Pourquoi une enquête de Elles aussi?
Elles aussi est un réseau pluraliste qui agit pour la parité dans TOUTES les instances élues. Ce réseau comprend 7 associations nationales et locales, et une douzaine d’antennes départementales. Notre implantation régionale nous assure des contacts fréquents avec des élues municipales dans des communes de taille très diverse.
Elle nous a donné de nombreuses occasions de constater la faible représentation des femmes dans les intercommunalités, alors même que les enjeux importants se déplacent de plus en plus au niveau communautaire :, voire même à l’échelle des pays. Depuis la loi Chevènement de 99, les communautés sont de plus en plus nombreuses et prennent à leur compte un nombre de plus en plus grand de compétences de poids.
Or le seul chiffre officiel dont nous disposons concernant la place des femmes à l’intercommunalité est celui des femmes présidentes : 5,6%.
Nous avons donc réalisé une première enquête qualitative sur un territoire restreint, celui du Pays de Morlaix, qui compte 3 communautés de communes et une communauté d’agglomération. Nous y avons mené 20 entretiens, avec les 4 présidents, deux des trois femmes membres de l’exécutif, les femmes maires, des femmes conseillères et suppléantes, sur deux axes : le vécu des femmes et le regard porté sur elles à l’intercommunalité.
Les chiffres du pays de Morlaix nous ont donné : 20,5% de conseillères titulaires, 40% de suppléantes, et seulement deux vice-présidentes sur 35.
Nous avons voulu corriger ces premiers chiffres par un sondage indicatif réalisé par notre réseau, avec l’objectif de demander aux services de l’Etat de mener une enquête quantitative rigoureuse sur le sujet après les élections.
Les chiffres de notre sondage
Le sondage a été réalisé à partir de 70 intercommunalités, réparties sur 33 départements, dont 6 Communautés d’agglomération, sans prendre en compte de communauté urbaine (les C.U ne sont que 14 en tout et fonctionnent de manière très différente). Précisons que les communautés d’agglomération représentent seulement 6% des intercommunalités mais 40% de la population du pays.
Le sondage a donc concerné 2280 conseillers communautaires, dont 310 en communautés d’agglomération et une population totale de 1.865.000 habitants, dont 1.065.000 en communautés de communes et 800.000 en communautés d’agglomération.
Nos résultats en ce qui concerne le pourcentage de femmes à l’intercommunalité :
21,5% de conseillères mais seulement 16 7% dans les communautés de communes et 22% dans les C.A.(les C.C comportent énormément de petites communes rurales non touchées par la loi sur la parité) 9,4% de vices-présidentes dans les communautés de communes et 9,5% dans les communautés d’agglomération ! la différence dans les taux de participation des femmes au conseil ne se traduit donc pas dans les organes de décision. Une fois de plus, le plafond de verre fonctionne à merveille !
Pourquoi cette non-parité à l’intercommunalité ?
C’est bien évidemment l’enquête qualitative sur le territoire de Morlaix qui nous a permis de tirer quelques conclusions à ce sujet. Différentes selon qu’il s’agit de la délégation dans les conseils ou de la nomination à des postes de l’exécutif.
La délégation dans les conseils communautaires
En l’absence de suffrage direct, aucune loi ne vient régir ces délégations, si ce n’est le nombre de délégués par habitants.
L’obligation paritaire dans les communes de plus de 3500 habitants ne se reporte donc pas à l’intercommunalité. Ajoutons à cela que 32.000 communes ne sont de toute façon pas concernées par la loi sur la parité et que leurs conseillers représentent …les 2/3 des conseillers municipaux français !
La désignation des délégués des communes à la communauté se fait lors du premier conseil municipal, sans appel à candidature, ni officiel ni officieux, généralement par un vote à main levée, sur une liste de noms proposée par le maire nouvellement élu,. A quels critères les maires disent-ils se référer dans leur choix ?
• un certain ordre hiérarchique dans les adjoints, en excluant le plus souvent les conseillers, pourtant davantage disponibles
• une conception de l’intercommunalité comme simple mutualisation de moyens techniques (ce qui en est effectivement l’origine, en particulier pour le traitement des ordures ménagères) et non comme l’espace de grands projets structurants qu’elle est devenue. Cette conception conduit à nommer, aux côtés du maire, de préférence les adjoints en charge des domaines nécessitant les moyens techniques en question
Reconnaissons aussi que la majorité des conseillers des petites communes ne perçoit pas forcément l’importance des enjeux. Aucun règlement n’impose la transmission régulière des informations communautaires au sein des conseils municipaux et, volontairement ou involontairement, la rétention de l’information entre quelques mains et la non transparence sont souvent la règle.
En ce qui concerne les femmes s’ajoute à tout cela le poids des stéréotypes dans les représentations masculines, la prétendue vocation des femmes aux seules affaires sociales ou scolaires, et leur fâcheuse tendance à se considérer toujours comme insuffisamment compétentes pour revendiquer, voire même accepter des responsabilités d’importance…
La nomination de vice-présidents
On retrouve parmi les vices-présidents communautaires majoritairement des maires, donc surtout des hommes. D’autant que certaines femmes maires refusent le poste, estimant ne pas être en mesure de « bien faire » à la fois leur tâche de maire et un travail intercommunautaire… En revanche le cumul mairie, exécutif communautaire, conseil général par exemple, ne semble guère gêner leurs collègues hommes. Dans un certain nombre de communautés tous les maires sont vices-présidents, tout simplement. Lorsqu’il y a choix ; ils sont déterminés par la recherche d’équilibres territoriaux, politiques, par le poids des notabilités locales, toujours des hommes, la notabilité s’acquérant surtout au fil des renouvellements de mandats…
Ajoutons que l’indemnité afférente à la fonction de vice-président n’est pas négligeable (de 1200 à 2600 euros dans les communautés d’agglomération selon leur importance, jusqu’à 900 euros dans les plus grandes communautés de communes) et que les candidats potentiels sont plutôt nombreux… Certaines élues craignent même que le pourcentage de femmes dans les exécutifs communautaires baisse encore à l’occasion de ce scrutin : l’obligation paritaire dans les exécutifs municipaux pourrait bien augmenter sérieusement le nombre de candidats aux exécutifs communautaires d’hommes n ayant pas trouvé place dans leur commune !
Nos préconisations pour une parité intercommunautaire
Les conseillères communautaires et les vice-présidentes interrogées dans le pays de Morlaix nous ont exprimé leur bonheur à exercer leur mandat. et les présidents de communautés leur satisfaction du travail qu’elles y ont mené. L’un d’eux considère même que le niveau communautaire est celui où les femmes exercent le mieux toute leur efficacité à mener jusqu’au bout des dossiers exigeants…Les élues communautaires apprécient à la communauté les possibilités de travail d’atelier en commissions, l’ouverture sur d’autres communes, d’autres personnalités, et une certaine convivialité, avec des conflits partidaires atténués.
Pour une parité dans les instances communautaires, il faudra bien changer la loi, mais on peut dès à présent apporter des aménagements aux règles de fonctionnement des communautés, encore disparates et peu définie
1. des mesures législatives pouvant être de trois types,
- l’élection des conseillers communautaires au suffrage direct (une proposition soutenue par le PS), sur des listes obligatoirement paritaires,
- en vertu de la loi déjà en vigueur
- l’obligation de parité dans les délégations provenant de conseils municipaux paritaires, c’est à dire actuellement pour les communes de plus de 3500 habitants, avec l’objectif de l’étendre à des communes en dessous de cette barre (proposition déjà faite par madame Zimmermann, députée UMP, et non intégrée à la loi de janvier 2007)
- le fléchage obligatoire sur les listes municipales des candidats qui représenteraient la commune en cas d’élection, ce qui impliquerait transparence et parité accrue
2. des transformations immédiates de fonctionnement pouvant être demandées par les femmes
- la désignation dans sa commune d’une délégation paritaire ou proportionnelle au nombre de femmes et d’hommes élus du conseil
- au delà de la participation incontournable du maire, un appel à candidatures argumentées et un vote à bulletin secret au premier conseil municipal
- l’autorisation donnée aux suppléant(e)s de participer aux commissions, sans droit de vote.
- pour les exécutifs communautaires, un appel à candidatures au sein du conseil pour la prise en charge de compétences, et donc de commissions précises
Pour Elles aussi
La présidente, Annette Vazel