, et l’on verra, qu’au-delà d’une ligne de partage entre le Nord – considéré généralement comme plus avancé sur cette question – et le Sud – apparemment moins avancé, la question est plus complexe qu’il n’y paraît.
ANALYSE DES RÉSULTATS DE L’ENQUÊTE RÉALISÉE PAR ELLES AUSSI EN 2004
Par Marie-Claude Boileau
Membre du bureau national d’Elles aussi
Bonjour,
Je m’appelle Marie-Claude Boileau. Je suis membre du bureau d’Elles aussi en qualité de secrétaire adjointe. Je suis également membre de l’Union Féminine Civique et Sociale, et je suis déléguée de l’équipe locale de l’UFCS de Caen.
Je vais vous parler de l’enquête que nous avons effectuée à Elles aussi auprès d’élues municipales l’an dernier. Je voudrais associer aux remerciements les antennes locales qui ont été les maîtres d’œuvre de cette enquête et en particulier, Anne-Marie Brieux qui a été responsable de ces enquêtes, et Bernadette Thorez. Elles m’ont aidée au dépouillement.
Un peu de méthodologie en premier lieu, pour que vous compreniez bien.
Ce sont nous-mêmes, les membres du conseil d’administration, qui avons fait les
questionnaires et qui les avons transmis aux antennes locales ; celles-ci les ont diffusés à leur convenance ; elles ont sélectionné les personnes destinataires du questionnaire.
Elles ont recueilli les réponses, elles ont fait un premier dépouillement à partir d’une grille que nous leur avons fournie.
Elles en ont tiré une première synthèse qu’elles nous ont adressée au bureau national et c’est donc moi-même, Bernadette, et Anne-Marie, qui avons eu l’honneur de faire une ultime synthèse et ensuite l’analyse.
Cette méthodologie m’amène à vous faire deux remarques préliminaires.
Sans dévaloriser le travail que nous avons toutes fait, il faut quand même comprendre les limites de cette enquête, dans la mesure où elle n’a pas été mise en œuvre par un institut de sondage et que, notamment au niveau du dépouillement, nous ne disposions pas de logiciels professionnels ce qui nous a peut-être gênées pour faire certains recoupements qui auraient été intéressants.
Néanmoins je ne veux pas nous dévaloriser ; cela a été un gros travail, parfois fastidieux mais intéressant, et surtout très informatif, aussi bien au niveau local, pour savoir ce que ressentent les élues – et je sais qu’encore actuellement, il y a des antennes qui exploitent les résultats – et au niveau national aussi, puisqu’ils vont nous donner quelques éléments de réflexion pour nos travaux d’aujourd’hui.
C’est une enquête d’opinion contrairement aux statistiques nationales dont parlait Christine Villeneuve. Ce qui est intéressant là, c’est qu’il y a les deux volets.
C’est pourquoi je tiens à remercier chaleureusement les personnes qui y ont contribué et à présenter nos plates excuses pour les petites défaillances techniques qui ont pu se produire au dépouillement.
Vous avez, sur les panneaux à l’entrée de la salle, les principaux résultats de cette enquête visualisés sous forme de graphiques .
Vous avez dans vos dossiers un résumé de l’analyse tout en sachant que les antennes locales les ont reçus dans leur intégralité à l’automne dernier .
Sur un total de 2043 questionnaires qui ont été adressés, 186 réponses ont été dépouillées, ce qui fait un taux de réponses relativement correct.
Ce qui est intéressant, c’est que les réponses nous sont parvenues de toute la France, ce qui donne une certaine valeur à notre échantillon.
D’autre part, les femmes qui ont répondu étaient à 60 % des nouvelles élues, c’est à dire très précisément celles qui nous intéressent plus particulièrement aujourd’hui.
Il faut noter qu’un peu plus de la moitié d’entre elles venaient du milieu rural ou semi rural, c’est à dire des communes où la loi sur la parité ne s’appliquait pas de manière obligatoire, et on a donc là, en partie, la démonstration et la confirmation de ce que disait Christine de l’effet d’entraînement qu’a pu avoir la loi sur la parité qui a permis un renouvellement certain et une féminisation incontestable des Conseils municipaux.
Plus précisément sur le fond de l’enquête, dans leur très grosse majorité, les personnes qui nous ont répondu nous ont dit à 80 %, que la loi sur la parité n’a pas eu d’influence sur leur décision d’être candidate.
C’est important, mais cela appelle deux observations : elles ont sans doute voulu dire qu’elles n’ont pas fait acte de candidature délibérément, en raison de l’application de la loi sur la parité, mais bien davantage, parce qu’elles avaient l’intention de faire aboutir des projets ; et de cela nous ne pouvons que nous réjouir.
En tant que membre de l’UFCS, j’ai participé à des formations de candidates municipales et c’est vrai que lorsqu’on discutait avec elles, on leur disait souvent : « C’est dommage de se présenter soit contre quelqu’un, soit contre quelque chose, soit sans avoir un projet. Ce qui est important c’est d’avoir un projet d’avenir pour votre commune ».
Donc on est tout à fait dans cette problématique.
Néanmoins, et on en parlera aujourd’hui, il y a fort à parier que sans la loi sur la parité, beaucoup d’entre elles n’auraient pas pu se présenter. On est bien toutes d’accord là dessus. Même dans les communes où la loi ne s’appliquait pas.
Il y a eu une pression de l’opinion qui a fait que les têtes de liste, souvent masculines, n’ont quand même pas osé présenter des listes entièrement masculines.
La confirmation de cette analyse est faite dans la réponse à la question de l’enquête « Avez vous été candidate à d’autres élections ? » Que constatons-nous ?
Même si, et pour cause – puisqu’on a vu que plus de 50 % de ces femmes sont toutes nouvelles en politique – elles ont été peu nombreuses a être candidates à d’autres élections, lorsqu’elles l’ont été, elles ont été plus nombreuses à avoir été candidates aux élections régionales. Cela paraît logique, puisqu’aux régionales il y avait plus de postes à pourvoir par définition, et que la loi sur la parité s’appliquait, ce qui a facilité les candidatures, et enfin, il est sans doute plus
facile et plus efficace pour une femme relativement novice (et pour un homme aussi
d’ailleurs), de s’intégrer dans une liste que de se présenter seule, et d’apprécier le soutien d’une équipe et d’un parti politique, puisque contrairement aux élections municipales, pour les régionales, l’investiture d’une liste par un parti politique est quasiment la règle.
Justement nous y voilà, l’appartenance à un parti politique !
Cela sera l’objet de ma troisième remarque.
Apparemment l’adhésion à un parti politique n’a pas été le premier réflexe des élues municipales, nouvelles ou non. Elles se sont d’abord beaucoup plus impliquées dans la vie associative à une grosse majorité, 61,3 %. En tant que responsables d’associations nous avons toujours su que les associations étaient le premier pas vers la vie politique.
Souvent, lorsque l’on est responsable dans une association, on se rend compte que pour faire aboutir ses projets, il faut rentrer dans le sérail politique et l’on nous a souvent dit « On est au Conseil municipal, on est adjointe, et on se rend compte que ça n’est pas suffisant, qu’il faut passer l’étape suivante, s’engager encore plus, soit vers le Conseil général, soit vers le Conseil régional ».
Nous avions déjà évoqué – pour celles qui étaient là au précédent colloque pour le dixième anniversaire d’Elles aussi – cette réticence des femmes à aller dans un parti politique.
Certaines l’avaient regretté.
Cette attitude est-elle un frein à la progression et à la place des femmes en politique ? La progression dans les cursus politiques, collectivement, l’avancée de certains projets ne nécessitent-elles pas une intégration dans un parti ? Nous en rediscuterons encore aujourd’hui. A noter quand même, pour mettre un bémol à cette réflexion, 50 % des réponses émanaient de femmes élues dans des communes de moins de 3500 habitants, ceci pouvant expliquer cela.
C’est vrai qu’en milieu rural, on s’engage moins dans un parti politique. Mais dans ce cas, et c’est une question que je pose, les partis politiques n’ont-ils pas eux aussi une réflexion à faire, une mise en cause quant à leur implantation ? Est-ce qu’ils n’auraient pas intérêt à attirer plus de femmes dans ces communes-là, et à aller chercher les femmes là où elles sont ?
On les entend souvent se plaindre et dire « Des femmes, on en voudrait bien mais on n’en trouve pas ! ». Ce que je mets un peu en doute.
Quatrième et dernière remarque : vous verrez sur les panneaux que nous avons mis en valeur, les motifs de satisfaction que connaissent les femmes dans le cadre de leur mandat ainsi que leurs difficultés.
En ce qui concerne les motifs de satisfaction, sont largement plébiscités le sentiment d’améliorer la vie des citoyens de sa commune et la mise à disposition de ses compétences, ce qui est la même chose mais c’est un peu plus personnel.
Pour la mise à disposition de ses compétences au service de ses concitoyens, bravo ! On en attendait pas moins, on sait combien les femmes sont généreuses ! C’est très bien !
Mais comme je suis perspicace, je me dis « Est-ce que par hasard elles n’oseraient pas tout simplement savourer le plaisir qu’elles éprouvent pour elles-mêmes à réussir dans un projet ou l’envie de faire une carrière ? ». Et je ne vois pas en quoi on n’oserait pas le dire.
Est-ce que par hasard, on ne serait pas encore un peu dans les vieux schémas ? Et est-ce qu’il n’y aurait pas, aussi là, une interrogation, un reste de la dévalorisation de la politique en général ? Est-ce que ça ne passe pas par une revalorisation, évoquée par Christine, de l’image de la politique ?
En revanche, en tête de leurs difficultés, elles citent la difficulté de tout concilier : le travail, la famille, l’engagement… et ce qui en est une composante, les horaires de réunion mal adaptés. Ce souci de vouloir tout réussir – tâche oh combien difficile ! – source de culpabilité, est bien féminin parce que nous l’avons rencontré lors de la formation de candidates.
Quand on en a discuté avec les hommes, même s’il y en a qui ont ce même souci, ils sont beaucoup moins nombreux.
C’est très important parce qu’on touche là, à l’organisation de la société en général et je dirais même de la société française où le taux d’activité professionnelle féminine est le plus élevé d’Europe ; 81 % des femmes entre 25 et 49 ans sont en activité professionnelle et ce chiffre a augmenté de 30 % en vingt ans.
On touche au temps des villes, à la gestion du temps, au partage des tâches dans la vie familiale…. Nous avons de quoi discuter et particulièrement avec les femmes européennes.
Pour conclure, ce qui m’a semblé tout à fait positif et cela m’a bien fait plaisir, c’est que dans l’ensemble, les femmes se plaignent beaucoup moins de ne pas être reconnues comme des élues à part entière. Cela veut dire qu’elles réussissent pour la plupart à s’affirmer dans l’exercice de leur mandat et dans leur fonction d’élue.
Nous allons vérifier tout cela aujourd’hui, nous essaierons de nous projeter dans l’avenir pour répondre aux attentes de toutes ces femmes qui ont fait le choix très courageux de se mettre au service de leurs concitoyens.
Je voudrais encore remercier les antennes qui ont contribué à ce travail.
Je voudrais vous dire que parfois, j’ai l’impression, en faisant mon exposé, d’enfoncer des portes ouvertes, parce qu’on sait qu’en faisant des enquêtes, on vérifie la plupart du temps des choses que l’on sait déjà… Il fallait néanmoins le faire.
Nous verrons au travers des tables rondes si le sentiment des élues est partagé.
Je vous remercie de votre attention.
Christine Villeneuve
Pour compléter les propos de Marie-Claude Boileau, et avant de passer à la première table ronde, je voulais dire qu’en France, non seulement les femmes ont un taux d’activité professionnelle très important, mais elles ont également un taux de fécondité qui est l’un des plus importants d’Europe, ce qui veut dire que les femmes réussissent bien à concilier les différents aspects de leur vie – en tout cas mieux qu’ailleurs – ; on a sans doute développé en France un modèle féministe un peu différent qui permet justement cette conciliation, en tout cas, un modèle qui n’empêche pas les femmes de ce côté-là, et même si ce n ‘est pas suffisant, nous avons un système social qui les aide.
Je voudrais juste, sur la question de ce qu’on sait mais qu’on a toujours intérêt à entendre, évoquer un sondage réalisé par BVA en mars 2005 ; il montre qu’en effet, le monde politique a une image négative mais que pour la transformer, cela passe par l’égalité entre les femmes et les hommes ; les français font davantage confiance aux associations de droits des femmes à 46% pour y arriver, aux femmes politiques elles-mêmes à 38%, plutôt qu’aux partis politiques qui ne sont qu’à 18 %, et aux médias à 25%.
Les femmes sont beaucoup plus nombreuses que les hommes à faire confiance aux associations féministes, elles sont 52% contre 40% d’hommes ; elles sont aussi plus nombreuses à faire moins confiance aux partis, 15 % contre 22 % pour les hommes.
Enfin et surtout, et c’est cela qui est intéressant pour la question de l’avenir et des générations futures, c’est que, quand on pose la question « quelle est votre inclinaison à voir votre enfant entrer en politique ? », alors qu’ils en ont une image négative, la réponse positive est de 14 points supérieurs quand l’enfant en question est une fille ; cela veut dire qu’il y a en France aujourd’hui, culturellement, un désir de parité et la conscience que la modernisation et la transformation de l’image des politiques passent par la parité.
TABLE-RONDE AVEC DES ÉLUES MUNICIPALES
Christine Coimbault, Maire de Saint-Georges-sur-Eure (Eure), modératrice,
Marie-Thérèse Guidoux, adjointe au Maire de Questembert (Morbihan)
Reine Mataix, Maire-adjointe à Ecully (Rhône)
Sophie Raitière, Conseillère municipale à La Chevrolière (Loire-Atlantique)
Françoise Ramond, Maire d’Epernon,
Présidente de la communauté de communes du Val-Drouette (Eure-et-Loire)
Christine Coimbault
Bonjour à toutes et à tous.
Aujourd’hui nous sommes là pour faire le bilan des parcours de nos mandats.
Je me présente ; je suis Christine Coimbault, Maire de Saint-Georges-sur-Eure, commune de 2500 habitants qui n’est dons pas touchée par la loi sur la parité, et première vice-présidente d’une communauté de communes où un tiers des vice-présidentes sont des femmes.
Reine Mataix
Je suis Maire adjointe, déléguée à l’urbanisme d’une commune de 19 000 habitants.
Sophie Raitière
Je suis conseillère municipale depuis 2001 dans une municipalité de moins de 5000 habitants et de plus de 3500, dans une communauté urbaine de Nantes, dans l’Ouest.
Marie Thérèse Guidoux
Je suis adjointe au Maire de Questembert, une commune de 6500 habitants dans le Morbihan.
Je suis élue depuis 1989, conseillère municipale jusqu’en 1995, et adjointe depuis 1995.
Françoise Ramond
Je suis Maire d’Epernon en Eure-et-Loire, 5500 habitants, commune concernée par la parité. Je suis également Présidente de la communauté de communes du Val-Drouette, 11 000
habitants.
Première Question : comment êtes-vous, chacune, arrivées en politique ? Par quel milieu ?
Milieu associatif ? Est-ce des choix familiaux ?
Sophie Raitière
J’avais un intérêt depuis assez longtemps, puisque cela doit remonter à mes premières années universitaires, un désir d’investissement pour quelque chose qui me rendrait un peu plus actrice dans la vie quotidienne et dans la vie politique. J’ai eu ensuite l’occasion de vivre dans un pays où le régime politique était quelque peu totalitaire, où le droit à la parole n’existait pas, et où la place de la femme était peu ou pas existante, et surtout elle n’était pas l’égale de l’homme.
Je crois que toutes ces choses, mises bout à bout à un moment, me sont apparues comme étant évidentes, comme une maturité d’intérêts et d’investissements, tout en sachant que venant de déménager dans cette proche périphérie de Nantes, je n’avais pas de réseau, et les associations dans lesquelles je pouvais m’être engagée jusque-là, n’étaient plus locales. Je me sentais quelque peu isolée.
J’ai eu la chance de rencontrer dans ma commune des femmes qui organisaient un forum sur
la parité. J’ai pu y assister.
Il y avait des tables rondes au cours de cette journée. Je suis allée me présenter pour dire que j’étais intéressée, que je pourrai faire partie d’un réseau, que j’étais disponible si on avait besoin de moi pour être secrétaire ou pour distribuer des papiers… rentrer par la petite porte parce que, on a toujours l’impression qu’on n’a pas de compétences et que lorsqu’on n’est pas connue… la chose politique est tellement éloignée !!!
J’ai été très rapidement accueillie dans une liste qui essayait de briguer la mairie de La Chevrolière, et je crois que sans cette loi sur la parité et sans ce forum, je n’aurais jamais osé faire la démarche de me présenter et de me dire que moi aussi, je pouvais avoir les compétences pour être plus actrice dans la vie quotidienne de ma commune.
Je suis dans une liste d’opposition, non majoritaire au Conseil municipal. D’un côté, c’est intéressant parce que cela me permet de faire mes armes. Quand on est novice et quand on arrive dans une municipalité, il y a tellement de choses à savoir, à connaître de façon explicite et implicite. Il y a toujours ce qu’on voit et ce qu’on comprend, et ce qu’il faut appréhender en étant dans une commune, la petite et la grande histoire…
D’un autre côté, notre action de groupe sur le terrain est limitée, puisque nous n’avons aucun pouvoir de décision. Et ma présence en tant que femme n’ajoute pas de pouvoir à ce groupe ! Nous n’avons qu’un rôle consultatif et encore ! Quand on lève la main, en général ce n’est jamais pris en compte en totalité.
On voit bien actuellement à mi-mandat, la difficulté d’emmener d’autres femmes dans cette aventure. Une échéance approche, il va falloir se mobiliser.
Là où j’habite, il y a un historique de milieu rural, et les femmes jeunes sont occupées à la fois par leur travail et par leurs enfants. Il faut les persuader qu’elles peuvent entrer dans la vie locale et dans la vie politique, pas par la petite porte, elles ont toutes leur place à prendre.
J’appartiens à une liste où les hommes ont laissé de la place, mais il faut la prendre.
Ils laissent la place parce qu’ils y sont obligés, mais il faut quand même s’affirmer et démontrer qu’on n’est pas là uniquement pour s’occuper de l’action sociale et des personnes âgées, mais qu’on peut participer à d’autres commissions : les appels d’offres, la voirie…; ce n’est pas parce qu’on est une femme, qu’on doit s’occuper obligatoirement et uniquement de « la petite enfance et des personnes âgées ».
Ma situation est particulière parce que je suis dans l’opposition et que je n’ai pas la possibilité de mettre en œuvre toute l’action que j’aimerais bien pouvoir réaliser.
Reine Mataix
Moi, je pense que cela vient de très loin, de mon éducation.
Aujourd’hui, on parle beaucoup d’abstention et moi, j’avais des parents qui n’étaient pas spécialement impliqués dans des partis politiques mais qui ne manquaient pas un jour de vote, pour toutes les élections. Il y avait ce devoir citoyen qu’on m’a appris très tôt.
J’ai fait des études d’économie qui n’ont fait que conforter mon engagement sociétal.
Ensuite je me suis engagée dans les associations ; je me dis que quitte à être là, c’est peut-être bien d’être utile, et donc de s’engager et de voir ce que l’on peut faire. On fait parfois de toutes petites choses, mais c’est toujours cela d’acquis.
Mon engagement associatif est déjà très ancien. Quand j’étais jeune étudiante, j’avais déjà un rôle pour mobiliser tout le monde parce que je trouvais qu’il y avait des choses qui n’allaient pas et qu’il fallait les changer, ça vient de très loin.
Comment suis-je concrètement entrée en politique ?
Tout simplement parce que j’étais présidente d’association, et un homme politique du Rhône qui s’appelle André Soulier, est venu me chercher en 1992, parce qu’il y avait un peu de rébellion et il avait décidé de faire une liste dissidente de son parti. Je l’ai suivi parce qu’il me paraissait convaincu et convainquant et à partir de là, je suis entrée véritablement en politique.
J’ai pris une carte et depuis je suis toujours dans un parti politique.
Pour ce qui concerne l’élection de 2001, bien entendu j’étais sensibilisée au mouvement des femmes, j’ai assisté à des forums.
Il faut dire aussi qu’étant dans le Rhône, j’ai quand même des modèles ; je pense à Muguette Dini qui est ici présente et cela aussi aide. Il faut vraiment le dire. Nina Afanassieff a joué aussi un grand rôle. Elles m’ont confortée dans mes choix et dans mes engagements.
En 2001, j’ai mené une liste aux côtés du maire actuel. Nous nous sommes battus parce que nous étions dans un combat politique très dur et très serré. C’était un combat droite/droite. Ce sont des combats difficiles à gagner. Ce fut une première expérience où véritablement j’ai œuvré. Il fallait travailler jour et nuit dans cette campagne, et nous avons mis deux ans pour réaliser un plan de campagne tout à fait organisé, structuré.
Nous n’avions qu’une seule et unique volonté : faire partir le maire en place puisqu’il ne nous convenait pas sur les engagements qu’il avait pris. J’ai appris ce qu’était véritablement construire une campagne pour gagner une élection.
Ensuite, j’ai dû me battre parce que je suis une femme et que, quand on fait en politique des unions avec d’autres tendances pour rassembler dit-on – parce que c’est comme cela qu’on gagne en politique, en rassemblant – et bien, de temps en temps, il faut savoir faire des concessions, et savoir laisser sa place. J’ai laissé la place de première adjointe, mais j’ai revendiqué la place de déléguée à l’urbanisme ; c’était cela ou rien du tout.
Marie-Thérèse Guidoux
Je ne vais pas être très originale, mais cela est dû à mon éducation également. J’ai la chance d’être née dans une famille où il y avait sept filles avant moi et un garçon. C’était loin d’être la parité ! J’avais des sœurs très engagées.
Je pense que cela doit être particulier à la Bretagne, il y avait une association très influente et très forte qui a révolutionné notre monde agricole, la J.A.C., la Jeunesse Agricole Catholique, où vraiment on était engagé pour transformer notre monde agricole.
Les gens à l’époque n’avaient pas beaucoup d’éducation, ils n’avaient pas un niveau intellectuel élevé, des diplômes. L’association proposait des stages de culture générale, des formations, des réunions. C’était phénoménal.
J’ai été baignée dès l’enfance dans ce milieu puisque j’avais mes sœurs et mon frère engagés là. Toute jeune, j’ai vu autour de moi l’engagement, vouloir faire changer le monde là où l’on était, vouloir le faire évoluer. J’ai repris le flambeau. Mon premier engagement a été dans les associations catholiques. Pour moi, cela a été un tremplin. La vie associative est un tremplin. On commence souvent par là pour se lancer dans la vie politique. Là, cela coulait de source, tout cet engagement pour vouloir changer le monde, le rendre meilleur, plus juste vers la politique.
En 1989 j’ai rejoint une liste à Questembert. C’était mon premier appel en politique. J’ai dit oui tout de suite. J’avais envie de m’impliquer un petit peu plus dans la vie de mes concitoyens et concitoyennes. Faire en sorte que la vie soit meilleure là où j’étais.
Comme Sophie Raitière, je me suis retrouvée dans l’opposition et je sais que ce n’est pas un rôle très intéressant parce qu’on n’a pas de possibilité de décision. Là, les relations n’étaient pas très agréables, comme tous ceux qui sont dans l’opposition le constatent.
Sont arrivées les élections de 1995, et en même temps la réalisation de tous les forums d’Elles aussi. C’est là que j’ai fait la connaissance d’Elles aussi.
Comme dans mon engagement dans la vie associative, on a besoin de se retrouver avec d’autres parce que seule, on ne peut pas grand chose, on a besoin de travailler avec d’autres pour faire changer les choses.
J’ai naturellement glissé vers l’engagement dans un parti politique, parce que là aussi, sans appartenance à un parti politique, j’avais l’impression de rester sur le bord du chemin ; tous les autres se retrouvaient, avaient un projet ensemble, avaient des décisions communes qui partaient de la base et qu’ils faisaient remonter au niveau national, régional.
Donc, tout de suite, j’ai adhéré à un parti politique avec immédiatement des réflexions, entreautres celles de mon mari : « Tu ne vas plus être libre », « Tu as le fil à la patte » alors que non, pas du tout. Nous, les femmes, nous avons une place à tenir dans les partis politiques. Là aussi, on peut faire évoluer les choses, changer les choses.
Françoise Ramond
Je vais répondre à la question « comment suis-je devenue Maire ? Qu’est-ce qui m’a incitée à m’engager dans cette voie ?
Je dirais trois raisons :
La première, et là je vous rejoins tout à fait, j’ai eu un grand-père qui a été maire pendant trente ou quarante ans dans le Jura, et je crois qu’il y a un atavisme, et, il y a le fait qu’on est baigné, bercé par cette responsabilité.
Ma grand-mère le disait – heureusement ça n’existe plus maintenant – mais les administrés débarquaient chez lui tout le temps. Heureusement que cela s’est amélioré.
La deuxième raison, mon implication dans le mouvement de la parité très tôt, pratiquement à la fondation d’Elles aussi en 1992 et le fait que Secrétaire générale de l’Action Catholique Générale Féminine, nous faisions partie des fondatrices de ce mouvement.
Le mouvement de la parité était bien enraciné dans la réflexion de l’ACGF depuis je ne sais combien de décennies, pratiquement depuis sa fondation en 1901.
Cette implication dans un mouvement de femmes qui réfléchit depuis très longtemps à la place des femmes en politique, entre autres (le mouvement Action catholique Générale Féminine n’a pas fait que cela), cela permet de mûrir des décisions.
La troisième raison est qu’en 1994, le mouvement Elles aussi a décidé de faire des forums « Pourquoi pas conseillères municipales ? »
Je n’étais rien du tout, j’ignorais tout, à la limite je vais vous dire, je travaillais à Paris à l’époque, quand on entendait les gens parler de la politique dans le train, on avait plutôt envie de fuir que d’entrer dans les Conseils municipaux.
Il faut s’accrocher quand on entend ce qu’on entend dans le train sur la politique !
Mais poussée par les élues qui étaient déjà à Elles aussi, je me suis dit qu’il fallait bien que nous fassions nous aussi un forum en Eure-et-Loire.
Pour faire ce forum, parce qu’on démarrait de zéro, je suis allée voir le maire en place à Epernon, qui était en plus conseiller général, et j’ai commencé à lui demander de l’argent pour nous aider à monter ce forum.
Avec ce type de démarche, on entre en contact avec des élus et on se rend compte petit à petit que c’est fort intéressant et qu’il y a un challenge à relever et un risque à prendre.
Voilà pourquoi j’en suis là où j’en suis.
Le bilan de cette activité depuis 1995, je le ferai après.
Françoise Ramond, justement puisque vous êtes maire, qu’elle a été votre difficulté à constituer une liste paritaire?
Françoise Ramond
Je n’ai pas eu de difficultés. Je n’en ai pas eu dans le sens où une liste se prépare longtemps à l’avance, et dans la mesure où le maire précédent ne se représentait pas, il a facilité toutes les démarches pour qu’il y ait une liste paritaire.
D’autre part, étant à Elles aussi, présidente sur le plan national d’une association qui se bat pour la parité, les hommes et les femmes qui sont venus avec moi sur la liste connaissaient l’enjeu et ont joué le jeu.
Ce que je peux dire également, c’est qu’une liste paritaire demande un exécutif paritaire. Il faut être logique jusqu’au bout.
Marie-Thérèse Guidoux, comment vit-on son passage de conseillère d’opposition à votre poste aujourd’hui ?
Marie Thérèse Guidoux
Je n’ai pas été élue grâce à la parité puisque la loi sur la parité n’existait pas à l’époque. Je dois dire, au grand dam de certaines qui ne vont sans doute pas comprendre pourquoi je réagissais comme cela, je n’étais pas pour la parité, je trouvais ça humiliant pour les femmes d’être obligées de passer par des quotas et par une loi.
Je me disais: « Il faut que les femmes le veuillent et y aillent, et bon sang, on n’a pas besoin d’une loi pour cela ! ».
Et après je me suis dit qu’heureusement qu’il y a eu la loi sur la parité ! Parce que cela fait prendre conscience aux femmes qu’elles peuvent s’engager en politique.
J’ai bien vu qu’en 1989 lorsque j’ai demandé à des femmes de venir avec nous sur cette liste, certaines disaient: « Moi? Demande à mon mari, moi, je n’en suis pas capable! ».Toujours le même refrain : « Je ne suis pas capable », « Je n’ai pas d’instruction », « Je n’ai pas le temps ».
Alors que les hommes ne se posent jamais cette question, ils sont toujours capables.
Donc beaucoup de femmes n’ont pas voulu franchir ce pas en 1989.
J’y suis retournée en 1995, et là, des femmes ont dit oui.
En 2001, cela a été encore plus évident, les femmes étaient plus volontaires, parce que la loi était passée par là. Parce que, à force de dire que nous sommes capables nous aussi…, il faut que nous soyons là. On représente la moitié de l’humanité, la moitié des citoyens.
En 2001 cela a été relativement facile.
En 1989, c’est vrai qu’élue sur la liste d’opposition, cela a été très difficile à vivre, une première expérience difficile à assumer pour notre équipe. Nous avions préparé les élections ensemble. Nous avions préparé un projet qui est tombé à l’eau en quelque sorte.
Six ans de frustration, puis sont arrivées les élections de 1995 avec notre élection, et la proposition de poste de première adjointe au Maire de Questembert, chargée des finances et du personnel. Quand on a discuté des finances, j’ai passé plusieurs nuits blanches parce que je trouvais ce travail énorme, j’ai toujours détesté les chiffres…c’est paradoxal.
Je travaillais au Trésor public, cela paraissait couler de source et personne ne voulait de ce poste. Je l’ai donc pris.
Il y a huit adjoints et nous ne sommes que deux femmes, c’est dommage, les femmes ont accepté d’être conseillères municipales mais n’ont pas voulu franchir le pas.
Pour quelles raisons ?
Marie-Thérèse Guidoux
La peur de prendre cette responsabilité. On accepte d’être conseillère municipale, c’est déjà un pas pour certaines, mais aller jusqu’à la responsabilité d’adjointe !
Nous avons même proposé des présidences de l’O.M.C. (Office Municipal de la Culture) ou de l’O.M.S. (Office Municipal des Sports), il y avait une femme très engagée dans la vie sportive, elle n’a pas accepté d’en prendre la responsabilité.
La peur, l’appréhension, le manque de confiance en soi.
Reine Mataix, dans votre municipalité comment êtes-vous perçue en tant que femme revendiquant l’urbanisme ?
Reine Mataix
Pour parler un tout petit peu de la liste, cela n’a pas été trop difficile de trouver des femmes, ce qui a été plus difficile ensuite, ce fut la distribution des postes et des délégations d’adjoints. J’ai assisté à des réunions stupéfiantes où les femmes étaient « trop ci, trop ça… », cela n’allait jamais.
Nous avions toujours quelque chose qui ne convenait pas et comme j’étais là pour négocier la place des femmes, très vite tout le monde a bien compris quelle était la position que je défendais pour les femmes. On a construit un exécutif à peu près équilibré : sur les neuf adjoints il y a quatre femmes. Je voulais simplement dire que, lorsque l’on a dû négocier au second tour, lorsqu’il a fallu sacrifier quelqu’un, je vous laisse deviner qui ?
C’est étonnant comme ces messieurs ne voulaient pas laisser la place ! On a sacrifié une femme. Cela reste un peu sur le cœur quand même !
Dans la fonction que j’exerce, au début on a été étonné. On est venu me demander : « Cela fait quoi d’être adjointe à l’urbanisme ? ». « Je vous rassure, cela ne fait rien d’exceptionnel, si ce n’est que c’est une délégation très intéressante ». Quand j’ai vu cette délégation, j’ai très vite compris que cela allait être quand même du boulot. Mais comme j’aime bien les challenges, finalement je me suis dit: « Ces messieurs, je vais leur montrer que cela va se passer encore mieux avec une femme qu’avec un homme ».
J’ai découvert cette délégation un mercredi après-midi. J’ai été prise en charge par les services d’urbanisme dès 13h30, j’ai demandé grâce à 19h30. Je leur ai dit: « Cela commence à faire beaucoup, on verra demain. »
J’ai mesuré qu’il me fallait une formation. C’est étonnant comme nous, les femmes on ressent très vite nos manques, nos insuffisances, et que tout de suite nous avons envie de les combler. Je pense que c’est une bonne idée de s’y mettre, tout simplement parce que ces messieurs ne nous pardonnent rien. On vous attend à la première erreur de jugement, d’analyse, et si on peut vous contrer sur un détail, on le fait. Je l’ai très vite perçu, je ne me suis pas laissé avoir. J’ai demandé une formation, je suis montée à Paris, j’ai appris ce que je devais apprendre et j’apprends tous les jours, parce que dans ces fonctions, on apprend tous les jours. Aujourd’hui je pense que je suis crédible, mais il a fallu que je ne prête pas le flanc, que je reste fixée sur mes objectifs, que je me mette à la hauteur de la situation.
Je dirais plutôt aux femmes qui veulent s’engager que d’abord, elles ont les capacités tout autant que les hommes, et ensuite que c’est une histoire de motivation et d’engagement personnels.
J’entendais tout à l’heure quelque chose sur le manque de confiance des femmes, c’est vrai, je l’ai rencontré y compris chez des femmes qui n’avaient aucune difficulté sur le plan intellectuel. Cette peur de se confronter aux autres et de s’affirmer, c’est une question.
Je dirais aussi qu’il y a un problème de culpabilité parce que nous les femmes, on doit tout faire, on doit être une « super woman », dans la vie de couple, dans la vie de famille, dans la vie professionnelle, et dans la vie politique.
On a souvent le sentiment qu’on nous culpabilise. Peut-être qu’il faut partager les tâches au quotidien avec ces messieurs.
Sophie Raitière, en tant que conseillère municipale d’opposition, ne faisant donc pas partie de l’exécutif, avez-vous un accès facile aux commissions municipales, voire aux représentations dans les syndicats extérieurs ?
Sophie Raitière
La municipalité a une femme maire à sa tête depuis deux mandats.
J’allais dire que ça n’arrange pas vraiment les choses : cela va à l’encontre de ce que l’on pourrait se dire entre nous, mais ce n’est pas qu’une question de sexe, c’est aussi une question de personnalité, de comment on envisage le projet qu’on a pour sa commune, et comment on veut bien communiquer sur ce projet.
Vous parliez tout à l’heure de frustration, c’est vrai qu’elle est quotidienne car nous n’avons aucune lisibilité sur le projet, même à court terme. Nous sommes invités aux commissions consultatives parce que c’est la loi. En revanche, nous n’avons aucun accès aux réunions de la communauté de communes, réunions organisées par la région ou par le Conseil général. Nous ne sommes que l’opposition avec les limites que cela implique.
Le bénévolat limite aussi l’engagement. Parler du statut de l’élu serait nécessaire.
Quand on est maire ou quand on est adjoint, on est aussi quelqu’un de légitimé dans son action, mais quand on est conseiller municipal, que ce soit un homme ou une femme, nous n’avons que le temps que nous voulons bien donner.
L’action sur le terrain et l’action auprès des citoyens de la commune, c’est au jour le jour, cela demande un investissement important. Pour ma part, c’est un investissement et un accord de la famille, car si je n’étais pas épaulée par mon mari et mes enfants, je ne pourrais pas être tous les soirs ou le week-end, à aller partager le verre de l’amitié pour la fête du muscadet, ou dans les commissions agricoles et autres manifestations.
Être engagée dans une municipalité, c’est être là où le citoyen est, donc c’est du temps.
Sophie Raitière, je vois que vous avez décidé d’occuper le terrain malgré tout.
C’est vrai, parce que si on n’a pas l’accès à l’information, il faut le faire savoir, donc il faut communiquer à la fois par les médias et distribuer des bulletins d’information dans les boîtes aux lettres. On prend sa voiture, son vélo, on marche à pied. Il y a une question de budget, d’investissement et de temps.
Avez-vous l’impression d’être plus malmenée parce que vous êtes une femme ou parce que vous êtes d’opposition ?
Je ne crois pas. C’est peut-être dû à l’équipe municipale en place. Peut-être qu’il y a plus d’intérêt pour les hommes que pour les femmes, mais malmenée, non… Mais, il faut savoir s’affirmer.
Dans la majorité, au niveau de l’exécutif, je pense qu’il y avait 50 % d’hommes et de femmes, il y avait une parité. Mais lorsque les adjointes sont parties, elles ont été remplacées par des hommes. Il n’y a pas de difficulté liée à la place des femmes, si ce ne sont les délégations qu’elles ont choisies, ou qu’on leur a imposées. Elles ne sont pas à l’urbanisme par exemple, réservé aux hommes.
Vous parliez de votre famille tout à l’heure. Comment conciliez- vous cet engagement ?
Cela dépend des semaines. Cela dépend s’il y a eu trois réunions, un week-end comme celuici, et demain où je suis de 8 h à 20 h à tenir un bureau de vote…, on fait des choix.
Parfois, la culpabilité nous fait dire que notre place serait peut-être à la maison, qu’on devrait y passer plus de temps.
Mais en même temps, il faut reconnaître le plaisir à mener, en tant que femme, des actions sur le terrain et à être active, à travailler sur un projet qui dépasse votre projet personnel, et qui engage aussi la vie d’une commune, et si je fais le bilan de ce que j’ai pu vivre pendant la campagne électorale, cela a été du pur plaisir.
Concevoir en équipe un projet pour une commune, pour des citoyens, c’est un intérêt qu’il ne faut pas mettre de côté, on n’est pas masochiste.
Votre mari a-t-il un engagement ?
Associatif, mais pas politique.
Donc, il vous seconde ?
Il seconde beaucoup sur les tâches matérielles et celles de père.
Je n’ai plus d’enfant en bas âge. Cela donne la possibilité de les laisser à la maison, sans avoir à chercher une baby-sitter. Mais même s’ils sont grands, ils demandent du temps.
Il faut faire des choix et les assumer. Même si on se dit que les hommes ont moins de difficultés avec cette situation d’engagement, on demeure à la fois, une épouse, une mère, on travaille à plein temps, et on a des intérêts à devenir actrice au sein de sa commune.
Reine Mataix, en tant, qu’adjointe à l’urbanisme, je suppose que vous avez dû, soit renoncer à une partie de votre vie privée, soit renoncer à une partie de votre vie professionnelle ? Quel choix, avez-vous dû faire ?
Reine Mataix
Je n’ai renoncé à rien. Je suis gourmande de tout. Mais c’est vrai que cela m’a obligée à m’organiser.
J’ai un travail qui me permet de moduler un tout petit peu mon temps, puisque je fais des interventions en économie et en même temps je développe des relations avec des entreprises. C’est moi qui gère mon agenda et mes rendez-vous, et donc je peux combiner à la fois le travail professionnel et le travail municipal. Mais c’est vrai que je n’ai pas du tout diminué mon temps de travail professionnel pour une raison très simple, matérielle.
Aujourd’hui, on n’a aucun moyen, quand on travaille effectivement dans le privé, de lâcher son emploi pendant quelque temps, surtout si l’on a quelques responsabilités.
Je ne me vois pas dire à ma direction : « Non, je fais un petit temps d’arrêt et je reviendrai », c’est impossible. Il faut traiter le problème autrement. Donc, cela demande de gérer un emploi du temps différemment bien entendu, et c’est là que l’on se rend compte que l’accès aux fonctions municipales n’est pas égalitaire. Il y a des personnes qui, par leur emploi, ne peuvent pas s’engager politiquement.
Je n’ai pas d’enfant en bas âge, j’ai deux grandes filles de 20 et 24 ans qui s’assument parfaitement, même si elles n’avaient pas cet âge-là quand j’ai été élue, elles étaient déjà bien indépendantes, et cela ne leur a pas posé de problème. Au contraire, elles ont vécu cela plutôt positivement.
J’essaie de combiner les deux, et cette semaine c’est dur, parce que j’avais deux jours à Bruxelles, hier soir j’avais un Conseil municipal, ce matin je suis là, et demain ce sont les élections.
Pour faire passer la pilule, on prévient à l’avance. Il faut anticiper dans ces cas-là et dire :
« Pendant un certain temps je ne suis pas là, donc ce qui serait bien, c’est que tu trouves à t’occuper » et comme cela, on arrive à gérer les choses. Là aussi, c’est un partage des tâches avec nos compagnons.
Nous sommes dans une société où il y a beaucoup de familles monoparentales, et à 90 % ce sont des femmes qui vont se retrouver avec la charge des enfants, et alors là, le choix de l’engagement politique, à mon sens, n’existe plus. Ou alors, il faut que ces femmes-là n’aient pas de soucis matériels, ce qui est loin d’être le cas dans notre société.
Je pense donc, que pour certaines c’est quand même plus difficile.
Marie-Thérèse Guidoux
Je n’ai jamais eu de problèmes et pourtant nous avons eu cinq enfants.
Avant mes engagements politiques, j’avais des engagements associatifs y compris en tant que parent d’élève. Il y avait des semaines où tous les soirs il y avait quelque chose, et pourtant mon mari était lui aussi très pris parce qu’il était commerçant en bestiaux ; il n’était pas de bonne heure à la maison.
J’ai laissé très tôt les enfants seuls, reliés aux voisins par le téléphone. Cela n’a jamais été un inconvénient ou un frein à mes engagements.
Etant fonctionnaire, j’ai droit à des autorisations d’absence pour des réunions, que ce soit en plein après-midi, le matin, il n’y avait aucun problème. C’était une chance pour moi de pouvoir m’absenter comme cela. Ce n’est pas le cas pour tout le monde.
Avez-vous demandé à vos enfants, maintenant qu’ils sont grands, comment ils avaient ressenti cette période ?
La première réaction a été de la part des femmes. A une réunion, un soir, les femmes qui étaient là m’ont dit: « holà ! ton mari t’a laissée sortir ? »
« Je ne lui ai pas demandé la permission. Lui, quand il sort il ne me demande pas la permission non plus ». J’étais jeune à l’époque, j’avais 30 ans, et cette question m’avait surprise.
Je pensais que les enfants, qui m’ont toujours vu engagée, avaient souffert de mon absence, en fait non. A ma grande surprise, il n’y a pas très longtemps – j’en suis à mon troisième mandat, et je disais, puisqu’on parle de renouvellement des personnes, de limitation des mandats, que je ne voulais pas m’incruster pendant des années, je trouve que dix-huit ans c’est déjà pas mal – la réaction de quelques-uns de mes enfants, a été : « Que tu vas faire ? ». Je vais m’occuper de moi un petit peu, ce que je n’ai pas fait jusque-là.
Cela peut sans doute décourager certains de voir leurs parents très engagés politiquement ou au niveau associatif, d’être frustrés de cette absence. Pour moi, j’ai toujours eu des enfants admiratifs de me voir engagée. Comme quoi, ce n’est pas forcément le temps que l’on passe avec les siens, c’est peut-être la qualité qu’on y met ?
Aucun de mes enfants n’est découragé aujourd’hui par mes engagements.
Pensez-vous, qu’ils prendront un engagement politique plus tard ?
Ils votent, ils participent à la vie associative, ils s’intéressent à la politique, mais jusque-là, ils n’ont pas franchi le pas. Ils ne sont pas indifférents du tout.
Françoise Ramond, vous avez en plus la charge d’une communauté de communes qui est largement paritaire aussi. Dans votre engagement, quelle a été la priorité au niveau de la communauté de communes ?
Françoise Ramond
Parler de communauté de communes, c’est aussi parler de choix politiques pour un territoire, partagés par les cinq communes qui en font partie.
Nous avons fait presque au départ un choix difficile ; on s’est occupé d’abord de services aux familles, de services à la petite enfance et à l’enfance.
Nous sommes, et j’en suis assez fière, les premiers dans le département à avoir transféré je ne sais combien de personnes de notre commune d’Epernon à la communauté de communes, et signé le premier contrat intercommunal « enfance » du département, et je crois qu’avec les transferts, nous ne sommes pas loin d’être dans les premiers en France.
Quand j’allais à Paris travailler, je n’aurais jamais été maire, ce n’était pas la peine d’y songer. Avec les enfants, les trajets, le travail, avec le nombre de réunions qu’il y a dans la journée, réunions qui actuellement sont doublées entre commune et communauté de communes…. ; il faut prendre des gens qui peuvent avoir des disponibilités ou des gens qui sont à la retraite comme moi maintenant.
Je crois que le suivi des affaires, que ce soit communal ou intercommunal, demande à être présente dans des lieux où les choses se passent l’après-midi et pas en soirée. Vous avez de moins en moins de fonctionnaires du service de l’État qui viennent aux réunions en soirée. Monter un projet intercommunal demande plus d’énergie que sur le plan communal parce qu’il s’agit de fédérer des gens qui ne sont pas tout à fait au même niveau dans les communes.
Je m’y emploie à 100 % du temps.
En revanche, moi qui ai de grands enfants, ce sont mes petits enfants qui en souffrent parce qu’il faut jongler pour pouvoir les garder. J’y arrive, un de temps en temps.
Christine Coimbault
Je vais faire un petit aparté pour parler de mon cas.
Je suis une mère de famille, je suis infirmière libérale, et je suis divorcée, je n’ai pas de conjoint pour pouvoir les garder. Ils ont aujourd’hui onze et treize ans. Ils me disent : « Tu n’es pas souvent à la maison ».
C’est vrai, je les ai habitués à rester seuls, à avoir un téléphone portable pour m’appeler ; il faut avoir des voisins à qui l’on peut faire confiance, et avoir l’aide des grands-parents et des amis assez souvent, pour pouvoir faire ce type d’activité.
Je ne travaille plus qu’à un tiers de temps, et j’ai dû renoncer, en tant qu’infirmière libérale, à une partie de ma rémunération qui n’est pas compensée du tout.
Je le ressens comme un sacrifice pour les autres. C’est un sacrifice du temps, de la personne, et de l’argent.
Françoise Ramond, avez- vous eu plus de difficultés à faire adopter vos choix vis-à-vis de l’enfance et de la jeunesse en communauté de communes par votre conseil communautaire en raison de réticences masculines ?
Françoise Ramond
Oui. Pour qui l’urgence des services aux familles quand les deux travaillent ? C’est quand même pour les femmes.
De ce côté-là, heureusement que nous sommes bien représentées, nous les femmes, dans le conseil communautaire et qu’il y a une connivence entre nous. Mais il y a des communes qui ont réussi à n’envoyer aucune femme au conseil communautaire, donc il faut qu’il y en ait d’autres.
Pour les services à l’enfance, on remarque que la place des femmes, la proportion de femmes, sont déterminantes dans des choix politiques.
D’autres communautés nous suivent dans ce domaine-là. Toutefois quand il faut parler gros sous, il faut vraiment avoir de la volonté.
Est-ce que vous pensez que la population s’adresse différemment à des femmes élues qu’à des hommes ?
Françoise Ramond
Il y a des choses qui me frappent beaucoup, parce qu’il faut beaucoup marcher dans sa commune, il faut rencontrer les gens, il y a une sympathie qui se gagne, surtout de la part des hommes parce qu’ils trouvent que c’est très courageux d’être une maire ou une présidente de communauté de communes.
On vient beaucoup nous voir aux permanences pour les affaires de vie quotidienne.
On traite les problèmes de voisinage, de raccordement entre les uns et les autres, je pense que le maire précédent le faisait aussi. Peut-être y a t-il un peu moins de barrage, mais cela dépend des personnalités. Il y a des personnalités un peu plus froides.
Reine Mataix
Les choses à présent sont réglées. Tout le monde a compris qu’une femme avait un cerveau comme un homme et qu’elle pouvait s’en servir. Mais il est clair que, quand j’ai reçu les associations du cadre de vie d’Ecully, et Dieu sait qu’il y a des fortes personnalités, cela n’a pas été de soi ; ce sont surtout des messieurs d’un âge avancé, donc partant de là, avec des idées un peu retardées, et une femme à l’urbanisme, cela les a un peu choqués au départ. Il a fallu prouver que j’étais compétente, il fallait que je parle encore mieux qu’eux de problèmes d’aménagement du territoire, d’environnement et d’urbanisme.
Je n’ai pas eu que les Ecullois, parce que quand on est déléguée à l’urbanisme, il y a aussi les promoteurs. Plus machiste comme milieu, je crois que cela doit être difficile à trouver !
La première fois qu’ils ont poussé la porte de mon bureau, ils ont été un peu étonnés. Ils s’attendaient à rencontrer un homologue masculin. Une fois que l’on s’est rencontré, que l’on a discuté, travaillé, les barrières sont tombées.
Je dirais même que finalement aujourd’hui, ils regardent une adjointe déléguée à l’urbanisme, ils ne regardent pas une femme qui ne serait pas capable de traiter d’urbanisme.
Finalement il n’y a que l’idée que l’on s’en fait de tout cela. Dans notre société, il y a encore des idées toutes faites. Les femmes c’est pour les enfants, les personnes âgées, la culture mais à l’urbanisme ? Pourtant je sais qu’on peut faire bien mieux que certains hommes.
J’ai vu un certain nombre de dossiers traités par des messieurs, et depuis qu’on est là, on a fait aussi bien, si ce n’est mieux. Peut-être mieux, parce qu’on a tellement peur de cette critique déstabilisante, parce que surtout, il ne faut pas être déstabilisée au début.
Après on s’endurcit, ce n’est pas un problème, on a de la répartie et on arrive à se défendre. Mais quand vous arrivez dans une délégation comme celle-là, où il faut apprendre beaucoup de choses, c’est sûr qu’au début, il faut quand même s’armer un peu.
On prend les choses vraiment à cœur. On ne laisse passer aucun détail, parce que justement on ne veut pas se faire coincer, parce qu’on sait très bien que même si on se fait à peine coincer, cela va faire des remous extraordinaires, beaucoup plus que pour un homme.
Les gens s’habituent et finalement il n’y a aucune difficulté. Finalement, homme ou femme, cela ne change rien.
Là aussi, il y a des idées toutes faites ; il semblerait qu’il y ait des hommes qui aient tout à coup des compétences innées pour telle ou telle chose ? Moi je n’y crois pas.
Je suis convaincue qu’il peut y avoir d’excellentes femmes ingénieurs, d’excellentes femmes chirurgiens, d’excellentes femmes médecins. C’est la société qui, pendant des années, a orienté bien évidemment les choix féminins.
Aujourd’hui on déplore encore que les femmes s’orientent peu vers les études scientifiques, ce n’est pas parce qu’elles sont moins bien, c’est parce qu’à un moment donné, il y a des à priori sociaux-culturels qui se transmettent de mère en fille souvent. Nous avons notre part de responsabilité aussi dans cette société qui laisse une place si importante aux hommes.
Tout à l’heure on disait : « Il faut prendre la place ». J’en suis convaincue. Personne ne va vous donner quoique ce soit. C’est vrai dans la vie en général. C’est vrai dans la vie professionnelle aussi ; si vous attendez qu’on vous apporte quelque chose sur un plateau, vous pouvez attendre longtemps. Il faut se battre ; la vie politique, la vie professionnelle, la vie tout court, c’est un combat. C’est un combat de tous les jours. Il faut s’engager à fond et surtout y croire.
Dans le futur, serez-vous candidate à un autre poste
Oui. Je fais ce que je fais par passion. J’ai fait tellement de choses dans ma vie que je trouverais bien encore à m’occuper. Si je fais cela, c’est que vraiment cela m’intéresse.
En revanche, je ne prendrai pas n’importe quelle délégation, c’est-à-dire que je ne ferai pas de la figuration. Ce sera pour des mandats qui m’amènent à construire, à m’engager fortement.
Marie-Thérèse Guidoux, vous êtes dans votre troisième mandat si j’ai bien compris, vous souhaitez changer, est-ce que vous changeriez pour un autre mandat ?
Marie-Thérèse Guidoux
J’ai dit tout à l’heure que j’étais pour la limitation des mandats dans le temps.
Dix-huit ans, je trouve que c’est déjà beaucoup et qu’il faut renouveler un peu, qu’on ne voit pas toujours les mêmes personnes aux mêmes postes. Je prendrai éventuellement une responsabilité ailleurs que dans un Conseil municipal.
Je regrette depuis plusieurs années de ne pas avoir commencé plus tôt à faire de la politique et à m’impliquer davantage. Aujourd’hui je me dis : « place aux jeunes ». M’engager dans d’autres responsabilités comme conseillère régionale, sénatoriale, députée, non.
J’aimerais rebondir sur ce qu’a dit Françoise Ramond sur la petite enfance et la jeunesse. Je suis aussi conseillère communautaire. Notre commune, en tant que « commune centre », dispose de ces services-là.
Nous avons une maison de l’enfance, une maison des jeunes, un CLSH (Centre de Loisirs Sans Hébergement). Les autres communes de la communauté de communes ne veulent pas en entendre parler pour le moment.
Nous sommes une « commune centre » avec plus d’habitants que les autres communes qui n’ont pas encore cette demande forte de la part des familles ; elles n’en n’éprouvent pas encore le besoin. Nous sommes dans la périphérie de Vannes. Toute la région étant extrêmement chère, les gens se replient maintenant sur la troisième couronne, et bientôt la quatrième couronne, Questembert devenant cher.
Voilà la réflexion d’un maire, il y a un mois, à propos des jeunes ménages arrivant chez lui, des couples avec enfants réclamant ces services de la petite enfance: « Ils viennent à la campagne et ils veulent tout avoir ! » Mais, c’est normal !
Il y a beaucoup de communes qui se plaignent d’être des communes dortoirs et on nous accuse quelquefois d’être une commune dortoir ! Il faut qu’il y ait tous ces services, à l’enfance et à la personne, pour retenir ces personnes.
Je lui ai dit: « tu vois, tu commences à avoir le problème, il faut que nous allions en communauté de communes sur ce service ». Il a tout de suite changé de conversation.
En ce qui concerne mon rôle d’adjointe aux finances, beaucoup de personnes ne comprennent hélas pas grand chose aux finances.
Le jour du vote du budget, il n’y a pas beaucoup de questions, il n’y a pas beaucoup d’interventions. Dès le début du mandat, nous avons fait une formation aux finances pour tous, ouverte à tous. Tout le monde est venu pratiquement, pour apprendre ce qu’était les finances communales.
Aujourd’hui on a des facilités pour faire une projection sur écran. On a toujours du public, entre trente et quarante personnes. Nous organisons une interruption de séance pendant dix minutes pour pouvoir donner la parole au public. On leur demande de poser des questions d’ordre général. On projette les grandes lignes du budget sur écran pour que le public puisse suivre et il apprécie beaucoup cette façon de faire, il a ainsi une petite approche des finances communales.
Françoise Ramond, vous avez été candidate à une autre élection. Est-ce que c’était une difficulté pour vous en tant que femme par rapport à vos adversaires ?
Françoise Ramond
Je ne pense pas. Le fait d’être une femme ne me semble pas une difficulté. Quand on a choisi d’être candidate, l’essentiel est d’aller jusqu’au bout. Le plus dur c’est de choisir, c’est de faire le pas, quelque soit la candidature.
Quand j’ai été candidate en 1995 et en 2001, le plus dur a été de sortir de l’anonymat. Quand on devient candidate, on sort de l’anonymat et on fait sortir d’une certaine manière sa famille de l’anonymat. C’est le pas le plus compliqué à franchir. Après, il faut aller jusqu’au bout. Il faut jouer le jeu jusqu’au bout.
Je voudrais poser une question à Marie Thérèse Guidoux. Votre communauté de commune fonctionne en TPU ou en taxes additionnelles ?
Marie Thérèse Guidoux
Dès le départ c’était en TPU.
Françoise Ramond
Les finances c’est le nerf de tout, et quand on est en taxes professionnelles uniques (TPU), cela ne coûte rien aux communes, cela ne coûte rien aux contribuables; je n’arrive pas à comprendre qu’on n’arrive pas à faire porter l’effort sur le secteur de la petite enfance.
Cela ne coûte rien aux gens alors pourquoi on ne le choisit pas ?
Marie Thérèse Guidoux
Si, pour eux c’est quand même de l’argent engagé, deux femmes maires pourtant ! Mais femmes et hommes sont très près de leurs sous. Dès que l’on parle de dépenses !
Françoise Ramond
Il faut parler de recettes. Ce qui me frappe, c’est que quand on discute finances, il faut d’abord parler de recettes ! Vous ne ferez pas de dépenses si vous ne faites pas de recettes et si vous ne voyez pas clair sur les recettes. Après c’est le choix politique des recettes comme des dépenses…
Je suis de l’avis de Marie-Thérèse Guidoux, comme quoi les maires font très attention à la gestion des budgets et du niveau des taxes pour les contribuables. Je trouve cela très raisonnable. C’est encourageant pour les administrés, mais je crois qu’on n’a pas assez de réflexion sur d’où vient l’argent et comment il vient ? Peut-être que cela pourrait être une réflexion pour nos futures municipales ? Pour les Conseils régionaux et généraux, c’est à un autre niveau.
TABLE-RONDE AVEC DES FEMMES ÉLUES EN 2004 (ÉLECTIONS RÉGIONALES ET SÉNATORIALES)
Muguette Dini, Sénatrice du Rhône, co-fondatrice d’Elles aussi.
Corinne Feret, vice-Présidente du Conseil régional de Basse-Normandie
Monique Marchal, Conseillère régionale d’Alsace et conseillère municipale de Colmar
Catherine Guyot, journaliste,
membre de l’Alliance des Femmes pour la Démocratie, modératrice
Christine Villeneuve
Cette seconde table-ronde a pour objet de débattre des mêmes questions que celles abordées précédemment, mais à un autre niveau d’élection.
Je pense que nous pourrons prévoir un temps pour les questions de la salle avant de déjeuner parce qu’on a envie de parler, il y a beaucoup de choses à dire après tout ce que l’on vient d’entendre.
On s’aperçoit d’ailleurs que la visibilité des femmes est importante pour faire avancer les projets qui aident les femmes, c’est ce que Françoise Ramond nous a montré, et nous pourrions retenir ce thème de réflexion pour l’avenir.
Catherine Guyot
J’ai accepté avec plaisir la proposition de Christine Villeneuve d’être la modératrice de cette table-ronde et j’ai envie de commencer de façon un peu malicieuse pour faire le lien avec la table-ronde précédente.
Je me suis vraiment demandé pourquoi une personne aussi sage, expérimentée, compétente, que Marie-Thérèse Guidoux, proclame avec insistance qu’elle va tout arrêter et qu’il n’est pas question pour elle de postuler à un autre mandat ?
Il me semble que c’est terriblement dommage de renoncer, de ne plus vouloir – je ne veux pas dire avoir peur, parce que cela serait vraiment abusif de ma part de dire cela -, mais plusieurs élues qui étaient là, l’ont dit pour d’autres femmes et je trouve cela très regrettable.
Je me demande: « Qu’est-ce qui se passe ? ».
Des femmes sont élues au Sénat, dans les Conseils régionaux ; il s’est passé quelque chose d’extrêmement important grâce à la loi sur la parité, nous avons pratiquement la parité dans les Conseils régionaux, en tout cas au niveau des élues, peut-être pas au niveau des exécutifs, nos amies vont nous dire tout cela.
Au Sénat, à la surprise de toutes les personnes qui connaissent un peu la vie politique en France, il y a eu beaucoup plus de femmes élues aux dernières élections, alors que c’était une assemblée à connotation passéiste et qui a beaucoup de pouvoir dans la République.
Nous passons à une table ronde qui va tirer les leçons des premiers fruits de la loi sur la parité.
Corinne Feret
La politique, je suis tombée dedans quand j’étais petite de par mes parents.
Mon père était élu municipal dans un petit village et il y est toujours. Très concrètement, je voyais bien en quoi consistaient le rôle et l’engagement d’un élu auprès des habitants. Il est aussi engagé syndicalement.
La politique et l’engagement étaient des sujets de discussion dans la famille entre mes parents et mon frère. Ce n’était pas tabou, c’était naturel et spontané, cela faisait partie de ma vie.
Je me suis engagée dans un parti politique il y a 23 ans maintenant, sur des idées, une façon de concevoir la société, voire la volonté de changer la société, en tout cas avec des grandes valeurs. J’ai eu la chance de travailler pendant quelques temps avec des élus locaux dans une commune. Cela m’a montré très concrètement ce qu’était le rôle d’un élu mais en étant, cette fois-ci, de l’autre côté de la barrière.
En 2003 quand on a préparé les élections régionales, je me suis dit : « Cette fois-ci, pourquoi pas ? Je serais bien candidate ». Porter des projets à l’échelle de la région, c’était une dimension qui me semblait intéressante et qui permettait de donner un peu plus d’ampleur à mes idées. Nous avons construit un projet pour la région en ce sens. Je me suis dit que je serais bien candidate à la candidature.
Les listes sont établies pour élire des conseillers sur l’ensemble d’une région. Je suis élue de Basse-Normandie qui est composée de trois départements, et il y avait donc trois listes départementales. Il faut passer le cap de l’investiture, candidate à la candidature.
La Basse-Normandie n’avait pas la couleur politique qu’elle a aujourd’hui, et pour être très honnête, notre liste ne pensait pas devenir majoritaire.
L’idée n’était pas d’être élus à tout prix dans une stratégie de carrière politique, mais c’était de nous dire qu’élus de l’opposition, nous essaierons de faire bouger les choses. On porte un projet et c’est comme cela qu’on avance, et dans un délai sans doute un peu plus long, nous serions peut-être un jour la majorité.
Toujours est-il qu’au soir du 28 Avril, la région a changé de couleur. J’ai été élue. Au moment des accords avec d’autres partenaires politiques, j’étais toujours sur la liste, j’ai donc été définitivement élue.
C’était une grande joie pour tous et aussi à titre personnel, et en même temps je me disais :
« Mon Dieu! Quelle responsabilité ! Est-ce que j’ai eu raison de partir dans cette aventure ? » Le poids des responsabilités m’a semblé très lourd mais pas insurmontable. Je me suis dit :
« Il va falloir se remonter les manches et puisque des électeurs nous ont fait confiance, on doit aussi répondre à leurs attentes. On doit être capable de tenir ses engagements, le programme qu’on avait prévu pour eux. »
Je n’avais pas d’exigences nouvelles par rapport à mon rôle dans cette nouvelle région. Je souhaitais, en me disant que j’avais autant de compétences que certains messieurs, être membre de la commission permanente.
Le Président de la région m’a alors demandé d’être vice-présidente. Je ne m’y attendais pas du tout. Cela ne se refuse pas, je me suis dit que s’il me le proposait c’est qu’il pensait que j’étais à la hauteur, que je pouvais le faire et donc je devais le faire.
Quand il s’est agi de définir les délégations, je n’avais pas trop réfléchi, je voyais bien que certains de mes collègues avaient quelques exigences, je ne voyais pas comment m’inscrire et revendiquer quelque chose en particulier, ce n’est pas facile.
C’était la première fois que j’étais candidate, mon premier et unique mandat. C’est arrivé en une semaine de temps, et ça faisait beaucoup.
Le Président de la région m’a proposé d’être en charge de l’emploi et de la reconversion industrielle. On n’attend pas forcément une femme à ce poste. Ce n’est pas un poste facile. Il est très exposé car la situation économique et la situation de l’emploi, comme dans toutes les régions, sont très difficiles. Certains messieurs n’ont pas accepté, ils n’ont pas souhaité prendre ce poste-là, je l’ai donc pris puisque le Président me faisait confiance.
Ce n’est pas toujours facile au quotidien. J’aurais peut-être l’occasion d’en reparler un peu plus tard.
Je suis élue depuis un peu plus d’un an, je continue à travailler, je suis fonctionnaire de l’éducation nationale, je travaille à mi-temps à l’université de Caen. J’ai coutume de dire que je suis à mi-temps à l’université et à temps plein à la région. Cela fait de longues journées, de longues soirées, des grandes semaines, des petits week-end.
C’est une autre vie, une formidable aventure, et j’y prends énormément de plaisir en ayant bien conscience des responsabilités que je dois porter. Tous les élus de la région, majorité et opposition, doivent aussi porter ces responsabilités à l’égard des Bas -Normands.
Je ne regrette rien, je suis passionnée par ce nouveau rôle et cette nouvelle vie.
Catherine Guyot
Je pense qu’on peut déjà entendre le courage dans ce que Corinne Feret a raconté, parce qu’il me semble que dans une région comme la Basse-Normandie, qui est très frappée par le chômage, prendre cette responsabilité-là, « Chapeau ! »
Muguette Dini
Je suis la vieille des vieilles. Je suis élue depuis 28 ans. Ce que j’aimerais vous dire, c’est que je me souviens avoir été à votre place à Elles aussi ou lors d’autres colloques, et d’avoir eu une espèce de sentiment qu’être sénatrice ou même être députée, c’était quelque chose de totalement inaccessible.
Je reconnais que ce n’est pas vraiment accessible parce qu’il y a beaucoup de candidats et peu d’élus. J’ai eu un parcours où, à la fois dans ma vie et dans les associations de femmes et en particulier à Elles aussi, j’ai vécu avec un élan très volontaire et un moteur.
En 1977, j’ai été élue conseillère municipale dans la commune où maintenant Reine Mataix est adjointe; il y avait quelques nouveaux adjoints mais cela ne pouvait pas être « une nouvelle », c’était impensable à l’époque. J’ai été ensuite deuxième adjointe parce que j’avais bien bossé auparavant. J’ai pris, dans un deuxième temps, la place du premier adjoint qui est devenu deuxième, et cela ne s’est pas bien passé. Peut être que j’aurais pu devenir maire.
En 1986, il y avait comme tous les neuf ans dans mon département, les élections sénatoriales.
J’étais élue conseillère municipale depuis neuf ans, je connaissais la tête de liste des sénatoriales, c’était le maire de Lyon. Je l’avais connu, avant qu’il ne soit maire de Lyon, dans des circonstances associatives qui n’avaient rien à voir avec la municipalité. J’avais gardé des relations très amicales avec lui.
J’étais aussi, à l’époque, présidente des conseillères municipales du Rhône, et j’avais organisé un voyage au Sénat. Je rencontre ce sénateur qui nous invite à prendre l’apéritif.
Nous nous promenions dans la très belle salle des conférences. C’était un homme qui aimait bien les femmes, il me parlait, je le prends par le bras et il me dit: « Ils m’énervent parce qu’ils veulent tous être sénateur ! Je lui dis: « Vous ne pouvez pas faire une liste de sept sénateurs sans mettre une femme! » Il me dit : « Vous avez raison ! » Cela se passait au mois de mai 1986. Je pars en Polynésie, je reçois un télex me disant : « Est ce que vous accepteriez d’être sur la liste des sénatoriales? » Inutile de vous dire que je n’étais pas en position d’éligibilité mais c’était déjà un progrès. J’ai dit oui. Nous avons fait une campagne très sympathique. Moi, qui étais sixième sur sept, je n’ai pas été élue.
En 1994, j’ai été candidate aux cantonales. J’avais adhéré à un parti politique, j’ai dû me battre à l’intérieur de mon parti pour avoir l’investiture. Je l’ai eue, mais cela n’a pas été facile puisque je suis arrivée dans un canton de droite contre un autre candidat de droite. J’ai dû me battre, et j’ai été élue avec 400 voix d’avance sur 23000 électeurs. Je me suis installée au Conseil général comme conseillère générale.
En 1995, deuxième sénatoriale.
A l’époque donc, j’étais conseillère générale. En juin 1995, je participais à la commission culture. Un de mes collègues, le président de la commission culture, m’avait dit : « Je veux absolument laisser cette présidence parce que je décroche doucement, j’en ai assez, j’en ai parlé au président, il est d’accord, donc en juillet vous allez être présidente de la commission culture ». Pourquoi pas ? En juillet, le temps passe, je dis à mon collègue : « Finalement le président ne m’en a pas parlé ». Il me dit : « Non, mais vous pouvez être présidente quand même ». Je lui dis : « Vous plaisantez, cela doit être acté formellement, on n’est pas dans une association, là, pas question ».
Les élections sénatoriales avaient lieu en septembre 1995, j’avais cru comprendre que je serais sur la liste. Le 15 août 1995, j’étais en vacances dans mon chalet au Grand-Bornand, j’étais en train de faire mon lit, je reçois un coup de téléphone, je décroche dans ma chambre, je n’avais pas de chaise, je m’assieds par terre – j’avais bien fait de m’asseoir par terre -, je reçois un coup de fil : « Tu n’es pas sur la liste et moi non plus ». Michel Mercier – qui était alors le président du Conseil général et qui est maintenant mon patron ici – a fait une liste, et nous n’étions dessus ni l’un ni l’autre.
Les élections avaient lieu le 21 septembre, je suis restée assise un petit moment et je me suis dit : « Non, je ne peux pas faire cela à mes copines, je me suis battue depuis des années pour la parité, je ne vais pas laisser cela, je vais faire une liste de femmes ». J’ai d’abord voulu faire une liste paritaire. Tous les maires se sont défilés, les adjoints, tous les hommes.
Je me suis dit : « cela ne fait rien, je vais faire une liste de femmes ».
J’ai réussi à trouver sept femmes dans les quinze derniers jours avant septembre, parce qu’il fallait la faire la campagne, et j’ai fait une liste de femmes. Je n’ai pas été élue. J’ai eu la moitié des voix nécessaires pour être élue.
Je suis revenue au Conseil général.
J’avais d’abord écrit à mon Président du Conseil général qui était la tête de liste, pour lui dire: « Cher Président, vous pouvez compter sur ma fidélité au Conseil général, sur ma fidélité dans ma formation politique, mais je ne peux pas, après m’être battue comme cela, accepter qu’il n’y ait pas de femmes sur la liste ». Je me suis mise en difficulté avec mon Président et je me suis dit : « La présidence de la commission culture, tu peux toujours courir, tu ne l’auras jamais ». C’était tellement important pour moi de marquer le coup que je me fichais éperdument de ce qui allait se passer. J’étais élue pour sept ans à l’époque. Au bout de six mois, il a digéré, je suis quand même devenu présidente de la commission culture.
Trois ans après, quand il y a eu un renouvellement au Conseil général, j’ai estimé que c’était mon tour d’être vice-présidente, et donc je suis allée le voir et je lui ai dit : « Est-ce que je ne pourrais pas être vice-présidente ? » Il m’a dit : « Vous savez, il y a beaucoup de demandes ». Et il a dit quelque chose qu’il n’aurait jamais dit à un homme : « Mais vous faites du bon boulot ». Donc j’ai été vice-présidente.
Il y avait dix vice-présidents à l’époque, il n’y en avait qu’un qui partait, donc je me suis dit que j’allais être dixième vice-présidente. Il a décidé que je devais monter à la tribune et j’ai été quatrième vice-présidente. Ensuite j’ai été deuxième vice-présidente, et comme on a récupéré un ministre qui est devenu le premier vice-président, je suis troisième vice-présidente au Conseil général.
J’avais toujours dans le collimateur, les élections sénatoriales, mais cette fois j’étais devenue incontournable. Cependant, s’il n’y avait pas eu la parité, je n’aurais pas été sénatrice, cela c’est clair, il y avait une telle pression des hommes !
Puisqu’il y avait la parité, je n’ai pas été contestée dans le fait que c’était moi, clairement, à ce moment-là, dans ma formation politique, qui étais la femme la plus valable, j’étais celle qui venait d’elle-même, dans cette formation politique, pour ce département.
Il n’y aurait pas eu la parité, je suis sûre que j’aurais été quatrième ou cinquième, et que je n’aurais pas été élue, peut-être troisième, puisqu’on savait qu’il y aurait à peu près deux élus. Je voulais vous dire qu’à la fois je me suis battue, et qu’au fond, c’est pour moi un accomplissement qui est presque naturel.
La loi sur la parité a été votée, c’était pour moi une nécessité, je pense qu’il faut continuer. J’ai bien l’intention maintenant que je suis au Sénat de m’en occuper, j’aurais beaucoup de mal à faire passer mon idée de bulletin paritaire, parce qu’apparemment c’est inconstitutionnel, mais cela ne fait rien, on essaiera de faire autre chose.
Je me suis battue pour la loi pour la parité, et je dois au fait de m’être engagée, de m’être sentie obligée de me battre encore plus.
Sur le pouvoir au Sénat et à l’Assemblée Nationale, je serai beaucoup plus réservée que vous, parce que notre Constitution et les règlements des deux assemblées sont faits de telle manière que, finalement, le gouvernement fait à peu près ce qu’il veut.
Pour conforter ce que vous disiez, je pense qu’il ne faut pas rester trop longtemps dans le même mandat.
Je pense que le cumul des mandats est dramatique ; je suis en train de le vivre mais je n’ai pas l’intention de le vivre au-delà des prochaines échéances, c’est-à-dire en 2007 ou en 2008, parce que c’est terrible. On n’a plus aucune vie personnelle, on n’a pas de vie du tout. On travaille tout le temps quand on est consciencieux, et c’est mon cas. Je travaille tout le temps.
Au Conseil général, je suis vice-présidente chargée des collèges, c’est la responsabilité de 750000 m2, c’est lourd pour moi. Je suis présidente d’un hôpital, je suis présidente d’un syndicat inter-hospitalier, plus cinquante délégations dont certaines fortes intéressantes. J’ai pu abandonner quelques petites choses mais tout cela prend beaucoup de temps.
Quand je faisais mon travail au Conseil général, j’étais occupée à temps complet, j’allais quand même chez le coiffeur dans la semaine, maintenant j’ai largué quelques petits trucs, je vais chez le coiffeur le samedi ; il y a un coiffeur ici au Sénat, mais je ne suis pas sûre qu’il soit fait pour les femmes ! Quand arrive le dimanche, 22 heures, j’ai fini de régler ma semaine passée et j’ai préparé correctement ma semaine future, et tous mes assistants reçoivent leur fax.
Cela veut dire que ma famille, que je voyais très régulièrement, vient tous les quinze jours ou trois semaines, ma fille qui est près de Lyon m’a dit : « Je réserve le dernier samedi de janvier 2006 pour que tu prennes les enfants à coucher ». Voilà où on en est.
Je suis grand-mère et j’ai un mari extrêmement compréhensif qui pousse, qui soutient, qui ne dit jamais rien, qui est toujours d’accord, mais je ne prends pratiquement pas de repas à la maison pendant la semaine. Il faut qu’on ait aussi un environnement qui accepte tout cela et qui soit favorable, sinon ce n’est pas possible. Mais cela ne m’empêche pas d’être culpabilisée de temps en temps quand même. Je devrais avoir passé l’âge mais je me dis : « Tes petits enfants, tu ne les vois pas assez ».
Finalement quand mon mari n’est pas là parce qu’il voyage beaucoup, je suis bien contente. Je lui dis, pour le tranquilliser, que je rentre à onze heures le soir, et comme il est très inquiet parce que je suis en voiture, à partir de onze heures, si je ne suis pas rentrée, il ne dort pas. Et comme j’ai peur qu’il dorme, je ne l’appelle pas pour lui dire que je vais être en retard, donc il ne dort pas quand même. Voilà à peu près la vie quotidienne des élues.
Catherine Guyot
Je retiendrais la nécessité, l’intérêt, et la productivité, d’être engagée pour la parité. Ce combat vous pousse à le mener pour vous-même et pour les autres femmes.
Je trouve que c’est très intéressant d’entendre l’expression de votre dynamique, là où c’est tellement difficile de s’imposer, de percer, de tenir, de se maintenir, et de recevoir ce qui est légitime. Cette éligibilité qui vous a été donnée grâce à la loi, d’après ce qu’on comprend de votre parcours, elle était plus que légitime.
Monique Marchal
Cela me fait très drôle d’être devant autant de femmes toutes ensemble, cela me fait plaisir parce que combien de fois je me retrouve seule dans une réunion, avec uniquement des hommes, ou très peu de femmes. Cela fait vraiment plaisir, on se sent bien chez soi.
Si je me suis impliquée en politique, c’est comme Reine Mataix, on est venu me chercher. On est venu me chercher en 1992, aux élections régionales en Alsace, parce que la tête de liste s’était dit que cela ferait bien. C’était un peu une publicité pour sa liste, de même en 1995, au Conseil municipal. Je n’étais pas bien placée, je n’ai pas été élue.
J’avais accepté d’y être parce que je trouvais vraiment intéressant de m’impliquer, et que personnellement, j’ai toujours pensé qu’on a une responsabilité là où on est, que ce soit dans des associations, que ce soit dans des clubs.
C’est ce que je disais à mes élèves, lorsqu’ils étaient représentants des élèves. Il faut s’impliquer, donner une partie de son temps et de sa vie à la société, puisque nous bénéficions de cette vie.
En 1995 pour les élections municipales, on est venu me chercher, mais c’était aussi de la publicité, c’était pour qu’il y ait une femme. La parité n’était pas encore installée.
C’était encore plus retors ; sur la liste, on a présenté tous les candidats et les candidates en annonçant leur qualité, on m’a mis deuxième de liste, et ma qualité c’était d’être discrète, je devais rassurer, ils ne l’ont pas été très longtemps.
Je suis arrivée dans un milieu de « sachant », et pour une bleue, une petite nouvelle, avec des « sachant », c’est difficile de crever l’écran, d’essayer d’être sûre de soi, « d’être à leur niveau », on a toujours des doutes et alors on travaille.
J’ai fait des formations sur le budget, des formations sur les commissions d’appel d’offres parce que je m’étais inscrite aux commissions d’appel d’offres, à l’urbanisme, et aux finances.
Dans les campagnes que j’ai faites – les campagnes étant des moments uniques d’échange, d’écoute et d’apprentissage du terrain, notamment en milieu rural au niveau des législatives -, ce qui me frappait, c’était que les femmes ne se sentaient pas engagées en politique. Combien de fois je sonnais et je disais : « Je me présente, je voudrais un peu discuter avec vous ». Elles avaient peur et me disaient : « Attendez, je vais chercher mon mari, moi je n’y connais rien ». Je leur disais : « Il faut des femmes, nous avons des choses à dire, nous ressentons les choses de façon différente, il faut du concret, il faut être efficace ». Alors cela commençait à porter.
En 1995, j’étais dans un groupe d’opposition de rassemblement. En 2001 il y a eu de nouveau des élections municipales, donc je suis restée. Le chef de file n’a pas voulu se représenter, complètement démoralisé par le travail au Conseil municipal. Il faut dire que c’est tout à fait spécial, l’opposition est méprisée, c’est très dur. Lors des Conseils municipaux, il y a une intensité dramatique pour les hommes comme pour les femmes.
Au niveau des femmes c’est encore plus dur, parce que le premier magistrat et ses adjoints sont vraiment misogynes et nous injurient. Des interruptions lors de nos déclarations, par exemple, le maire trouvait que j’étais trop longue dans mes explications, et il m’a dit
: « Madame Marchal, accouchez ! »
La dernière fois, à ma collègue de groupe : « Madame, vous n’avez pas la lumière à tous les étages! ». Ce que je trouve révoltant, c’est que les attaques se font sur les personnes et non sur leurs messages. Ce que nous entendons, il en va de même dans d’autres communes.
Ambiance machiste et misogyne.
Je me suis présentée à des élections cantonales, j’étais toujours « personnalité civile », pas affiliée à un parti, j’étais face à l’adjoint aux finances sortant, et là, j’ai quand même fait 45 % face à lui. J’ai fait une campagne de femmes. Je me souviens que, sur un marché, il y avait un conseiller général qui faisait sa tournée avec sa femme, on a discuté en bonne entente, je lui ai donné des arguments intéressants, on a continué chacun de son côté, et sa femme est venue me retrouver en me disant : « Madame Marchal, vous avez raison, continuez ! ». Elle ne voulait pas le dire devant son mari. Comme quoi on peut convaincre les femmes.
En 2004, j’ai rejoint le parti socialiste, je me suis présentée aux législatives ; je dois dire quand même, que dans notre parti, sur sept circonscriptions, il y a eu quatre femmes qui étaient présentées par le parti, c’était une bonne chose. Je n’ai pas eu de chance devant ce premier magistrat, mais néanmoins en tant que femme, j’ai fait 21 % derrière des députés sortants qui n’étaient pas réélus, donc j’étais assez satisfaite.
Aux élections régionales, il y a des listes départementales qui sont ensuite réunies pour la liste régionale. Il y a deux départements en Alsace, et les deux présidents des deux listes de départ n’étaient pas des femmes mais des hommes. On n’est pas première, on est toujours deuxième.
Je suis donc, de nouveau, dans l’opposition, je dois être faite pour cela, mais c’est dur quand même. Toutefois je trouve qu’au niveau régional, cela a été un bol d’air frais. Venant du Conseil municipal, j’ai trouvé, dans ce Conseil régional, du respect.
Au niveau du Conseil régional, il y a douze commissions. Il y a quand même cinq présidentes de commission, c’est vraiment une avancée. Nous travaillons très bien avec ces femmes. J’ai pris les commissions où il faut se battre : développement économique/emploi/formation professionnelle continue. Dans cette commission, je peux travailler pour les femmes. Il existe des aides individualisées, pour des formations les concernant.
Il y a de plus en plus de familles monoparentales, souvent c’est la femme qui est chef de famille, et là, il y a un besoin énorme de formation et d’aide.
Je suis aussi à la commission recherche et enseignement supérieur et nouvelles technologies.
Je suis encore dans deux autres commissions. C’est un panorama très vaste de la région.
On parlait des satisfactions des élues ; il y a déjà cette notion de responsabilité qui fait qu’on est contente de travailler et de pouvoir être efficace, ce que je ne connais pas en tant que membre de l’opposition au Conseil municipal.
En tant que femme dans mon intergroupe, puisque deux partis se sont mis ensemble, je rencontre des difficultés. C’est quand même les hommes qui sont les plus anciens. Les deux têtes de liste au niveau régional dans les deux départements, sont des maires, et un ancien député. L’expérience compte, ce qui est normal, mais comme la parité est récente, les anciens sont toujours des hommes.
Je pense que cela va aller de plus en plus vite, parce que maintenant les femmes vont prendre de l’assurance.
En 2001, au moment des élections municipales, le maire a eu beaucoup de mal à faire sa liste, et donc il y a des femmes qui n’avaient pas tellement envie de venir, et qui sont venues pour faire plaisir. C’est dur pour elles, parce qu’elles ne sont pas très motivées.
Je voudrais aussi parler de l’inégalité dans les chances de se présenter en politique.
Je pense quand même qu’actuellement, il y a des différences au niveau des formations professionnelles et des catégories sociales ; il y a des femmes qu’on ne voit pas en politique parce qu’elles n’ont pas assez de formation et donc pas assez de culture. Pas assez d’argent aussi ; parce qu’il faut quand même de l’argent, même s’il y a des indemnités, il faut quand même un minimum, et là, on touche un point sur lequel on pourrait réfléchir.
Au niveau du statut de l’élu, il pourrait y avoir des propositions législatives pour aider ces femmes qui pourraient venir en politique, qui apporteraient énormément de choses.
Ces divers mandats, c’est passionnant, c’est archi prenant. J’étais encore enseignante quand j’ai été élue au Conseil municipal. Depuis, j’ai pris une retraite un peu anticipée, pour me consacrer à la vie associative et politique ; je préside la Ligue des Droits de l’Homme à Colmar, et j’ai une vie d’élue. C’est sûr qu’on sacrifie quelque chose, mais on le fait avec intérêt.
Il faut donner un temps de sa vie, mais aussi laisser la place aux jeunes, et réviser le cumul des mandats.
Catherine Guyot
Oui, mais il ne faut pas laisser perdre l’expérience des femmes, puisque les hommes ne laissent pas perdre la leur, apparemment.
On a entendu dans votre intervention toutes les difficultés, les questions d’encouragements nécessaires pour certaines, la formation, l’argent, et aussi les possibilités d’actions qui peuvent donner lieu à des solidarités de femmes par exemple, ce que vous avez expliqué sur la formation professionnelle.
Je ne suis pas élue, mais je trouve que cela fait penser aux thèmes qui avaient été traités dans les conférences internationales, par exemple du « Gender mainstreaming », c’est-à-dire de la prise en compte, dans tous les domaines, des questions d’égalité ou d’inégalité entre les femmes et les hommes, et des politiques à mettre en place pour des femmes.
Renée Gérard
Je suis vice-présidente de la CLEF, la Coordination Française du Lobby Européen des Femmes.
J’ai été vraiment très intéressée par tous les témoignages qui ont été donnés et, en écoutant, ce qui vient en filigrane, c’est que même celles d’entre vous qui ont accompli beaucoup de choses restent encore très modestes, ainsi sur les difficultés qu’elles ont à traiter avec leurs collègues.
Le témoignage de Muguette Dini m’a beaucoup frappée, dans cette période de Roland Garros où l’on parle de la formation des sportifs, on insiste sur la formation physique, sur le mental. Dans ce domaine, je me demande si pour les femmes, il ne s’agirait pas de formations dans ce genre-là. Madame Dini est une marathonienne, et il y a peu de femmes marathoniennes.
Ce qui m’a frappée, c’est sa persistance, c’est son sens de la stratégie.
Vous aviez peut être un feeling pour choisir tout cela, mais il me semble que, quand même, il y a encore des formations, même pour des femmes qui sont déjà parvenues à certaines étapes, pour les aider à aller plus loin.
En entendant Madame Marchal qui fait tant de choses, je trouve qu’elle a l’air encore très modeste, et vis-à-vis de ce grossier personnage, il faudrait peut-être apprendre aussi à parler à ces gens, peut-être pas dans les mêmes termes, mais à les remettre à leur place aussi.
Muguette Dini
Je n’ai jamais eu de plan de carrière, mais à un certain moment, je me suis dit que je pouvais tenir la place de l’autre, l’autre étant un homme, parce que j’étais bonne, meilleure que lui. Je me suis dit que puisque j’étais meilleure que lui, pourquoi ne pas avoir la place ?
J’étais partie pour un quatrième mandat de conseillère municipale parce que j’avais dans le collimateur les sénatoriales, sinon je ne serais pas repartie. Cela n’a servi à rien puisque je n’ai pas été élue.
Ce que je veux dire, c’est qu’à un certain moment, on a fait le tour de la question, et surtout, on a apporté là où l’on est, ce qu’on avait à apporter. C’est pour ça que je m’étonne que des maires puissent tenir trente ans, je me demande ce qu’ils peuvent encore faire au bout de trente ans. Au bout de six ans, on n’a pas fait assez, au bout de douze ans, on a bien fait, mais au bout de dix-huit, on a bien fait le maximum. Ce n’est plus la peine, il y en a derrière nous qui ont sûrement de bonnes idées. Pour moi, c’était terminé.
Je vais finir mon deuxième mandat de vice-présidente de Conseil général, il me semble que j’ai tout donné, je ne peux plus. Je ne ferai qu’un mandat de Sénatrice parce que j’aurais soixante-seize ans quand celui-ci se terminera. C’est plus pour moi le sentiment qu’à un moment donné, il faut ou bien que je progresse, ou bien que je m’arrête.
J’ai pu progresser mais je suis sûre que si j’ai progressé, c’est parce que j’ai dû démontrer en permanence, encouragée par les collègues, que je pouvais aller au fond des dossiers, et que j’étais capable d’être aussi bonne que n’importe qui d’autre. Il faut le démontrer en permanence, donc beaucoup travailler. Quand on est une femme, on est constamment obligée de démontrer que … . Ce n’est pas le cas des hommes.
Comment répond-on devant la grossièreté des personnes ?
Monique Marchal
C’est la troisième fois que nous sortons en claquant la porte du Conseil municipal. Cette foisci, nous sommes allés à un pot du Conseil municipal qui se termine souvent très tard, vers 2223 heures.
Nous sommes allés au pot qui normalement suit la séance du Conseil, avant les autres, pour montrer que nous n’étions pas déstabilisés. Et là, nous avons encore constaté la présence de la presse locale qui ne facilite pas les choses.
La presse a fait un petit zapping sur le Conseil municipal en disant : « Les élus ont non seulement quitté la place, mais ils sont allés manger les petits fours aux frais du contribuable ». Ce n’est pas l’opposition qui va manger les petits fours, c’est tout le Conseil municipal dans son entier.
J’ai rédigé, au nom de mon groupe, une lettre ouverte au Maire, en disant qu’il était inadmissible que le comportement du premier magistrat de la ville se situe à ce niveau, que c’était une incivilité. L’incivilité quand on est élu, il faut l’éviter, nous exigeons désormais un comportement respectueux à notre endroit. Il nous a répondu dans la presse en reparlant des petits fours. Voilà comment cela se passe, et comment on vit les choses au quotidien avec des hommes qui méprisent vraiment les femmes.
Au Conseil régional, cela a été une agréable découverte de voir un président qui n’est pas de mon bord mais qui est respectueux, consensuel. On peut travailler main dans la main quand même, entre partis politiques. Je suis présidente d’un atelier sur la stratégie touristique, régionale, tout en étant dans l’opposition.
Je suis adhérente de Femmes d’Alsace qui a été fondée par Liliane Gall et dont la présidente est maintenant Marie-José Muller. Nous appartenons à différents partis dans cette association. Je trouve cela très enrichissant. Nous sommes très respectueuses les unes des autres et je pense que c’est un lieu politique où on peut échanger et où on peut faire avancer les choses de part et d’autre en toute amitié.
Corinne Féret
Je suis une nouvelle élue, c’est mon premier mandat.
Je voudrais revenir sur le fait d’éprouver le sentiment de ne pas être à la hauteur ; lors de réunions, il y a de fortes personnalités connues au niveau national, par exemple, Madame Nicole Ameline ; elle est élue au Conseil régional avec moi, et elle est dans la commission emploi et reconversion industrielle. J’avoue qu’au début, elle m’a beaucoup intimidée. Lors des premières réunions, j’étais discrète, mais par la force des choses, je n’avais pas le choix, il fallait que je m’affirme.
Quelquefois, on est parano ; on se dit : « On peut nous confier de grandes responsabilités qui sont tellement importantes que, peut-être, certains souhaiteraient que l’on échoue, cela servirait la démonstration selon laquelle les femmes ne sont pas à la hauteur ». L’enjeu est énorme.
En participant à des colloques, à des journées de formation, à toutes les réunions, je m’oblige à participer pour pouvoir maîtriser tous les dossiers. Cela prend beaucoup de temps. Je pense à la préparation de mes interventions, notamment je pense au premier budget qu’on a voté en février dernier. C’était un moment important. J’ai passé des nuits à préparer mon intervention, à rédiger. Je me disais: « Tout le monde va faire pareil ». Mais pas du tout. On m’a dit : « Quel est le service qui t’a rédigé ton discours ? »
Je me suis rendu compte que finalement, je n’étais pas moins bien que d’autres, et qu’en connaissant les personnes, Madame Ameline notamment, en ayant aussi l’habitude de la rencontrer dans d’autres endroits, dans d’autres réunions, elle est comme vous et moi, que les hommes ne sont pas exceptionnels. En maîtrisant certains dossiers, je me suis aperçue que certains de ces messieurs qui pouvaient laisser paraître une très forte assurance et une maîtrise complète de leurs dossiers, ne les connaissaient pas. J’ai eu l’occasion de le leur faire comprendre et de le leur dire. C’est un petit moment de plaisir.
Personnellement et individuellement, c’est satisfaisant de voir qu’on a les compétences et les capacités de remplir et d’assumer ses fonctions, d’assumer ses responsabilités.
Je disais tout à l’heure que pour moi, c’était une formidable aventure, et aussi une formidable aventure humaine. On l’a évoqué dans la première table-ronde, en tant que femme et en tant qu’être humain ; on m’en aurait parlé il y a quelques années, je me serais dit : « Je ne saurais jamais faire cela, je ne serais pas capable de le faire », et de voir que, mois après mois, cela se passe plutôt bien, que j’arrive à prendre la parole en public, à faire des discours, à improviser des interventions – parce qu’il y a certains messieurs qui prennent un malin plaisir à vous dire: « Madame Feret à vous la parole ! » alors qu’on ne vous a pas dit que vous auriez une intervention à faire -, c’est un enjeu, un challenge à relever. J’arrive à les relever.
Je pense qu’on est toutes capables de le faire, et que c’est vraiment un véritable enrichissement personnel très fort et très important.
Frédérique Fèvre
Je suis Frédérique Fèvre, militante de l’Alliance des Femmes pour la Démocratie. Je suis principale adjointe dans un établissement scolaire. Dans ce que j’ai entendu, il me semble que dans les Conseils régionaux, à la suite de la loi, il y a du coup, un accès des femmes réel et concret.
J’ai l’impression que, dans ce que vous dites, ça change vraiment le mode de travail politique, les prises de décision, et pour vous, le contexte de travail semble s’être nettement amélioré.
Je voulais avoir votre avis là-dessus.
Si vous le reliez à l’avancée de la loi, constatez-vous vraiment le changement ? Pour beaucoup, vous n’étiez pas dans les Conseils régionaux avant ? Est-ce que cela modifie vraiment quelque chose ?
Vous dites qu’assez vite, sur les questions des femmes, vous vous retrouvez. La participation des femmes a-t-elle amené un changement dans la façon de traiter les problèmes féminins, dans la façon de faire de la politique dans ces exécutifs et dans ces assemblées ?
Corinne Féret
Je dois dire que je ne rate pas une occasion au Conseil régional, dès qu’une toute petite porte s’ouvre, d’intervenir sur l’égalité hommes/femmes, d’intervenir sur la mixité professionnelle, d’intervenir sur la mixité au niveau de l’orientation des filles.
Je vois bien que, parfois, je surprends des personnes, mais, en même temps, j’ai le sentiment que les oreilles s’ouvrent et se dressent de plus en plus.
Je pense qu’en ayant de plus en plus de femmes investies en politique et en pouvant faire passer des messages comme ceux-là, en tant que femme, on a une autre approche de la
politique.
On le fait différemment. Cela oblige non seulement nos collègues hommes à se poser des questions, à entendre ce que l’on dit aussi, et à s’apercevoir que cela répond à une attente de la société. On peut faire bouger les choses aussi comme cela. Petit à petit, on arrivera aussi à faire évoluer des situations.
Je vais prendre un exemple : la journée du 8 mars qui est quelque chose de très important.
Quelques semaines avant le 8 mars, je suis allée voir le Président, je lui ai dit : « Je souhaiterais qu’on fasse quelque chose à la Région ». Il me dit d’accord. Je pensais qu’il serait là, mais il n’a pas pu être là. Toujours est-il qu’on a organisé au sein du Conseil régional, c’était la première fois, une rencontre des femmes de Basse-Normandie, investies dans le domaine économique, associatif, culturel. Il y avait des jeunes filles qui se démarquaient au niveau sportif, ou des jeunes filles qui s’orientent vers des études scientifiques. La salle de réception était pleine et j’ai fait le discours que j’avais rédigé, moi. Là aussi, on fait passer des messages. La presse l’a dit. Les femmes peuvent faire bouger les choses. Il n’y avait pas un seul élu homme. Ils ont raté quelque chose. Tant pis pour eux. C’était une étape et un nouveau pas franchi.
Au niveau régional, c’est très satisfaisant puisqu’on est dans des commissions. Dans les commissions, effectivement, nous les femmes, on fait avancer les dossiers.
Je suis au développement économique et à l’emploi ; on réfléchit sur les différentes formations qu’on va offrir aux cellules de reclassement des entreprises qui licencient, il faut offrir des bilans aux licenciés et leur proposer des reconversions. Je me souviens d’une entreprise où majoritairement il y avait des femmes ; il y a des formations spécifiques pour les femmes. Il y a une parité qui s’installe aussi au niveau économique ; il y avait une formation dans une entreprise pour l’utilisation de chariots élévateurs, de grosses machines, des femmes s’étaient inscrites. Il en est résulté que les formateurs étaient très contents d’elles en disant qu’elles avaient une grande habileté et peut-être plus que les hommes. Tout se passait très bien. On a visité Peugeot et le directeur de Peugeot, nous a dit : « J’emploie de plus en plus de femmes parce qu’elles sont consciencieuses, elles sont précises ». Il y a davantage de métiers à présent avec l’électronique par exemple, qui s’ouvrent aussi au personnel féminin.
Une autre satisfaction quand on est conseillère régionale – mais comme je suis conseillère municipale, je connais le terrain – c’est qu’il y a beaucoup de femmes qui viennent aussi me solliciter pour se renseigner sur les différentes formations pour les femmes. C’est aussi beaucoup de travail, de suivre les dossiers et de les mener jusqu’au bout. C’est individuel.
C’est une lourde responsabilité, parce que si on n’y arrive pas, les personnes sont déçues et c’est grave pour elles. C’est aussi la possibilité de soutenir des dossiers, d’être un interface entre le terrain et l’exécutif.
Muguette Dini
L’atmosphère dans les Conseils municipaux est très différente de celle des autres assemblées. Dans les Conseils municipaux, on a des gens qui s’affrontent parce qu’ils se sont affrontés physiquement dans la campagne. Cela explique l’agressivité ensuite de celui qui a gagné contre celui qui a perdu, ou dans les deux sens quelquefois. Cela n’excuse pas la discourtoisie, c’est intolérable, mais c’est toujours conflictuel. Cela l’est beaucoup moins dans les assemblées où l’on a des listes avec des gens qui ne se connaissaient pas spécialement avant.
Quand on se rencontre, on a gagné ou on a perdu, mais on travaille ensemble parce qu’on ne s’est pas confronté. Je voulais vous donner une lueur d’espoir dans la manière dont se comportent les élus.
Au Sénat il y a maintenant plus de 17 % de femmes, c’est beaucoup par rapport à l’assemblée. Nous sommes 57. Dans les groupes politiques, dans le mien, l’atmosphère change. Dans mon groupe on est 33 et il y a sept femmes. Ces sept femmes ont la pêche, nous sommes deux nouvelles.
L’autre jour, a eu lieu un petit incident, quelque chose d’inhabituel, à propos de la loi sur la fin de vie. Nous avons commencé la discussion à 9h30 et manifestement le Gouvernement, pour des raisons que je peux comprendre mais que je n’ai pas acceptées, voulait la faire voter à l’unanimité, tous partis confondus, pour ne pas retourner à l’Assemblée Nationale ; le Gouvernement avait décidé que nous adopterions le texte au Sénat de manière absolument conforme à la virgule près, mais au lieu de nous le dire d’entrée de jeu, on nous a laissés, les uns et les autres, présenter des amendements. Tous les amendements étaient refusés.
Dans mon petit groupe, on était sept présents dont le Président (il est à la fois mon Président de Conseil général, et celui de mon groupe politique aussi). Je suis allée le voir, je lui ai dit: « On ne peut pas se faire rejeter comme cela ! Je vais m’en aller, et d’ailleurs je vais en parler aux autres ». Que l’opposition se fasse rejeter, ce n’est déjà pas agréable, parce que souvent elle a des propositions intéressantes, mais c’est politique.
J’en parle aux autres, il y a une petite interruption de séance. Je fais un petit texte, je dis au Président : « J’ai rédigé un texte, nous allons partir ». Il me dit : « Vous attendez la fin du premier article ». J’attends la fin du premier article.
On demande des explications de vote. Je lève la main et je dis au nom de mon groupe : « On est traité avec beaucoup de mépris, les personnes de mon groupe vont quitter l’hémicycle et ne participeront pas au vote ». Nous sommes sortis. Cela ne s’était jamais fait. Parmi les six personnes qui étaient là, il y avait quatre femmes et deux hommes. Jamais les hommes de mon groupe, s’il y avait eu six hommes dans le groupe, ne l’auraient fait.
Mon Président m’a dit en public : « L’arrivée des femmes modifie complètement l’atmosphère de cette maison ».
On a voté une loi sur la violence dans les couples. Le ressenti des femmes, toutes tendances confondues dans l’hémicycle, n’avait strictement rien à voir avec le ressenti des hommes.
Malheureusement nous sommes restées en-de-ça de ce qu’il aurait fallu faire, mais je suppose qu’on va remettre cela, les unes et les autres, on va revenir là-dessus, parce que ce n’est rien du tout à côté des besoins. Ce n’était pas ce que les femmes attendaient.
Je sens bouger les choses. En 2007, aux prochaines élections sénatoriales, la parité va s’appliquer pour la troisième fois. Malheureusement elle ne s’applique que dans les scrutins de listes mais cela fait quand même évoluer les choses. Quand il y a beaucoup de listes et que les têtes de listes sont des hommes, bien sûr, ils sont élus et pas les femmes. Mais cela bouge !
Claudette Apprill
Je voulais vous faire part d’une simple réflexion après vous avoir entendues. Je suis très intéressée, moi qui ne suis pas dans le monde politique, de voir toutes ces femmes qui s’engagent avec une telle détermination et une telle intelligence ! Certainement que cela va faire bouger le monde politique, parce que la politique est un lieu d’affrontement des sexes, et c’est difficile dans ce domaine. Dans le jeu des sexes en privé, il y a l’amour, la séduction, qui facilitent les choses, pour aplanir les problèmes entre les deux sexes, mais dans le monde politique, ceci n’existe pas.
Il y a le féminin et il y a le masculin. La difficulté c’est que, jusqu’à présent, le terrain politique n’a été investi que par le masculin. Il s’est construit une forteresse masculine dans le monde politique et évidemment ces messieurs se trouvent très bien entre eux.
Je vous dis cela pour vous faire appréhender le concept de parité, parce qu’il a été tellement dévoyé, il est encore incompris, même dans la loi.
Vous venez de parler de 2007.
Je voudrais que dans ce laps de temps qu’il nous reste encore, on approfondisse, du moins les femmes, les hommes le feront à leur manière, je ne suis pas un homme donc je ne sais pas ce qu’ils pensent, parce qu’il faut bien croire que les deux sexes sont inintelligibles l’un pour l’autre, sinon ils n’existeraient pas, nous serions tous des enfants. Pendant ces quelques années qui nous restent, je veux vous faire comprendre à vous femmes, parce que vous avez la capacité de percevoir, ce qu’est vraiment la parité.
La parité je l’ai inventée. Elle est née d’une révolte de ma part, que je sens aussi sourdre chez ces femmes politiques. Je m’étais dit que les hommes n’avaient aucune légitimité à nous imposer notre façon de vivre, notre condition de femmes. Je n’ai trouvé aucune raison pour asseoir cette légitimité.
La parité est un concept révolutionnaire en ce sens qu’il opère une fracture dans la vie politique parce que la parité suppose, nécessite, que le masculin et le féminin soient vraiment les titulaires de la souveraineté nationale.
C’est cela que je voudrais faire comprendre à ce monde politique des femmes, c’est qu’elles ne doivent pas l’aborder en disant: « On veut faire aussi quelque chose, on peut apporter quelque chose, on va faire changer la politique… »
Non. Les femmes doivent entrer en politique parce qu’elles sont les détentrices, au même titre que les hommes, de la souveraineté nationale. C’est une nécessité démocratique.
Vous n’êtes pas là pour aller féminiser la vie politique – comme cette loi dite improprement sur la parité – a certainement réussi à le faire.
C’est peut-être un premier pas, c’est une expérience, mais nous devons tirer toutes les conséquences de cette expérience pour asseoir maintenant votre légitimité politique, d’être les détentrices à moitié de la souveraineté nationale, et des actrices à parité avec les hommes.
La parité suppose une égalité, mais ce n’est pas l’égalité en droit, pour les deux sexes, c’est une égalité en valeurs et en dignité.
C’est là qu’est la difficulté ; on continue à raisonner en matière de participation des femmes à la vie politique, en termes d’égalité en droit. Ce n’est pas une égalité en droit.
J’ai écrit un livre sur ma démarche vers la parité qui explique beaucoup de choses, qui fait une analyse très approfondie des rapports de sexe, puisque c’est ça qui mène le monde.
Ce livre va peut-être enfin paraître et je pense que vous auriez intérêt à le lire, vous y trouverez, je pense, énormément de moyens d’appréhender cette difficulté qu’il y a à ce que le féminin entre dans ce monde politique masculin. Il doit absolument y entrer mais sur une base très claire et il faut modifier notre Constitution.
Catherine Guyot.
Je voulais ajouter, pour celles qui ne le savent peut-être pas, que c’est au sein du Conseil de l’Europe que Claudette Apprill a développé ce merveilleux principe de parité.
Muguette Dini
Je vous ai souvent entendu Madame, et pour moi la démarche que j’ai personnellement, c’est un moyen. Pour moi, je suis une étape, et j’espère bien que très rapidement nous en serons à ce que vous décrivez.
Monique Dental
Je suis animatrice du réseau féministe Ruptures qui a beaucoup œuvré et milité pour la parité depuis plusieurs années.
Par rapport à tout ce qu’on a entendu ce matin, j’ai l’impression que ce que vous avez exprimé confirme bien le diagnostic que nous avions fait depuis quelque temps. Nous nous rendons compte que cette loi et l’engagement des femmes à la suite des élections quand elles ont été élues, du fait aussi de la parité, nous ont permis de faire bouger des choses à la marge, mais que d’une certaine manière par rapport aux échéances futures, puisqu’on s’inscrit dans ce colloque sur les perspectives de « comment agir pour 2007 ? », il faut que nous allions beaucoup plus loin que simplement faire bouger à la marge.
Tout d’abord il y a une nécessité de voir comment on pourrait faire pour avoir plus de convergences entre nous, pour peser davantage au niveau des décisions qui se prennent, notamment par rapport à la constitution des listes en général.
Le problème qui se pose la plupart du temps, c’est quand même l’intérêt du parti qui prime davantage plutôt que l’intérêt des femmes, y compris pour les femmes qui se présentent au nom des partis, au niveau de la constitution des listes, et au niveau de qui reste au deuxième tour quand il y a plusieurs tours.
Il y a un problème de solidarité des femmes et de féminisme tout court, qui se pose de manière plus cruciale que dans la première phase que nous avons vécue.
Ensuite, la question qui se pose aussi pour moi, c’est comment faire pour que les femmes qui sont d’accord avec nous au niveau de la population n’aient pas le sentiment que, lorsque les femmes passent le cap de l’élection, elles prennent des distances par rapport à elles. Une fois élues, elles ne vont pas porter, dans leurs projets politiques, des mesures qui permettront véritablement de changer la vie des femmes.
De ce fait, elles ressentent les femmes élues beaucoup plus comme allant renforcer la politique politicienne, que pour véritablement faire des choses pour changer la vie au quotidien. Il faudrait afficher plus explicitement les mesures qu’il faudrait prendre et qui sont indispensables.
De plus, dans les associations avec lesquelles j’ai travaillé, ce qui est ressenti comme injuste, c’est que finalement toutes ces sommes qui sont retirées des partis qui n’ont pas respecté la parité, qu’est ce qu’elles deviennent ? Qu’est-ce qu’on en fait ?
Est-ce qu’on ne devrait pas demander à ce qu’elles reviennent dans les caisses des associations qui elles, sont pénalisées, parce qu’elles n’ont plus de financement par exemple ?
Il faut qu’on arrive à donner confiance ; cela passe par des mesures directes à proposer.
Il y a une autre question qui est fondamentale : comment inscrire « Démocratiser radicalement la démocratie ? » avec notre manière de voir les choses. Aujourd’hui, la démocratie ce n’est plus seulement la démocratie de représentation, c’est aussi la démocratie de participation.
Nous avons des choses à dire sur le lien à trouver sur l’articulation entre démocratie représentative et démocratie participative qui doit forger le nouveau rapport au politique, parce que la question du « parti » se trouve aujourd’hui posée. Est-ce qu’elle correspond à la vie en politique ?
Ce n’est plus sûr du tout quand on voit cette distance entre les électeurs, les élus, et les partis politiques. Il n’y a pas qu’un mépris ou un désintérêt de la politique, il y a le fait qu’il faut rappeler que les formes du politique dans les partis ne correspondent plus à l’évolution de la société. La politique ne se fait pas pour entrer dans un parti, cela se fait dans les associations, nous faisons tous et toutes de la politique.
TABLE-RONDE AVEC DES EUROPÉENNES OEUVRANT POUR LA PARITÉ
Fatima Cavaco, Présidente de la REMA, Portugal,
Maria Anna Fanelli, Présidente de la Commission Régionale pour la Parité et l’Égalité des
chances de la région Basilicata, Italie,
Teresa Muela Tudela, Fédération andalouse des communes et des provinces, Espagne,
Randi Theil Nielsen, Conseil des femmes du Danemark,
Françoise Ramond, Maire d’Epernon, ancienne Présidente d’Elles aussi, modératrice.
Françoise Ramond
C’est un très grand plaisir pour moi, en tant qu’ancienne présidente d’Elles aussi, d’accueillir nos amies européennes avec lesquelles nous avons travaillé durement et d’une façon sympathique de 1999 à 2001.
J’accueille Fatima Cavaco, Présidente de la REMA, réseau pluraliste de femmes portugaises élues locales, Térésa Muela Tudela, Présidente de la Fédération andalouse des communes et des provinces, Maria Anna Fanelli de la Commission régionale pour la parité et l’égalité des chances de la région Basilicata en Italie, et Randi Tell Nielsen du Conseil des Femmes du Danemark.
De 1999 à 2001, ensemble, nous avons collaboré dans le programme d’Elles aussi « Forums pour 2001 : Pourquoi pas conseillère municipale? » soutenu par la Commission européenne, dans le cadre du programme d’action communautaire à moyen terme pour l’égalité des chances entre les femmes et les hommes.
Je rappelle que le programme d’Elles aussi avait pour but d’inciter les femmes à être candidates aux élections municipales de mars 2001.
C’est ainsi qu’entre 1999 et 2001, des élues et des responsables européennes ont participé à des rencontres ou des forums en France, sept élues portugaises, neuf élues espagnoles, onze italiennes, cinq danoises, quatre norvégiennes.
C’est intéressant que quatre ans après, nous fassions le point sur ce qui s’est passé dans nos différents pays. Nous avions insisté sur l’importance de la publication des statistiques concernant le nombre de femmes élues. Vous allez avoir ces statistiques et nous verrons qui a progressé, qui a régressé.
Nous nous étions mises d’accord sur l’importance du rôle des organismes et des associations pour faire avancer la place des femmes en politique. Nous nous étions accordées sur l’importance de l’opinion publique comme moyen de pression pour faire changer les
mentalités.
En France le nombre des élues municipales est passé de 17,1% à 33%, 47,5% dans les communes de plus de 3500 habitants.
Aujourd’hui je voudrais que nos amies avec lesquelles nous avons déjà collaboré répondent à trois questions :
– Quelle évolution dans votre pays en matière de statistiques de femmes élues ? – Que préconisez-vous pour améliorer la place des femmes dans les instances politiques élues ?
– Comment communiquer sur le thème de la parité ?
Nous allons voir que le mot « parité » n’est pas compris de la même façon dans les différents pays d’Europe et que cela sera peut-être l’occasion d’une discussion.
Nous allons commencer par le nord de l’Europe.
Randi Theil Nielsen (Conseil des Femmes du Danemark)
Merci de votre invitation. Je vais faire mon intervention en quatre parties :
1.Une vue d’ensemble de la place des femmes, au niveau local, régional, et national.
2.Le statut actuel au niveau local, et vous verrez qu’il s’agit d’une baisse, d’une stagnation.
3. Les réformes prévues au niveau des gouvernements locaux avec, espérons-le, des perspectives d’un avenir meilleur.
4. Quelques conclusions.
1- Vue d’ensemble aux niveaux local, régional et national
En général, le niveau de participation politique des femmes au Danemark est élevé et il l’est depuis le milieu des années soixante-dix. Cette situation est la même dans les autres pays nordiques, et elle est souvent expliquée par la haute valeur accordée à l’égalité dans ces pays qui ont un système fort d’assistance sociale.
Une autre explication est que les démocraties nordiques sont sensibles aux pressions de l’électorat, c’est-à-dire des groupes de femmes et des autres mouvements de base. Malgré beaucoup de différences entre les pays nordiques – y compris dans l’organisation du mouvement féministe – je pense que cette similarité est importante pour pouvoir comprendre la situation générale. Un dernier fait très important est le taux élevé des femmes sur le marché du travail, comme en France.
Je vais me concentrer maintenant sur la représentation politique des femmes au Danemark et en particulier au niveau local, puisque c’est le sujet aujourd’hui.
Le système politique danois se caractérise par une forte décentralisation. Des décisions importantes concernant l’administration de l’assistance sociale, de l’éducation, et de la santé, sont prises par les gouvernements locaux. C’est une des raisons qui fait que la représentation des femmes dans les gouvernements locaux est cruciale, et même vitale. Au Danemark, comme dans beaucoup d’autres pays, nous avons un déficit démocratique tant que les femmes et les hommes ne sont pas représentés paritairement à ce niveau.
La place des femmes au niveau local a évolué depuis 1970, lorsque nous avons atteint le seuil de 10% après un développement très lent, à partir de 1909 qui marque le début de la progression des femmes.
Permettez-moi de souligner deux points remarquables :
–Le nombre de femmes élues est moins important que le nombre de femmes nommées, bien que ce décalage soit en train de diminuer.
–Depuis 1993, nous avons connu une période de baisse ou de stagnation du nombre de femmes élues. Il semble donc y avoir une sorte de barrière. Si nous nous comparons aux autres pays nordiques, ils semblent mieux réussir que nous au niveau local.
Concernant le niveau régional, c’est-à-dire les élections au Comté, nous constatons encore un point culminant en 1993. Le nombre de femmes élues est ici plus élevé que celui des femmes nommées, et le pourcentage total est plus élevé au niveau régional qu’au niveau local.
Au niveau national, celui du Parlement, le point culminant se situe également en 1993.
On constate une augmentation continue du nombre de femmes élues, environ 38% actuellement, et depuis 1988, le nombre de femmes élues est beaucoup plus élevé que celui des femmes nommées. Cette année, il y a eu une élection au Parlement danois, et il y a eu une légère baisse à 37, 5 %.
Le nombre de femmes élues au niveau national est de toute façon remarquablement plus élevé qu’au niveau local ou régional.
2) Baisse ou stagnation au niveau local
Il n’y a pas beaucoup de recherches danoises dans le domaine de la représentation politique des femmes au niveau local. Il est donc difficile d’expliquer pourquoi nous avons de telles différences entre les niveaux local et national. Néanmoins, à en juger par les études qui ont été faites, les chercheurs sont d’accord pour dire que les problèmes se situent lors de la période des nominations des candidates, et non pas pendant la période électorale. Ce n’est pas le problème de l’opinion publique, mais celui des partis. Cela signifie en effet que les structures locales des partis politiques jouent un rôle essentiel. Elles semblent conscientes que la représentation égale est un signal important pour l’électorat. Mais en pratique, elles ne prennent pas cela au sérieux. Si elles veulent davantage de femmes élues, elles doivent soutenir et promouvoir des femmes candidates dans les campagnes électorales, et les placer en bonne position sur les listes.
La Ministre de l’égalité entre les femmes et les hommes a lancé une campagne dont le but est de rendre visible ce problème au niveau des organisations locales des partis et, non moins important, d’encourager des femmes à se présenter. Pendant les vingt dernières années, les partis politiques ont perdu beaucoup de membres, et la Ministre leur demande donc de chercher au-delà de leurs groupes pour trouver des femmes candidates appropriées.
Réformes des gouvernements locaux
Actuellement, le Danemark est en train de changer la structure de ses gouvernements locaux. D’ici quelques années, 277 municipalités seront transformées en 100 plus importantes. Ce processus n’est pas une simple question de nouveaux noms et de nouvelles délimitations des municipalités, il s’agit de changer le financement des services sociaux et la distribution des pouvoirs. Il est donc effectivement important que les organisations de femmes luttent pour une représentation égale dans cette nouvelle structure.
4) Conclusions
Il me semble que le discours de l’égalité a été et est encore, une des raisons principales du degré élevé de la représentation politique des femmes au Danemark. Mais ce discours pourrait être plus fort qu’il ne l’a été. Le fait que la démocratie n’est pas complète tant que nous n’avons pas une représentation égale à celle des hommes doit être répété encore et encore. Vous pouvez dire que les femmes et les hommes sont très différents et qu’il faut une représentation des femmes pour compléter la vie politique dominée par les mâles. C’est possible. Mais les femmes sont différentes aussi les unes des autres.
De mon point de vue, l’argument le plus important à promouvoir pour la participation égale des femmes en politique est celui de la justice démocratique. Il est tout simplement injuste d’exclure une partie de la population pour des raisons de sexe. Il faut une lutte continue pour l’égalité, et ici, ce sont les organisations de femmes qui jouent un rôle important. Des pressions d’en bas, du public, sont essentielles, ainsi qu’un engagement à l’égalité de genre au plus haut niveau.
Françoise Ramond
Merci beaucoup Randi, mais je voudrais encore poser une question.
Présentez-nous de manière très courte le Conseil des femmes du Danemark dont vous êtes la représentante.
Randi Theil Nielsen
Le Conseil national des femmes danoises est une vieille organisation puisqu’elle a été fondée en 1899, elle a 106 ans, et elle se porte bien. C’est une organisation «parapluie» avec cinquante organisations membres. Cela représente environ un million de femmes, soit 1/5ème de la population danoise, c’est donc important.
Elle travaille dans tous les domaines qui intéressent les femmes, mais la base de tout, ce sont les droits humains des femmes.
Françoise Ramond
Merci beaucoup. Je pense que c’était une précision qu’il était important de connaître. On comprend aussi qu’il y ait ce lobby au Danemark pour avancer dans les droits politiques des femmes. Nous allons passer du Nord au Sud.
Je passe la parole à Fatima Cavaco de la REMA, réseau de femmes élues portugaises,
pluraliste.
Fatima Cavaco (Présidente de la REMA au Portugal)
Bonjour, je remercie Elles aussi et sa Présidente pour l’invitation à cette conférence.
Bien qu’elles soient 52 % de la population qui compte dix millions d’habitants, les femmes sont pratiquement absentes de la prise de décision au Portugal, tant au niveau du pouvoir central qu’à celui des pouvoirs locaux, de même dans le cadre de la direction des partis politiques, et de manière générale, dans les autres instances de pouvoir.
La participation des femmes à la prise de décision est très réduite dans notre pays. Le déficit démocratique est préoccupant. Malgré des progrès nous sommes loin d’atteindre la parité entre les genres.
L’année dernière, nous avons travaillé à plusieurs niveaux, en organisant des réunions de sensibilisation et des conférences sur l’égalité entre hommes et femmes.
Nous sommes toutes d’accord pour dire que les droits des femmes sont des droits humains.
La construction de l’’égalité des droits entre hommes et femmes ainsi que la lutte contre les discriminations en fonction du sexe, sont d’une importance fondamentale pour la qualité et l’approfondissement de la démocratie. Mais ce n’est pas compris.
La dernière révision constitutionnelle de 1997 a consacré, à l’article 109, le principe selon lequel une participation directe et active des hommes et des femmes dans la vie politique, constitue une condition fondamentale de la consolidation du système démocratique. La loi doit promouvoir l’égalité dans l’exercice des droits civiques et politiques, et la non discrimination en fonction du sexe dans l’exercice des charges politiques.
Cet article ouvre donc de nouvelles perspectives.
Il reconnaît la dualité de l’humanité. Tous les hommes et toutes les femmes sont des citoyens et des citoyennes. Les actions positives sont écrites dans la loi.
Nous rappelons, dans ce contexte, que selon la déclaration universelle des droits humains, toutes les personnes ont droit de participer au gouvernement de leur pays.
La déclaration de la plate-forme de Pékin a affirmé le pouvoir, l’autonomie des femmes, et l’importance de leur statut social, économique, et politique. Cette déclaration est fondamentale car elle implique une plus grande responsabilisation des gouvernants. La plateforme a dégagé en effet l’objectif de la participation des femmes et des hommes à la prise des décisions dans la société pour assurer son développement.
Au Portugal, malgré des mouvements de démocratisation, les femmes sont sous- représentées dans l’exécutif et les organes du pouvoir politique.
Le Président de la République a toujours été un homme. La charge de Premier Ministre a été occupée par seize hommes et une fois par une femme. L’évolution de la participation des femmes est très réduite au gouvernement qui n’aime pas le Ministère de l’égalité parce qu’il fait pression sur les partis politiques et sur le gouvernement, surtout au moment des élections. Il y a moins de femmes dans le dernier gouvernement, il y a seulement deux femmes
ministres (à l’éducation et à la culture) sur 16 ministres en titre, et si l’on prend l’ensemble du gouvernement, sur 53 membres au total, il y a seulement 6 femmes, ce qui fait 11,3%. Au niveau parlementaire, depuis les élections de février 2005, on compte 21,3% de femmes députées (contre 17,4% en 1999).
Au niveau des partis politiques représentés au Parlement national, il n’y a aucune femme présidente ou secrétaire générale.
Au niveau du Parlement européen, six femmes ont été élues soit un taux de 25%
Au niveau du pouvoir local, sur 56000 élus, 3700 sont des femmes et seulement 308 sont maires de leur commune, contre 305 en 1979 !
Il y a donc un grand déficit démocratique.
Les femmes disent qu’elles n’ont pas de temps, et, en même temps, il n’y a pas de mesures pour les aider. Nous n’avons pas de garde d’enfants, ni d’aides pour les personnes âgées et handicapées. Les aides ménagères sont très chères. C’est toujours une question économique. Nous pouvons dire que pour faire de la politique il faut avoir de l’argent.
Pour les jeunes femmes, il y a deux options, la carrière professionnelle ou politique. La progression d’une carrière universitaire est incompatible avec la fonction d’élue locale.
Les élues locales, au Portugal, sont âgées d’environ 45 ans. Il y a un peu de jeunes femmes et de jeunes hommes dans les partis politiques, certains ont des engagements dans la politique municipale, mais en nombre réduit.
Nous avons cette année des élections locales, en octobre, le même jour que le référendum en Europe.
La démocratie paritaire traduit le degré de développement actuel de notre société.
Il est nécessaire de faciliter l’engagement des femmes avec des services, des formations, des sensibilisations, des incitations à participer à la vie associative. Les femmes ont à acquérir de la confiance en elles-mêmes, des compétences, pour cette sphère publique et politique.
Nous pensons qu’il est urgent de faire l’articulation entre les femmes plus âgées et les jeunes femmes pour la transmission du savoir, pour mener une carrière politique ; ce ne devrait pas être incompatible.
Dans la perspective des élections locales, nous avons organisé une rencontre des adhérentes de notre réseau, au niveau national. Nous avons fait une pétition, auprès du Premier Ministre et auprès des ministres européens, pour réclamer la participation des femmes dans les partis politiques. Nous pensons faire pression en exprimant le déficit de participation des femmes aux élections municipales.
Nous constatons le manque de femmes dans les partis politiques.
Les listes sont faites par et pour les hommes. Les femmes sont absentes des décisions
politiques lorsque les listes sont établies.
A la REMA, nous avons demandé à faire une réunion avec les secrétaires des partis politiques, et des femmes des partis au niveau des départements. Cela a été impossible avec la majorité actuelle. Au Portugal, il n’y a que le parti socialiste qui a instauré un quota de 33 % de femmes. Nous, nous disons que la parité est nécessaire. Ce n’est pas 33 %, mais 50/50.
Nous devons faire des campagnes, des réunions avec les partis politiques, mais il faut obtenir, au niveau de la Constitution, un article considérant la parité comme essentielle à la démocratie. Je prends l’exemple de la France.
La démocratie paritaire est une référence pour la lutte en faveur des droits des femmes et les droits humains.
Françoise Ramond
Des documents sont à disposition : un petit document sur les statistiques des femmes au Portugal dont on pourrait tirer exemple, et que l’on pourrait diffuser facilement.
Egalement, le petit livre sur le pouvoir local à destination des femmes.
Térésa Muela Tuleda (Fédération andalouse des communes et des provinces, Espagne) Avant toute chose et au nom de la Fédération andalouse des municipalités et des provinces (FAMP), j’aimerais exprimer mes plus sincères remerciements à Elles aussi.
On nous demande de faire un exercice de mémoire historique récente pour évaluer le chemin parcouru dans nos pays respectifs durant ces dernières années, et, si vous me le permettez, j’aimerais en premier lieu regarder vers l’intérieur.
Qu’est-ce que cela a représenté pour la FAMP de participer à ce projet ? A notre avis, le plus important a été trois résultats pratiques :
1 – La mise en place de l’Observatoire électoral dans la perspective de genre de la
FAMP
2 – La consolidation d’une Commission pour l’égalité au sein de la FAMP
3 – Le développement d’une pratique efficace du travail en réseau, en utilisant les nouvelles technologies de l’information et de la communication.
Pour parler des « femmes et le pouvoir » pour l’Espagne et l’Andalousie, je remonterai plus loin que 2001, année de notre rencontre.
Je remercie d’abord les femmes connues, reconnues, et celles qui ne l’ont pas été en 1931, parce que sans elles, combien de chiffres et de données manqueraient à notre appréciation. Parce que l’obtention du droit de vote implique pour les femmes une participation plus large dans la vie publique et, par conséquent, le commencement de la fin de la différenciation entre citoyens de première et de seconde catégorie.
Le droit de vote a été la première conquête, mais de nombreuses années vont passer avant que le mouvement des femmes commence à combattre les racines les plus anciennes et les plus profondes de leur oppression. En Espagne, cette conquête a eu lieu en 1931, coïncidant avec la seconde République. Le changement politique lié à l’instauration de la République a consacré le principe de l’égalité entre les hommes et les femmes figurant dans notre Carta Magna.
Cependant, toutes ces avancées ont été longuement stoppées durant les quarante premières années de la dictature, avec, pour résultat, l’apparition d’un nouveau modèle de « femme/épouse/mère », par lequel les femmes ont été éloignées des lieux de pouvoir.
Le modèle de société dans lequel nous avons vécu, a donné les bases de l’organisation de la vie familiale, de l’organisation politique, de l’organisation sociale, la structuration du territoire, la planification des villes et des villages, et en général, tout ce qui concernait les activités publiques, imposant un modèle de comportement dans lequel les hommes et les femmes ont eu des rôles spécifiques. A elles, la réalité et le soin, à eux l’efficacité et la rationalité.
Aujourd’hui, il nous est difficile de penser que :
1 – on récompensait les femmes d’une « dot » si avec le mariage, elles abandonnaient leur travail.
2 – On considérait les femmes comme incapables de gérer leurs biens propres.
3 – Bien que les femmes aient la charge des enfants, elles ne pouvaient pas affirmer « l’autorité parentale ».
4 – Jusqu’en 1983, la contraception était un délit inscrit dans le Code pénal.
Cependant, et malgré toutes les difficultés que les femmes ont eu à affronter, nous devons toutes reconnaître (et c’est pourquoi nous sommes ici) que la participation des femmes à la vie active a été l’une des transformations les plus importantes et les plus révolutionnaires qui ont eu lieu durant le XXe siècle.
En Espagne, depuis notre conquête des libertés et de la démocratie, nous avons notamment obtenu :
1 – la législation sur l’égalité des chances qui est l’une des plus avancées d’Europe.
2 – les femmes s’incorporent au monde du travail. Nous travaillons à la conciliation de la vie active et de la vie de famille, car c’est le bon moyen pour obtenir la pleine égalité des femmes et des hommes dans le travail.
3 – pour la première fois se sont développées des structures gouvernementales pour soutenir les politiques d’égalité des chances.
4 – nous marchons vers la parité, comme le montre la constitution du gouvernement central (50% de femmes ministres), dirigé par Zapatero, ou encore le Gouvernement autonome d’Andalousie, dirigé par Chaves (plus de 50 % de femmes).
Mais quelle est la relation des femmes au pouvoir ?
Puisque le pouvoir s’accorde mal avec la pudeur, c’est la dernière chose que nous, les femmes, devons perdre. Il est évident que la participation équilibrée des femmes et des hommes dans la prise de décision est un élément clé pour obtenir une réelle égalité entre les sexes. Le renforcement du rôle social, économique, et politique, représente pour les femmes l’accomplissement effectif de la citoyenneté et, par conséquent, la consolidation de la démocratie.
Nous, les femmes, ne sommes pas encore symboliquement investies du pouvoir et pour cela, nous n’y croyons pas et ne faisons rien pour que cela existe et soit reconnu.
Pour cela nous hésitons à l’exercer, le répandre, faire école sur la forme et les moyens que nous lui donnons. A cause de cela, il existe une grande résistance à le reconnaître comme un droit propre, non subsidiaire.
L’acquisition du pouvoir par les femmes est en lui-même un objectif important. La conquête des mêmes chances et des mêmes droits que les hommes amène une amélioration du bien-être humain. L’accession au pouvoir par les femmes doit être considérée comme un moyen fondamental dans une stratégie d’ensemble pour résoudre les problèmes sociaux, économiques, etc…
Il est nécessaire que nous, les femmes, accédions à la citoyenneté, considérée comme la possibilité de participer de façon pleine et entière, et que nous cessions d’être des actrices inattendues. Cela suppose la consolidation de notre participation à proportion égale, en tant que personne et comme citoyenne, avec des droits propres, dans le processus de prise de décision.
La prise en compte de la question du genre à tous les niveaux des programmes et des lois sur l’égalité des chances en politique, ainsi que la participation effective aux décisions, accompagnées d’une distribution plus équitable des ressources sociales, sont nécessaires (cf. la notion de « mainstreaming »).
Pour nous toutes, tenter d’identifier avec la plus grande précision possible les obstacles qui empêchent la pratique effective de la citoyenneté pour les femmes doit être un objectif prioritaire, tout comme trouver les moyens pour dépasser ces obstacles et pour obtenir une réelle égalité.
Quelle place les femmes espagnoles et andalouses occupent-elles dans l’espace politique ?
1- Au niveau du pouvoir législatif, et plus concrètement à la Chambre des députés.
Sur les 350 sièges qui composent cette assemblée depuis 1982, le nombre des femmes députées dans les groupes majoritaires (PSOE, PP, CIU et PNV) a augmenté de 4,57% en 1982, à 36% en 2004.
C’est au groupe socialiste qu’il a le plus augmenté, suivi du groupe Partido Popular (P.P), puis d’Izquierda Unida (I.U., gauche unie).
Ensuite, les groupes nationalistes ont subi des fluctuations, comme le montre le cas du CIU, avec une très grosse augmentation en 1996-2000 avec 25%, puis, pour les deux élections suivantes, une régression aux 10% actuels. Quant au PNV, il n’a plus eu de représentation entre 1986 et 1996 alors qu’il y avait 12,50 % de femmes en 1982. Aujourd’hui, il y en 14,29%.
Le PSOE est passé de 6,93% en 1982 à 46,30% en 2004 c’est-à-dire de 14 députées en 1982 à 75 actuellement (parmi lesquelles 18 sont Andalouses).
En tenant compte des deux législatures où le PSOE n’était pas au pouvoir, la présence des femmes socialistes a été plus forte que celle du groupe majoritaire au gouvernement : elle a été successivement de 27,66% contre 14,29% pour le parti de gouvernement, puis de 36,30% contre 25,14%.
On voit que même au sein du P.P., la présence des femmes a augmenté, bien qu’elle demeure moindre qu’au PSOE. Elle ne cesse d’ailleurs d’augmenter puisque, actuellement, le P.P. compte 28,38% d’élues, c’est-à-dire 42 députées (dont 8 Andalouses).
De son côté, l’ I.U. a également vu augmenter avec régularité ses pourcentages, même si ce n’est pas le cas pour le nombre de ses députées. On constate des fluctuations : en 1989, il y en a eu deux, de même qu’aujourd’hui, mais au cours de la législature 1996-2000, il y a eu sept députées, ce qui est son chiffre le plus fort.
2 – Au niveau de la Chambre haute, le Sénat.
Le nombre total des sièges est passé de 253 en 1982 à 259 aujourd’hui. Concernant la présence des femmes au Sénat, nous sommes passées de 4,35% à 25,10%, soit de 11 à 65 sénatrices.
Tout comme pour la Chambre des députés, les groupes parlementaires majoritaires sont le PSOE et le P.P.
Le PSOE a vu son groupe réduit de 157 sièges en 1982 à 96 en 2004 face au P.P. qui est passé de 68 sièges à 126. Même comme cela, la présence des femmes tant pour le PSOE que pour le P.P., a lentement augmenté. Pour le PSOE, elle est passée de 10 à 26 sénatrices. Pour le P.P., d’une seule en 1982, à 31 sénatrices actuellement.
En ce qui concerne les groupes nationalistes, CIU (catalan) et PNV (basque), ils n’ont eu des sénatrices que pour deux des cinq législatures, ce qui veut dire, une pour le CIU et deux pour le PNV.
En ce qui concerne le pouvoir exécutif, nous allons voir maintenant comment la présence des femmes a évolué dans les gouvernements centraux depuis 1978.
3- Les femmes au sein du gouvernement (1975-2004).
Nous sommes très satisfaites car il y a la parité au sein du gouvernement. Cela semble incroyable si l’on sait que jusqu’en 1981, il n’y avait eu aucune femme ministre. Elles ne réapparaissent qu’en 1988 avec les gouvernements socialistes où elles conserveront deux ou trois ministères jusqu’en 1995. On passe ensuite à quatre, puis cinq, avec le gouvernement du
P.P. C’est un triomphe en 2004, car pour la première fois de notre histoire, huit des seize ministres sont des femmes, et une femme est vice-Présidente du gouvernement, il s’agit de Teresa Fernandez de la Vega.
Actuellement, notre gouvernement est engagé dans un programme de grandes réformes sociales et politiques, reposant sur les valeurs de la sociale démocratie, du féminisme, et de la culture.
Il est dirigé par un Premier Ministre qui se déclare ouvertement féministe et qui n’hésite pas à reconnaître » l’égalité des chances comme le plus grand moteur du changement de la société « .
4 – Les femmes dans l’administration de l’Etat
Durant cette dernière législature, on assiste à une augmentation du nombre de femmes à des postes intermédiaires ; elles représentent 12% des secrétaires d’État, 22,22% des soussecrétaires d’État, et 23,35% au niveau des directions générales.
Nous aimerions souligner ici l’augmentation considérable du nombre de femmes secrétaires d’État qui est passé de 3,70 % durant le gouvernement du P.P. à 12 % avec les socialistes.
5 – Hommes et femmes au Parlement andalou (2000-2008)
La chambre autonome d’Andalousie compte 109 sièges dont 43 occupés par des femmes (qui sont passées de 36,7 % à 43,12 %, soit une augmentation de 6,42 %).
De plus, une femme, Madame Del Mar Moreno, est, pour la première fois, Présidente du Parlement d’Andalousie.
Le PSOE compte trente députées, soit six de plus que lors de la précédente élection.
Au P.P.A. (Parti Populaire d’Andalousie) le nombre de femmes élues a diminué – c’est une conséquence de la perte de sièges par ce parti – et elles ne représentent plus que 18,36 %.
L’I.U. (Coalition de partis de gauche) a une élue.
Le parti nationaliste andalou n’a aucune députée.
Le pouvoir exécutif en Andalousie constitue une nouvelle référence pour la démocratie paritaire. Les femmes y occupent huit des quatorze postes, ce qui est plus de la moitié.
6 – Mairies, par Communautés autonomes (1983-2003)
Le nombre total de municipalités en Espagne était de 8084 en 1983, et de 8051 aujourd’hui ; la présence des femmes a augmenté lentement, de 2,10 % à 12,48 % aux dernières élections municipales de 2003.
La présence des femmes dans les gouvernements locaux des 17 régions autonomes d’Espagne, place Madrid, le Pays Basque, la Navarre, les Asturies, et l’Andalousie, aux premiers rangs avec une variation de 17,88 % pour Madrid à 12,69 % pour l’Andalousie.
7 – Conseillères municipales par partis politiques (1999-2003),
En 1999 il y avait un total de 63 731 conseillers municipaux contre 56 501 en 2003. Le PSOE compte le plus grand nombre de conseillères municipales, avec 32,11 %, suivi de l’IU, avec 26,96 %, puis du P.P. avec 25,30 %.
8 – Conseillères municipales par Régions autonomes (1995-2003)
Par Région autonome, en regardant particulièrement l’Andalousie, on remarque la lente progression des femmes depuis 1995 pour arriver à 8686 conseillères municipales élues en 2003.
9 – Femmes maires en Andalousie (1983-2007)
D’après les données de l’Observatoire électoral dans la perspective du genre de la FAMP, nous constatons l’augmentation du nombre de femmes maires entre 1999-2003, passé de 16 à 97, soit de 2,1 % à 13 %.
10 – Femmes maires en Andalousie par partis politiques (1999-2007).
La plus grosse augmentation concerne le PSOE d’Andalousie qui est passé de 32 à 58 femmes maires, parmi lesquelles plus de 45 % sont maires de municipalités rurales, ce qui veut dire que l’électorat andalou fait confiance à une femme candidate, et à sa façon de faire de la politique au niveau local, qui est le plus proche des citoyens avec tout ce que cela signifie.
Beaucoup plus loin derrière, le P.P. d’Andalousie qui compte 18 femmes maires (augmentation de 4 seulement). Le PA, avec quatre femmes maires, a vu son nombre augmenter de trois.
Enfin, un groupe de coalitions et de partis locaux, indépendants, compte sept femmes maires (deux en 1999).
11- Hommes et femmes élus municipaux dans les gouvernements locaux d’Andalousie
(2003-2007)
Les chiffres sont encourageants ; il y a 2720 femmes élues, soit 44,87 %.
Le PSOE arrive en tête avec 1478 femmes, soit 56 % des élus du parti à ce niveau, ce qui représente 54,34 % de l’ensemble des femmes élues, tous partis confondus.
Le P.P. d’Andalousie compte 631 élues, soit 36 % du parti, et 23,20 % de l’ensemble des femmes élues.
L’IULV-CA en compte 311 (40 % de la Coalition et 14,43 % des élues andalouses).
Le PA en compte 168 (33,67% du parti et 6,18 % des élues andalouses).
Les groupes et coalitions indépendantes en compte 132 (soit 4,85 pour ce groupe et 4,85 % des élues andalouses).
– En conclusion
Le chemin de la parité n’est pas facile, mais il représente l’un des défis historiques les plus intéressants. Et pas seulement d’un point de vue quantitatif. La parité doit se traduire dans une » action politique » qui permette de dépasser les seuls problèmes des femmes.
Il ne s’agit pas d’imaginer un monde idéal ou de nouvelles utopies. Il s’agit, dans le cadre de la démocratie, du respect mutuel et de la solidarité, de permettre aux femmes d’exercer de manière effective leurs droits de citoyennes.
En fait, il s’agit de créer dès maintenant, des possibilités et des conditions pour que tous et toutes, hommes et femmes, nous puissions vivre ensemble en étant égaux, nous puissions accéder aux connaissances, aux ressources, et aux bénéfices que la société offre, comme de participer de manière équitable, à la prise des décisions qui concernent notre vie. Pas parce que sommes meilleures, ou que nous ayons des capacités particulières, mais simplement parce que nous sommes des êtres humains et que nous vivons dans une société humaine.
Indépendamment de notre droit irréductible à exercer le pouvoir équitablement avec les hommes, je suis convaincue qu’une plus grande présence des femmes dans les espaces de décision pourrait changer les priorités et mêmes les règles du jeu politique, si critiquable à bien des égards. Il faut créer une nouvelle façon de penser, et évidemment accéder au pouvoir pour pouvoir le redéfinir dans le but ultime d’atteindre une véritable démocratie paritaire.
Pour cela, la politique municipale constitue un moyen stratégique de l’action publique dans le contexte de la construction européenne, puisque le développement local est l’un des axes principaux du double processus de transfert du pouvoir, sur lequel s’articule un système de transfert vertical dans les deux sens, des Etats nationaux vers l’Union Européenne, et de l’Union Européenne vers les régions et les communes.
Toute planification des stratégies de genre pour une meilleure participation des femmes à la vie politique doit prendre en compte comme un objectif fondamental, l’augmentation du nombre de femmes dans les pouvoirs locaux.
Il n’existe pas de recette miracle pour augmenter la représentation des femmes dans la vie publique, mais la mise en pratique de ces stratégies l’améliorera sensiblement.
La politique a commencé par être le territoire réservé du pouvoir masculin, mais dans la mesure où ils ont décidé de favoriser la justice et l’égalité, ils ont accepté de le partager.
Partageons-le et continuons, pleinement égaux, vers la parité.
Françoise Ramond
J’ai noté que dans les propositions de stratégie que vous nous faites, comme d’ailleurs Fatima Cavaco, celle du genre permet de trouver le véritable sens de la parité.
Maria Anna Fanelli (Commission Régionale pour la Parité et l’Égalité des chances (CRPE), région Basilicata, Italie)
Laissez moi vous remercier Françoise, tant pour le projet que nous avons mené ensemble, que pour cette occasion de faire une synthèse aujourd’hui de tout ce qui s’est passé depuis 2001.
La situation en Italie est complexe.
En effet, le problème de la représentation des femmes dans le monde politique n’est pas encore résolu et il est plus que nécessaire de s’engager dans la promotion de la présence des femmes dans les institutions.
Au Sénat les femmes représentent seulement 8 % du total.
A la Chambre des députés, la présence féminine augmente, elles représentent 11,3 % de l’ensemble.
Les 16 et 17 Avril 2005, nous avons voté en Italie pour renouveler les Conseils régionaux. Les résultats ont montré qu’il y avait vingt présidents élus pour seulement deux femmes. 10 % seulement des présidents sont des femmes.
813 conseillers régionaux ont été élus et seulement 114 femmes soit 10,2 %.
Concernant l’exécutif régional, sur 225 assesseurs, il y a seulement 41 femmes soit 18, 2 %. En Basilicata, sur 30 conseillers régionaux, trois femmes ont été élues et aucune femme n’a été élue dans l’exécutif.
Dans les Conseils municipaux, la situation est la même. Je dirais même qu’elle est pire, et particulièrement en Basilicata où nous avons seulement 80 femmes conseillères municipales.
Sur 150 maires, on trouve seulement neuf femmes.
Ce fait a été contesté par la Commission régionale pour l’égalité des chances, qui a dénoncé l’élimination quasi totale de la représentation féminine dans les différentes articulations de la direction politique et administrative de la Basilicata.
La Toscane fait exception dans la mesure où 17 femmes ont été élues.
Une telle situation réduit la richesse des expressions démocratiques et pluralistes de notre société.
Tout cela se passe malgré un travail intelligent des associations de femmes en Italie et dans la région de la Basilicata, où elles sont très actives. Tout cela, malgré la présence des femmes dans la magistrature, l’art, ainsi que dans tous les domaines importants en Italie.
C’est pour cela que la CRPE, en accord avec sa Coordination nationale, a proposé des exemples de bonnes pratiques.
Il y a un grand besoin de mesures législatives et plus particulièrement de lois électorales destinées à assurer la parité. On a besoin de lois assurant la parité au niveau régional ainsi qu’au niveau national, parce qu’en Italie, depuis la réforme qui a eu lieu en l’an 2000, les régions ont un pouvoir législatif accru et qu’on progresse vers un système fédéral.
Cela implique de revenir éventuellement à un système de quotas dans les listes électorales qui avait été aboli en 1985 en Italie.
Les femmes n’aiment pas le système des quotas mais c’est un mal qui est devenu nécessaire. Récemment, en 2003, un projet de réforme constitutionnelle proposant de réviser l’article 51 de la Constitution italienne, aurait permis d’arriver à un système paritaire.
La modification de l’article 51 de la Constitution permettrait de promouvoir des réformes ad hoc sur l’égalité des chances entre hommes et femmes dans l’accession aux charges décisionnelles.
La région de Basilica s’intéresse particulièrement à la question, dans la mesure où actuellement, elle est en train de rédiger un statut régional.
Une telle révision constitutionnelle, demandée par une grande majorité représentant toutes les forces politiques, constitue cependant un pas fondamental dans cette direction, et a produit un projet de loi qui n’a pas encore été approuvé. Nous l’attendons toujours.
En ce moment, la région est occupée à la rédaction de son statut qui serait l’équivalent d’une Constitution régionale, dans la mesure où, en Italie, on évolue vers un système fédéral.
Les forces défendant l’accession des femmes au pouvoir, s’évertuent à promouvoir le fait qu’il y ait un texte garantissant, dans cette Constitution régionale, la parité ainsi que l’égalité des droits et des chances.
Nous sommes donc, en Italie, dans l’attente d’une loi qui puisse permettre un système paritaire mais pas au niveau de l’ élection. Une élection doit être une victoire personnelle.
Nous attendons un système qui permette qu’il y ait 50% d’hommes et 50% de femmes dans les candidatures, que l’accès au niveau des candidatures soit fait dans le respect de la parité.
La loi électorale paritaire, pour nous, c’est de garantir l’accès des femmes aux listes.
L’élection des femmes doit être le fruit d’un succès personnel et de la capacité à recueillir le consentement de ses concitoyens, de la capacité à regrouper des forces autour de soi et de créer un consensus qui généralement, dans la réalité politique, est bloqué par les hommes.
La CRPE a lancé beaucoup d’actions positives. Savoir pour gouverner.
Nous avons travaillé pour les femmes élues dans le cadre des autonomies locales, sur la formation des femmes et sur les tâches qu’elles ont à remplir en tant qu’élues.
Nous avons aussi travaillé pour donner aux femmes un indicateur de cohérence des politiques de genre qui peuvent être adoptées par les entités locales.
Cela comprend un plan d’action pour le développement durable de genre, et pour la cohésion territoriale et sociale.
Nous voulons, par exemple, que dans les projets leader de développement local, soient utilisées et valorisées les énergies des femmes de Basilicata, particulièrement dans le cadre de l’agriculture. Dans notre région, le matriarcat demeure le symbole de la grande valeur des femmes qui depuis toujours déterminent l’évolution de l’économie de la famille, l’évolution et la formation des enfants. Nous avons insisté pour qu’une telle force soit développée dans des processus de développement local. C’est pour cela que nous parlons de développement durable en matière d’environnement mais aussi en matière de genre.
L’impression qui en ressort néanmoins, c’est que ce sont toujours les hommes qui commandent.
Nous souhaitons que les communes développent des politiques d’équilibre de genre. Que dans les bilans municipaux, soit appliqué l’impact de genre, c’est à dire qu’on note tous les besoins des femmes de Basilicata, pour que ces processus puissent être lancés ensuite par les régions, processus destinés à permettre aux femmes d’accéder tant au travail qu’à la politique et de s’y développer.
Christine Villeneuve
Je voulais poser une question à chacune d’entre vous.
A Randi Theil Nielsen
Vous ne parlez pas de parité dans votre propos, mais de politique pour l’égalité.
Pendant longtemps, et vous l’avez souligné, les pays du Nord de l’Europe, ont été considérés comme des modèles pour la représentation des femmes dans les instances de décision. Vous dites, aujourd’hui en tout cas, qu’au niveau local – c’est un niveau de décision important chez vous – il y a une certaine stagnation, voire même une régression.
Est-ce que vous ne pensez pas que ce modèle de l’égalité par rapport à ce qui émerge aujourd’hui du côté de la parité, ne démontre pas là ses limites ?
Pouvez-vous nous expliquez pourquoi la parité n’est pas un concept que vous développez en tant que tel, au Danemark, au sein du Conseil des femmes ? Il semble que ce soit peut être une question culturelle.
A Fatima Cavaco
Nous nous sommes trouvées en France dans la problématique dans laquelle vous êtes au niveau des élections locales.
Est-ce que vous avez eu l’idée, puisque vous n’avez pas de loi, de faire des listes de femmes ?
Nous avons utilisé ici ce moyen ; L’Alliance des Femmes pour la Démocratie a présenté des listes de femmes en 1989 puis en 1992 ; on n’utilisait pas à l’époque à proprement parler le mot de parité qui a émergé plus tard, juste après, en tout cas publiquement à la Conférence d’Athènes.
Nous avions fait des listes qui s’appelaient » Pour une mairie mixte « , nous étions quand même dans la problématique de la parité et » Femmes d’Alsace » a fait une liste de femmes aux élections régionales de 1992 qui a obtenu une élue. Cela a été un moyen de pression.
Est-ce qu’au Portugal vous développez ce genre de stratégie ?
A Teresa Muela Tudela
Chez vous, en Espagne, il y a une volonté politique forte et donc un gouvernement paritaire avec une vice-présidente, ce qui est symboliquement très important, puisqu’il y a un vrai binôme. On voit bien que cela émerge d’une vraie volonté politique puisque ce sont des femmes qui sont nommées et non pas élues.
En quoi ce bond qualitatif de gouvernement paritaire est-il fructueux et positif, et quelles perspectives ouvre t-il pour vous ?
Il est en plus accompagné d’une politique en faveur des femmes, avec cette loi cadre contre les violences faites aux femmes.
A Maria Anna Fanelli
Notre amie italienne parle de parité et de quotas, j’ai l’impression que nous avons des approches un peu différentes.
Nous aimerions privilégier un débat sur les perspectives que nous pourrions développer ensemble, en France et en Europe, avec nos amies européennes.
Randi Theil Nielsen
Je vous remercie pour la question, je ne suis pas sûre de pouvoir y répondre.
Je ne parle que du Danemark, car la comparaison avec la Norvège et la Suède n’est pas exacte, elle n’est pas précise.
Je pense que la différence entre égalité et parité n’est pas si importante. Pour moi quand je pense égalité, je pense à la démocratie paritaire.
C’est vrai qu’il faut trouver de nouvelles méthodes, de nouveaux moyens, et je soulève une question dont on n’a pas parlé parce que ce n’était pas à l’ordre du jour, mais qui pour moi est très importante, c’est la question de la diversité et de l’égalité de traitement.
Il doit y avoir plus de diversité parmi les femmes à promouvoir.
Le concept d’égalité des genres est fondé sur la question des droits humains fondamentaux.
De là découle l’égalité de genre. Il faut insister sur le fait que c’est un principe de base.
Fatima Cavaco
Nous n’avons pas pensé faire des listes de femmes au Portugal.
Teresa Muela Tuleda
Je suis tout à fait d’accord, parce qu’il faut une volonté politique pour cette parité.
Le gouvernement a reconnu qu’elle existait et c’est grâce à la vigueur du mouvement des femmes, sinon cela ne serait jamais arrivé.
Le Président a nommé une secrétaire d’État qui vient du mouvement des femmes.
Nous travaillons en faveur de la démocratie paritaire à l’intérieur même du gouvernement central. Nous sommes en train de préparer cette loi sur l’égalité ainsi qu’une réforme constitutionnelle permettant à une femme d’occuper le trône. Cela va marquer d’une pierre blanche le mouvement.
J’ai également souligné le côté négatif de ce que nous voyons dans les partis politiques, modèle androcentrique qui fait l’objet de nos efforts de substitution pour un autre modèle. Je crois que ce qui est important, c’est de donner une alternative : les femmes sont en politique pour faire de la politique différemment.
Nous menons en ce moment l’étude d’un plan de formation pour les femmes élues au sein de la fédération andalouse, afin de leur donner les outils indispensables à la consolidation de ces nouveaux modèles.
Et j’espère que la prochaine fois qu’on se rencontrera nous serons à 50/50, hommes/femmes.
PERSPECTIVES ET PROJETS
L’action de l’Observatoire de la parité en France par Emmanuelle Latour, Secrétaire Générale de l’Observatoire de la Parité
Christine Villeneuve
L’Observatoire de la parité a émis, dans son dernier rapport, un certain nombre de recommandations concernant la parité dans la perspective des prochaines élections. Emmanuelle Latour va nous parler des cinq propositions déposées en avril 2005, par Marie-Jo Zimmerman ; quatre d’entre elles concernent les élections tandis que la cinquième concerne les conseils d’administration.
Emmanuelle Latour
Bonjour à toutes et à tous.
Je remercie Elles aussi de m’avoir invitée à cette après-midi de débats, de bilans, de rencontres avec nos voisines européennes, c’est d’actualité.
Je suis ici pour vous présenter les activités de l’Observatoire.
La situation en France est triste mais pas désespérée.
Là où la loi sur la parité s’applique directement, dans les scrutins de listes, on a de très bons résultats en terme de présence des femmes dans les assemblées.
La place des femmes dans les exécutifs municipaux et régionaux reste un problème évident.
Nous devons également réfléchir et agir sur les élections au scrutin uninominal.
La Rapporteure de l’Observatoire de la Parité, Madame Marie-Jo Zimmerman, également
Présidente de la délégation des droits des femmes de l’Assemblée Nationale, a déposé, à l’occasion du soixantième anniversaire du premier vote des femmes en France, le 29 avril 2005, cinq propositions de loi .
Proposition de loi n° 1
La première proposition porte sur les élections législatives et sénatoriales.
Elle propose que les suppléants des députés et des sénateurs élus au scrutin majoritaire soient obligatoirement de sexe opposé au titulaire.
De plus sachant que la retenue sur les dotations de l’État n’a pas suffi au niveau des législatives pour que les partis politiques investissent autant de candidates que de candidats, elle propose de renforcer la sanction en mettant en place un abattement très dissuasif sur la seconde part de l’aide publique, non pas au niveau des candidats mais au niveau des élus. Pour tous les partis politiques qui se retrouveraient avec moins de 20% de femmes élues, il y aurait un abattement très élevé sur l’aide financière de l’Etat.
Un exemple : le parti socialiste avait présenté 36% de femmes aux dernières élections législatives. Il y a donc eu un déficit de 14 % de femmes candidates. Mais en réalité, il y a eu moins de 20% de femmes élues.
Cela veut dire qu’elles ont été effectivement investies mais sur des circonscriptions qui n’étaient pas gagnables, qui étaient particulièrement difficiles.
Plutôt que de se fixer des objectifs quantitatifs, ce qui risque de masquer des stratégies de contournement de la part des partis politiques, on va s’attacher à voir ce qui se passe au niveau réel de l’efficacité de cette loi, c’est-à-dire au niveau du nombre de femmes élues.
Proposition de loi n° 2
Cette proposition concerne les élections régionales et l’exécutif au niveau des régions. Les derniers rapports de l’Observatoire ont montré qu’il y a eu un effet d’entraînement positif au niveau des élections régionales. En effet, non seulement, il y a 47% de femmes élues au niveau des Conseils régionaux, mais aussi 37% de femmes vice-présidentes.
Il faut se souvenir qu’aux dernières élections municipales, 42% de femmes ont été élues mais que seulement 20% se sont vu confier la fonction d’adjointes.
En conséquence de ce constat, l’Observatoire a annoncé qu’il allait s’attacher l’année prochaine à faire un rapport plus qualitatif, pour essayer de voir quels dossiers avaient été confiés aux femmes au sein des régions.
Il n’est pas question de déconsidérer les tâches traditionnellement attribuées aux femmes, comme le social, l’éducation, etc…, mais l’idée de la parité dans les gouvernances, c’est aussi la parité dans les compétences. Elles sont très compétentes dans ces postes-là, mais il s’agit également de faire confiance aux femmes pour d’autres postes, et éventuellement de montrer aux hommes ce que c’est que de s’occuper de ces dossiers-là.
La proposition de loi concernant les élections régionales, serait d’établir une obligation de parité pour la composition des commissions permanentes des Conseils régionaux.
Pour la désignation des vice-présidences, la partie proportionnelle des sièges sera attribuée sur la base des résultats du premier tour, seul pouvant ensuite se présenter au second tour les deux listes arrivées en tête.
Proposition de loi n° 3
L’Observatoire s’est intéressé aux élections des Conseils généraux qui sont la lanterne rouge en politique française, les derniers bastions masculins, comme les appelle Mariette Sineau.
Les scrutins sont uninominaux, la population vote directement, mais on y constate le poids d’un certain nombre de baronnies locales mises en place depuis très longtemps, où les investitures ne sont données qu’à des personnalités locales qui ont une influence et des réseaux qui sont toujours les mêmes. A l’heure actuelle, il y a moins de 11 % de femmes dans les Conseils généraux.
Madame Zimmerman, propose que les cantons soient remplacés par des circonscriptions cantonales calquées sur le périmètre des intercommunalités.
Le pouvoir économique, administratif et politique, est en train de se déplacer au profit de ces nouvelles structures dans lesquelles les femmes sont extrêmement minoritaires alors qu’elles arrivent à être présentes à 40% dans les Conseils municipaux, parce que c’est une élection au second degré ou par cooptation ou nomination.
Néanmoins, ces nouvelles structures se créent autour d’ensembles relativement cohérents, autour de la culture locale, des alliances locales etc…, qui ne correspondent pas à un découpage administratif mais au jeu des alliances démocratiques locales.
Il s’agit donc, si on conserve les élections cantonales, de rendre le découpage des circonscriptions cantonales cohérent avec celui des intercommunalités actuelles ou qui sont en train de se former. La carte des intercommunalités va bientôt recouvrir entièrement la carte électorale française.
Proposition n° 4
La quatrième proposition concerne les Conseils municipaux et les intercommunalités
justement.
Les élections municipales de 2001 sont les premières élections au sein desquelles la loi sur la parité s’est appliquée.
Les actions et les programmes de travail de l’Observatoire de la parité vont porter, à partir de la rentrée 2005 et en 2006, sur la rencontre des élues municipales.
Je viens de Toulouse, Madame Zimmerman est de Moselle.
Au sein de l’Observatoire de la parité il y a trente « sages »qui viennent d’horizons divers.
Plutôt que de faire toujours les choses à Paris, nous allons voir ce qui se passe dans les autres villes. Nous allons faire un tour de France, et comme les élections municipales de 2001 se situaient dans le cadre de la loi sur la parité, nous allons appeler cela, » 2001 l’Odyssée paritaire « .
Nous allons nous rendre dans plusieurs villes de différentes tailles et de différentes couleurs politiques, organiser des journées de rencontres avec les élues municipales pour savoir, d’un point de vue qualitatif, ce qu’elles pensent de leur mandat, en leur posant cinq questions très classiques :
Quelle était votre vision de la politique avant de rentrer en politique ?
Quelle est votre vision de la politique maintenant que vous êtes en politique ?
Quels sont les obstacles que vous avez rencontrés ?
Quels sont les projets qui vous tiennent à cœur et que vous tentez de réaliser ?
Envisagez-vous de vous représenter ?
Autrement dit, nous souhaitons savoir si les femmes qui se sont présentées pour la première fois, vont se représenter ou si elles ne souhaitent pas poursuivre, par usure morale, par manque de réseaux… Si elles s’en vont, il y a de fortes chances pour que le pouvoir et les règles du jeu politique ne changent pas.
En 2001 on avait dit « Il nous faut une parité par tranche de six ». On a vu depuis, que la plupart du temps les premières places étaient occupées par des hommes et les trois dernières par des femmes. La proposition a été de passer dans les élections municipales, comme on l’a déjà fait pour les élections régionales et européennes, à une alternance plus stricte.
Il est proposé que les communes de plus de 3500 habitants désignent leurs délégués dans les intercommunalités selon un scrutin de liste avec une obligation de parité. Une obligation de parité serait également appliquée lors de la désignation des adjoints au maire.
L’idée est de faire respecter la parité non seulement dans les candidatures mais aussi parmi les élus, et dans la distribution des portefeuilles qui leur sont confiés.
Il faut promouvoir l’idée de la culture paritaire, une véritable parité dans le partage de la gouvernance, la parité d’un point de vue qualitatif et non pas seulement du point de vue quantitatif.
Comment promouvoir une culture paritaire ?
La mise en place de la parité nous a donné beaucoup de travail. Nous avons produit des données statistiques. Nous avons proposé des solutions et des recommandations.
Maintenant nous voulons étendre notre recherche et nos propositions en considérant que la place des femmes en politique est un élément qui s’articule avec celle des femmes dans la société en général.
La place des femmes en politique n’est pas une île flottante au milieu d’un lac, la partie visible de l’iceberg. Une culture paritaire suppose que nous nous attaquions à l’ensemble des problèmes qui touchent les femmes : égalité salariale, violences faites aux femmes, place des femmes dans l’éducation, la recherche, la formation, l’orientation…
Proposition n° 5
Cette proposition concerne la présence des femmes dans les Conseils d’administration des sociétés.
Madame Zimmerman propose qu’il y ait au moins 20% de personnes d’un même sexe dans les conseils d’administration des sociétés anonymes et des établissements publics à caractère industriel et commercial.
Je vous ai apporté aujourd’hui un guide des modes de scrutins.
L’Observatoire essaie de diffuser au maximum toutes les données statistiques, locales et nationales. Les résultats de nos statistiques ne sont plus publiés par la Documentation Française. Ils sont sur le site Web de l’Observatoire depuis le 8 mars 2005.
Le guide des modes de scrutin est un projet qui pour le moment est diffusé par l’Observatoire mais nous allons essayer de mettre en place un partenariat avec le Ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur pour l’inclure dans les cours d’éducation civique et d’histoire. Les modes de scrutins en France sont quelque chose d’éminemment complexe : scrutins de listes, scrutins majoritaires, scrutins uninominaux…
L’idée était de faire un guide qui présente pour chaque élection, la manière dont on vote, en quoi cela consiste, en rapport avec la loi sur la parité et la complexité de son application, les résultats et leur évolution historique.
***
*
Débat sur les propositions de l’Observatoire de la parité en France
Claudette Apprill
Le langage est politique. Je voudrais demander à l’Observatoire de la parité s’il a été attentif au fait que dans sa rédaction, le projet de traité constitutionnel européen ne mentionne pas les citoyennes ?
Il parle de tous les citoyens et ceci même dans le paragraphe qui est consacré à la citoyenneté européenne. Cette absence de notion de citoyenne porte atteinte à la cohérence du texte qui prône par ailleurs l’égalité des femmes et des hommes dans tous les domaines.
Ce problème de la désexualisation du langage, notamment dans les traités internationaux, est très important, c’est une question qui a été évoquée dès l’année 1990.
Il y a eu une recommandation du Conseil de l’Europe qui a été adressée à tous les États membres et auxquels il était demandé de faire un rapport sur la mise en application de ce texte. Nous avions reçu à l’époque des rapports où des États avaient fait beaucoup d’efforts sur la féminisation des noms de métiers. En France, on a une circulaire interne à un ministère, qui a été faite par Monsieur Fabius.
Je m’étonne que dans ce texte, qui est un texte fondamental pour l’organisation de l’Europe, aucune voix ne s’est élevée pour signaler ce fait. Je ne suis pas un citoyen, je suis une citoyenne, et tout ce qui n’est pas nommé n’existe pas. Je voudrais que vous y réfléchissiez. Je demandais dans un article qu’un toilettage soigné et rigoureux de ce texte soit fait en vue de sa sexualisation. Je vous lance cette idée.
Les femmes doivent prendre conscience de ce problème du langage sexiste.
Vous n’existez pas, Mesdames, dans un traité qui est fait pour durer, nous dit-on.
Pourquoi donc mener un combat pour la parité ? Il n’y a que l’Allemagne qui parle des « bürgerinnen ». Le Portugal, l’Italie, l’Espagne sont au même stade que nous.
Emmanuelle Latour
Je suis d’accord avec vous, et très sensibilisée au fait que la féminisation du langage n’est pas seulement une question de grammaire, mais une question de sens politique.
Nos cousines québécoises sont plus en avance que nous dans ce domaine.
Il est indéniable qu’il y a une résistance de l’administration, des mentalités et de la culture française à cette idée. Il y a eu un article, il y a trois semaines, d’un écrivain branché disant qu’ il trouvait laid le mot « écrivaine ». Il se demandait si c’est parce qu’il vieillissait ou parce qu’il devenait réactionnaire lui aussi.
A l’Observatoire de la parité, la rapporteure a tenu à mettre un « e » à rapporteur.
Nous envoyons des mots de temps en temps au Journal Officiel pour dire que « Cheffe » est quelque chose qui pourrait passer ou « Préfette ».
Il serait intéressant de mettre en place une vigilance systématique et de se faire le relais de personnes comme vous qui ont travaillé là-dessus, puisque nous sommes là pour mener un combat.
Vous savez que tout le monde n’est pas d’accord, même chez les féministes, pour dire que le peuple est souverain dans ses deux identités, féminine et masculine. Il n’y a pas de consensus en France.
Christine Villeneuve
Ce qu’on peut retenir, si je comprends bien Claudette Apprill, c’est qu’il faudrait faire une réforme de la Constitution de manière à ce qu’on redéfinisse la souveraineté du peuple composé d’hommes et de femmes, ce qui donnerait la légitimité aux femmes au cœur de la démocratie sans autre besoin de se justifier.
Sur la question du financement public et des sanctions financières, nous avons évoqué plusieurs fois dans nos débats antérieurs, et je pense que cette question est toujours d’actualité, le fait que nous avions été souvent choquées par ces retenues sur les financements publics des partis politiques et d’ailleurs, on en a vu le résultat aux élections législatives.
Il y a beaucoup de choses intéressantes dans les propositions de Madame Zimmerman, mais cette question de sanctions financières fait débat.
Le compte-rendu de l’Observatoire de la parité donne le montant des pénalités, des retenues faites qui correspondent à un déficit de candidatures féminines, un manque à gagner pour les partis qui repose sur un déficit démocratique concernant les femmes, cela ressemble à une évaluation du prix d’une femme !
Vous envisagez les choses du côté du résultat, ce qui est déjà mieux, mais il y a quand même un aspect « les femmes ont un prix ». C’est un peu choquant pour nous. Est-ce qu’on ne peut pas imaginer un autre système ? puisqu’au fond on a trouvé des solutions pour les scrutins de
listes.
Une intervenante dans la salle
On pourrait dire que cette sanction financière est tout simplement une sanction, parce que la loi du 6 Juin 2000 n’a pas été respectée. On ne dit plus à ce moment-là que les femmes ont un prix. Toute personne qui ne respecte pas la loi est soumise à une sanction.
On dit que c’est un déficit de femmes, on pourrait aussi présenter cela comme un excédent d’hommes.
Les pénalités pourraient servir à financer des recherches du côté des femmes, du travail des associations qui sont peu aidées financièrement.
A partir du moment où il y a un déficit de femmes, on pourrait considérer que cet argent doit revenir quand même aux structures qui défendent le droit des femmes, qui se battent pour la parité. Il y a une forme de compensation.
Anne-Marie Marmier ( AFD Lille)
Il me semble que sur cette question, quand Guy Carcassonne a été auditionné par l’Observatoire de la parité, il proposait un peu l’inverse. Qu’il y ait un bonus de bonne conduite reconnue pour les partis qui avaient fait l’effort de favoriser l’accès des femmes. Je ne sais pas si c’est réalisable.
Emmanuelle Latour
A la limite, cette proposition-là me fait encore plus grincer des dents.
Nous avons auditionné Monsieur de Villiers, et son numéro deux a proposé que, puisque les gros partis peuvent se permettre d’avoir une dotation publique moins importante alors que les petits partis ne peuvent pas se le permettre, il faudrait donner plus d’argent aux petits qui respectent la loi. Cela serait la première fois qu’on donne des points aux automobilistes qui s’arrêtent au feu rouge. On rentrerait dans des aberrations de droit.
Christine Villeneuve
Pour les élections au scrutin uninominal, la proposition qu’il y ait un(e) candidat(e) et un(e) suppléant(e) du sexe opposé ne garantit pas le fait qu’on présente des femmes comme candidates. Elles peuvent n’être que des suppléantes.
Il faudrait peut-être exiger qu’il y ait une répartition équitable entre les deux sexes au niveau des postulants au poste de député. Muguette Dini avait fait une proposition en ce sens.
Muguette Dini, sénatrice du Rhône
Pour résoudre cette question de ticket paritaire, on laisserait la liberté aux électeurs de choisir entre deux personnes de sexe différent, celui qui est leur candidat, c’est à dire au fond, chacun décide de l’ordre.
Serait élu celui qui arrive en tête et l’autre serait suppléant. Ce qui donne l’idée d’un binôme beaucoup plus qu’un ordre. C’est réalisable, ce n’est pas coercitif.
Après, on peut spéculer sur le vote des électeurs et il y aura peut être des surprises. On ne peut pas tout réglementer.
Emmanuelle Latour
Le problème c’est la difficulté technique.
Je suis d’accord avec vous. Il en est des droits des femmes comme des droits des handicapés ; ils font partie des seuls droits incitatifs en France. Il n’y a pas de sanctions pénales, ni de sanctions financières, ni d’obligations. On se repose sur l’évolution des mentalités. C’est le seul type de droits qui reposent sur de tels critères.
On a trouvé avec l’obligation d’alternance stricte sur les listes, une sanction administrative qui est le refus d’inscription de la liste. Mais au niveau des législatives, il serait difficile pour l’État d’imposer aux partis politiques l’exclusion des candidatures dissidentes.
Vous avez bien vu ce qui s’est passé pour les sénatoriales dans les endroits où il y avait des scrutins de listes ; lorsque des personnes se sont retrouvées à des positions non éligibles, elles ont préféré monter des listes dissidentes et il n’y a eu aucune sanction.
Françoise Ramond
Vous avez évoqué des rencontres avec des élues municipales dans différentes villes de France. C’est ce qu’a déjà fait l’association « Elles aussi ».
Qu’allez-vous faire exactement de ces rencontres?
Emmanuelle Latour
Vous en avez la description sur le site Web de l’Observatoire de la parité.
Nous allons organiser soit une journée, soit une après-midi, d’échanges de savoirs.
L’idée est de profiter de l’organisation de cet événement pour mettre en relation les personnes qui agissent au niveau local.
Le centre de recherche « Simone – SAGESSE » à Toulouse où j’ai moi-même été formée, a organisé une matinée.
Les chercheuses ont travaillé avec les élues municipales, elles ont passé du temps avec elles en réalisant des entretiens biographiques sur leurs trajectoires etc…, plutôt que de leur envoyer un papier en disant « Voilà nos conclusions » ; elles ont fait un retour discret de leurs travaux auprès des élues.
Elles ont ainsi pu répondre aux questions des femmes qui avaient été interviewées, et l’aprèsmidi, un débat a eu lieu autour de ces questions, et elles se sont rendu compte que leurs problématiques étaient étonnamment proches.
A la suite de la journée » 2001 l’odyssée de la parité » à Toulouse, les élues qui ont participé, ont pu se manifester collectivement pour faire passer une motion au niveau du Conseil municipal toulousain, pour mettre en place une mixité dans toutes les commissions.
Le but de ce projet est donc de pouvoir faire des échanges de savoirs et de pratiques et pouvoir pérenniser l’initiative.
Ces journées sont un objectif en soi, ce n’est pas juste un moment où l’on recueille des données. C’est l’occasion de pouvoir réunir les ressources locales qui travaillent sur l’égalité entre hommes et femmes.
Les effets secondaires de ces rencontres, seront la production des données, la retranscription des débats, la publication de documents. Nous allons faire du site Web un lieu de ressources, où l’on pourra découvrir des témoignages anonymes, puisque-là pour le coup, je reprendrai ma casquette de sociologue. Il ne s’agit pas de dire qui a dit quoi à quel moment, mais de dire qu’une majorité de femmes s’est reconnue dans tel type de discours.
Françoise Ramond
Il s’agit donc d’un travail de terrain mais aussi d’un travail institutionnel.
Sans approfondir, sans travailler, sans aller plus loin autour des lois, je crois que nous ferons comme au Danemark, nous plafonnerons.
Emmanuelle Latour
Le travail sur le terrain est insuffisant s’il n’y a pas une volonté politique globale.
C’est vrai que c’est une question de loi et de pouvoir politique, nos voisines européennes nous le montrent bien ; on a pu croire à des quotas et à des mesures provisoires, mais dès qu’on enlève la béquille, on tombe.
Ce qui se passe en Espagne est une belle leçon pour la France. On n’ a pas arrêté de nous dire que la place des femmes en politique s’expliquait aussi par une tradition latine et par l’influence de la religion. Or l’Espagne, qui se trouve juste à côté de chez nous, a mis en place un gouvernement paritaire, a fait une loi cadre d’approche des violences contre les femmes avec des juges spécialement formés, sous la volonté d’un homme et d’un gouvernement. C’est donc bien une question de volonté politique. Il faut se battre du point de vue du droit parce que c’est une question de droit dans les textes et dans les faits, les deux sont indissociables.
Christine Villeneuve
Nous aimerions bien disposer de statistiques sexuées concernant les résultats des élections. Est-ce que vous n’avez pas les moyens, à l’Observatoire de la parité, de faire en sorte que nous obtenions des données sexuées sur les résultats des élections, pas seulement au niveau des élues et des candidatures mais au niveau des votes également. Comment réagit l’électorat ? Cela serait intéressant de savoir comment les femmes votent ; cela nous permettrait d’affiner un peu les analyses.
Emmanuelle Latour
Il est possible de faire des sondages. Ce sont les intentions de vote à la sortie des urnes qu’il faut comptabiliser, à condition que les gens acceptent de répondre.
Si les femmes avaient voté aux dernières présidentielles seules, Le Pen n’aurait jamais été présent au deuxième tour. Jospin était largement devant.
Christine Villeneuve
Vous avez évoqué la réalisation d’une étude qualitative sur la question des délégations. Cela nous intéresse particulièrement pour aller au-delà du travail déjà fait, nous avons besoin de savoir où sont vraiment les femmes, dans le pouvoir réel de décision.
Emmanuelle Latour
Nous sommes en train de le faire pour les régionales, pour savoir qui fait quoi.
Pour les cantonales, il faudra le faire l’année prochaine, c’est un travail énorme.
Synthèse des débats et perspectives
par Christine Villeneuve pour Elles Aussi,
Marie-Josée Muller, pour Femmes d’Alsace
1/ Sur la culture paritaire
Nous devons développer une culture paritaire. Il faut que les partis acceptent d’aller au-delà de l’application stricte de la loi. Ils n’ont pas été jusqu’au bout de la démarche paritaire.
Est-ce que nous obtiendrons cela ? Nous ne le savons pas.
Dans les associations de femmes, nous sommes un certain nombre à ne pas être dans des partis politiques, mais certaines ont néanmoins souhaité être élues.
C’est une question qui n’est toujours pas réglée puisque nous voyons bien aujourd’hui, parmi nos invitées, qu’elles sont toutes finalement passées par des partis politiques pour arriver à être élues, bien qu’elles ne soient pas forcément au départ, membre d’un parti politique. Elles l’ont fait pour y arriver, par conviction évidemment, mais aussi pour pouvoir être élue à terme.
La question des réseaux de femmes se pose.
Nous savons bien que le travail des associations a contribué fortement à l’évolution des pratiques politiques des partis. Certaines d’entre nous ont fait des listes de femmes à l’époque où c’était encore possible ( A.F.D., Femmes d’Alsace, etc…).
Nous avions constaté que les partis avaient réagi dans les endroits où cela avait été fait. Immédiatement, ils avaient fait remonter, dans leurs listes, la place de leurs propres candidates. A partir du moment où des femmes annonçaient qu’elles faisaient une liste, parce qu’elles voulaient que des femmes soient élues, tout de suite la place des femmes dans les listes de ces partis remontait. Il y a une interaction, et nous pensons qu’il faut travailler là- dessus.
2/ Sur la nécessité de développer des réseaux
L’idée des réseaux, souvent évoquée aujourd’hui, est très importante.
Nous nous étonnons que des femmes aussi compétentes, parlent encore de questions de confiance en soi, alors qu’elles ont fait leurs preuves et qu’elles travaillent énormément.
Nous croyons que l’idée de solidarité entre femmes, notamment sous la forme de ce que nous avons appellé, au sein d’Elles aussi, le « marrainage » – une femme élue qui aide une autre femme à être élue – doit être pensée.
Nous savons qu’à partir du moment où un certain nombre de femmes sont élues, la question d’une politique qui aide les femmes dans la réalité, peut être abordée collectivement.
Réseau et essai de lobbying en Alsace: l’expérience de « Femmes d’Alsace »
Jusqu’à présent elles ont travaillé, au sein de leur association en « tâches d’huile » :
Elles ont essayé de convaincre, de faire des réunions, de solliciter les élus etc.., et elles se sont aperçu qu’elles arrivent maintenant à un stade où il faudrait une force de lobbying des femmes plus large que la simple association.
En travaillant avec la déléguée aux droits des femmes, elles ont eu l’occasion de de réunir entre diverses associations féminines : des femmes d’artisans, des femmes du bâtiment, des secrétaires, des agricultrices …
Engagées dans leur secteur économique, elles sont confrontées au problème suivant : comment les femmes peuvent-elles accéder à un pouvoir de décision ?
Dans l’année qui vient, « Femmes d’Alsace » se propose de faire une manifestation importante rassemblant des femmes qui ont envie de prendre des responsabilités, pour constituer une vraie force, parce que unies dans un même mouvement, avec un même objectif, au-delà des petites unités habituelles.
Réaction d’Emmanuelle Latour
Il y a trente membres à l’Observatoire de la parité, et parmi elles, Fadela Amara, qui est présidente de l’association « Ni Putes, Ni Soumises ».
C’est une association qui a évolué. Les médias avaient essayé de monter en exergue cette pseudo contradiction entre les féministes ou les femmes qui militaient pour la parité, et les féministes qui luttaient pour pouvoir se balader dans la rue sans se faire agresser, avec l’idée que cela ne se passait que dans les banlieues.
Á force de discuter et de travailler ensemble, nous nous sommes rendu compte que l’accès des femmes à l’espace public, à la gouvernance, et l’accès des femmes à la citoyenneté, c’est exactement le même problème.
Pouvoir demander à être sur une liste pour les municipales, à avoir un mandat pour les législatives, ou pouvoir avoir une légitimité quand on prend la parole ou qu’on agit dans son quartier, c’est un accès à la citoyenneté, à la politique.
3/ Réflexion à poursuivre sur les relations entre associations et partis politiques.
Le système politique français repose entièrement sur les partis poltiques y compris pour la vie publique qui passe uniquement par eux, alors que les associations sont non seulement un vivier, mais elles ont porté depuis très longtemps le combat politique pour la parité.
Nous discutons du contenu de la parité. Depuis qu’existe le mouvement international des femmes, nous réfléchissons sur ces questions, et en particulier, depuis 1968, avec la naissance du M.L.F.. Dans toutes les conférences internationales, cette question revient de manière permanente et pas uniquement en ce qui concerne la France, puisqu’aujourd’hui, on s’accorde sur le fait que la participation des femmes à la prise de décision est complètement fondamentale pour la réalisation de politiques de développement durable, en matière de politique urbaine, etc…, c’est la notion de «gender mainstreaming».
La question de l’indépendance politique des femmes se pose toujours, elle n’est pas nouvelle. Tous les sondages évoqués aujourd’hui, disent que les femmes préfèrent souvent le mode associatif au mode politique parce qu’il est plus ouvert, moins machiste.
L’évolution de la parité est problématique, il y a quelque chose qui ne se transforme pas ou qui ne se transforme que partiellement…
Intervention d’Emmanuelle Latour
Le prochain dossier sur lequel nous allons travailler à l’Observatoire de la parité, c’est la question du statut de l’élu, c’est-à-dire la prise en compte du cumul des mandats dans le temps, et la question du salaire éventuellement.
Il faut prendre en compte le coût de cette expérience d’élu dans la carrière professionnelle des femmes comme des hommes, ce qui leur permettrait de faire ensuite autre chose, comme on peut avoir aussi envie de faire autre chose dans sa vie professionnelle.
Il ne faut pas être condamné à être élu à vie parce qu’au bout d’un moment, on est déconnecté du marché du travail.
Vous serez auditionnées évidemment, afin de voir ensemble ce que vous en pensez dans les différentes associations, et ce qu’en pensent les élus.
C’est le gros chantier car il va falloir faire des propositions avant 2007.
Christine Villeneuve
C’est un problème évoqué ce matin par plusieurs intervenantes élues ; elles ont dit que certaines n’avaient pas renoncé à leur vie professionnelle pour des raisons économiques. D’autres y ont renoncé partiellement.
Il y a la question des familles monoparentales, situation de plus en plus fréquente ; c’est le cas de Christine Coimbault qui nous en a parlé ce matin, elle ne travaille plus qu’à un tiers de temps pour assurer son mandat d’élue sans aucune compensation financière. Ce n’est pas normal, il faut trouver des solutions, si l’on veut que des femmes puissent représenter la souveraineté nationale.
Je vous remercie toutes d’avoir participé à cette journée.
Je remercie les amies des régions qui sont venues.
Nous aurions encore beaucoup de choses à débattre. Il nous faudrait au moins deux jours pour arriver à élaborer un programme de travail.
Je signale qu’il y aura un compte- rendu de ce colloque que nous diffuserons.
Nous avons abordé la question de la parité dans différents pays européens. Claudette Apprill a un peu parlé de son analyse de la future Constitution européenne mais nous n’avons pas parlé de l’Europe. Peut-être certaines d’entre vous s’en étonnent-elles, mais nous avons souhaité, compte-tenu du fait que la campagne officielle du référendum est terminée depuis hier soir, ménager les élues et respecter leur devoir de réserve aujourd’hui.