En guise de préambule…
Le présent agenda est une reprise de l’agenda proposé en 2008 par l’association du Finistère Rien sans elles, et dont la présidente Annette Vazel a été aussi présidente d’Elles aussi (2007/2010).
Résultant alors de sept années de contacts et de rencontres entre Rien sans Elles et des femmes élues du Finistère, il a été depuis confirmé par l’expérience des groupes locaux du réseau dans d’autres départements, nous le reprenons quasi textuellement dans ce qu’il a de général et de transférable et d’abord dans la déclaration préliminaire d’Annette Vazel :
« … Ecrit par des femmes à partir de l’expérience de femmes, il comporte un certain nombre de propositions visant à un fonctionnement vraiment paritaire des instances municipales et communautaires.
Mais la majorité des propositions qui y figurent se révèlent concerner TOUS LES FUTURS ELUS, FEMMES ET HOMMES, désireux que leur engagement citoyen soit efficace pour la population et personnellement épanouissant.
Simplement ce sont davantage les femmes que les hommes qui se construisent des espaces de libre parole permettant une analyse approfondie de leur vécu. Et, au fil des échanges que nous avons mis en place, entre elles et avec elles, il est progressivement apparu que les exigences de transformation des pratiques qui s’imposent pour une véritable parité étaient également des clés pour un fonctionnement municipal tout simplement plus démocratique et satisfaisant pour tous les élus… »
Merci aux femmes de Rien sans Elles et aux élues avec qui elles ont travaillé. Cette réédition actualisée et remaniée en fonction des dernières avancées législatives, témoigne de la fécondité de leur contribution.
Anne-Marie Marmier
Vice-présidente
Janvier 2014
Sommaire
Pourquoi un agenda des cent jours ?
- Plus de responsabilités pour les femmes dans les communes et les intercommunalités
- Plus d’espace(s) de parole
- Vers des réseaux de femmes les trois temps de l’agenda
- Temps 1- La préparation
- Temps 2- La mise en place
- Temps 3- Premières expériences, premiers bilans
Pourquoi un agenda des cent jours ?
Les cent jours…
Une formule symbolique …
Un temps très court, entre période électorale et pause de l’été, avec un agenda très dense, marqué par des étapes qu’il vaut mieux, pour les nouvelles élues, ne pas manquer si elles ne veulent pas en subir les conséquences pendant six ans…
Mon agenda des cent jours tente de lister un certain nombre d’actes que les femmes candidates, puis nouvellement élues, peuvent tenter de poser dans leurs équipes pour y trouver leur place et y introduire les conditions d’un investissement efficace.
La lecture des pistes proposées ne peut se faire qu’à la lumière de la diversité des situations vécues, selon l’importance de la commune, selon l’ancienneté de l’équipe constituée, selon qu’il s’agit d’une équipe sortante ou d’une liste challenger.
Au tout début 2015, la rencontre annuelle nationale de tous les groupes locaux du réseau Elles aussi pourra offrir l’opportunité de reprendre contact avec celles qui auront retenu certaines des propositions de l’agenda, afin de faire le point sur les résultats obtenus…
Bonne lecture et bonne chance à toutes.
Plus de responsabilités pour les femmes dans les communes et les intercommunalités.
La loi de mai 2013 relative aux élections locales marque un progrès pour la parité, elle entraîne automatiquement, en 2014, davantage de femmes conseillères municipales, maires-adjointes et conseillères communautaires.
Dans les communes
L’obligation paritaire est étendue aux communes de 1000 habitants et plus : les listes devront être complètes avec une alternance de candidats de chaque sexe, l’équipe des adjoint-e-s qui sera élue par le conseil municipal doit être paritaire à une unité près. Mais les femmes doivent rester vigilantes sur deux points :
- les communes plus petites où l’exécutif devrait logiquement refléter la proportion femmes/hommes du conseil ;
- l’attribution aux femmes dans les exécutifs paritaires de délégations d’adjointes d’importance égale à celles des hommes et correspondant le plus possible à leurs projets d’investissement.
La tradition « masculine » consiste à mener les négociations en termes de « hiérarchie des postes ».
Essayons de rompre avec ces mauvaises pratiques en insistant davantage sur des
domaines et des projets d’investissement sans nécessaire relation avec les acquis antérieurs des candidates. L’engagement citoyen, lieu de nouvelles acquisitions, peut les orienter vers de nouveaux domaines.
De toute façon, au moins 70% des élus ne seront pas adjoints. Et un certain nombre de simples conseillères, qui s’étaient engagées pour agir, se disent déçues, en sortant de leur mandat, dans la majorité comme dans l’opposition, d’avoir été aussi peu sollicitées, aussi peu entendues.
Il faut donc faire en sorte que les conseillères désireuses de s’investir puissent
le faire : par des délégations partielles ou des missions ponctuelles sur des projets, en relation avec les adjoints, et avec la reconnaissance du travail qu’elles accomplissent au travers d’une rémunération minimale.
Dans les intercommunalités
Les femmes sont actuellement en nombre fort réduit dans les structures intercommunautaires aux compétences et aux moyens de plus en plus larges : 20 à 25% de conseillères en moyenne et 7% de présidentes !
L’extension du scrutin de liste paritaire aux communes de plus de 1000 hab. et l’élection des conseillers communautaires via une liste paritaire issue des listes municipales dans l’ordre de présentation devrait ouvrir davantage ces assemblées aux femmes. Mais sans contrainte paritaire dans la désignation des conseillers pour les communes de moins de 1000 hab. et sans contrainte paritaire pour les exécutifs des intercommunalités, ces établissements risquent d’être encore pour un temps surtout masculins, alors que leurs pouvoirs sont de plus en plus importants.
Il faut donc que les futures élues soient informées des enjeux et du
fonctionnement de l’intercommunalité , et qu’elles osent se porter candidates sur
la base de leurs compétences et de leurs projets.
Depuis la loi de réforme des collectivités territoriales de 2010, les commissions instituées pour préparer les projets de décision et les dossiers soumis ensuite au conseil communautaire, peuvent être ouvertes à tout conseiller municipal afin de renforcer les liens entre communes et intercommunautés ; pour les femmes, une opportunité à saisir si elle se présente ou à provoquer…
Plus d’espace(s) de parole
Les élues de l’opposition municipale n’ont pas de responsabilité directe et peuvent avoir un sentiment d’inutilité et d’usure face à l’omniprésence, dans la plupart des cas, du conflit majorité/opposition dont elles se sentent spectatrices ; même s’il y a des communes où existe une certaine collaboration entre les deux groupes. Cependant, l’opposition dans une municipalité, quand elle est soudée par un travail d’équipe et porteuse d’un projet pour la commune est indispensable au débat démocratique.
En ce qui concerne l’équipe majoritaire, il faut y créer des espaces où la parole soit plus libre que dans la plupart des instances habituelles.
Quels freins à la parole sont le plus fréquemment évoqués par les élues ?
- la crainte de faillir à la discipline majoritaire devant des témoins susceptibles d’en faire usage,
- le manque de confiance en soi pour s’exprimer devant un groupe important ; la peur de dire une « bêtise » par connaissance insuffisante du sujet,
- dans les villes disposant de services administratifs, le poids impressionnant des techniciens, porteurs de savoirs, de compétences et de disponibilités,
- l’animation des réunions toujours assurée par l’élu au rôle hiérarchique le plus élevé et à la capacité de décision la plus forte.
Pour libérer la parole, il faut donc créer des situations de travail desquelles ces freins soient absents : bureaux thématiques, séminaires non décisionnels, temps de formation, petits groupes sur projets etc.
Vers des réseaux de femmes…
La société a évolué vers une meilleure prise en compte des droits et de la vie des femmes, l’opinion publique s’est déclarée favorable à une place accrue des femmes dans toutes les instances de décision et la notion de parité a fini par s’imposer à la société politique française comme la clé d’une démocratie représentative, moderne et juste. Des lois ont peu à peu installé une égalité de représentation dans certaines élections, mais les réticences des élus en place et de certains partis restent très fortes, les manœuvres de détournement et les intimidations sont encore trop fréquentes…
Les femmes ont donc besoin de réseaux de femmes…
… mais elles répugnent souvent à en constituer : refus de se désolidariser de leur équipe mixte, crainte de l’étiquetage « féministe »…
Deux types de réseaux possibles :
- des regroupements d’élues participant aux mêmes instances afin d’y
coordonner leurs interventions, leurs propositions (en particulier concernant des conditions de fonctionnement respectueuses de leur vie privée), - des regroupements d’élues par proximité géographique ou fonctionnelle, dans le cadre de groupes de réflexion, de formations, ou d’un « mentorat » (comme l’appellent les Québécoises rompues à ces pratiques), d’élues expérimentées envers des nouvelles.
Le réseau pluraliste et indépendant Elles aussi regroupant des associations de femmes, dont des associations de femmes élues, en est un exemple.
Les trois temps de l’agenda
Le temps de la préparation février-mars
C’est la période contradictoire par excellence.
Le but est de gagner les élections, toutes les actions collectives et réunions mises en place ont cet objectif ; y participent des citoyens de la commune non candidats, apportant leur soutien à la liste et moins concernés par la gestion municipale. On ne parle donc pratiquement pas de l’APRES.
Cependant des tractations se mènent, des formes d’organisation se décident ou se confirment, surtout dans le cas des équipes déjà aux affaires, mais dans l’ombre, et la non transparence.
Il faut donc tenter de parvenir à ce qu’un certain nombre de conditions de fonctionnement de l’équipe soient ouvertement discutées et tâcher éventuellement de rattraper les étapes ratées dans la période qui suit.
Le temps de la mise en place mars-avril
Le premier conseil, municipal et communautaire, est bien évidemment décisif pour le mandat, mais il ne faut pas compter sur un seul moment de débat dans ce cadre où se déroule, dans la plupart des instances, un jeu de rôles parfaitement codifié et pratiquement immuable. C’est donc au travers de rencontres préalables que l’on peut progresser dans la démocratie du fonctionnement. D’où l’importance particulière de la semaine qui suit l’élection….
Le temps des premiers bilans mai-juin
Il est important que les élues aient vu toutes les instances fonctionner avant le mois de juin. Les premières rencontres n’étant que des mises en place, elles doivent donc être attentives au calendrier des secondes réunions pour avoir le temps de faire part de leurs suggestions de fonctionnement avant l’été. En vue d’un démarrage en septembre sur les meilleures bases possibles …
Temps 1- La préparation
février/mars, jusqu’aux élections
Une séance de travail réunissant uniquement les candidats éligibles de la liste avec à l’ordre du jour :
- panorama des compétences revenant à la municipalité et à la communauté,
- mise en lumière de la manière dont les projets précis du mandat s’inséreront dans l’action menée sur ces compétences,
- présentation par chaque candidat des domaines et si possible de projets précis dans lesquels il est désireux de s’investir.
attention ; proposer plus d’un projet, en analysant les besoins collectifs qui les rend nécessaires, pour ne pas donner l’impression d’être porteur d’une seule idée qui pourrait vite apparaître comme une « marotte », venant d’une femme qui ne réalise pas encore l’ampleur et la difficulté des tâches à accomplir.
Un débat sur la possibilité que les conseillers désireux de s’investir dans l’action puissent être chargés, soit de délégations restreintes, soit de missions à durée limitée sur des projets précis et en relation avec l’un ou l’autre des adjoints. Ce qui suppose la constitution d’une enveloppe avec une fraction des indemnités de maire et d’adjoints (5, 10% ?) pour dédommager les responsables de ces missions.
Une rencontre informelle des nouveaux (apéro, repas ?) qui permette de casser l’impression de solitude et d’infériorité qu’ils ressentent face à ceux qui ont déjà travaillé ensemble.
Temps 2- La mise en place
mars/avril
Dans la semaine qui précède le premier conseil municipal
- présentation du rôle des élus dans les différentes délégations qui leur seront proposées auprès des institutions de la commune,
- discussion collective sur les critères d’attribution des fonctions,
- en ce qui concerne les délégations au conseil communautaire, demander dans les communes de moins de 1000 habitants, une représentation reflétant la proportion femmes/hommes du conseil, ainsi qu’un appel à candidatures lors du premier conseil.
Pour davantage d’efficacité, il est sans doute souhaitable que des femmes élues de différentes équipes de la communauté se retrouvent pour constituer une force de proposition plus crédible en faveur de la parité.
Au conseil municipal d’installation
- demander un vote à bulletin secret sur toutes les délégations,
- proposer la mise en place d’une délégation à l’égalité femmes/hommes,
- dans les communes de moins de 1000 habitants, proposer sa candidature, sur la base de projets, comme conseillère communautaire ou comme participante dans des commissions (cf. page 6). Au premier conseil communautaire
- demander la participation de conseillères municipales qui le désirent aux commissions de travail,
- proposer la candidature ARGUMENTEE de femmes à des fonctions précises de vice-présidentes, et la mise en place d’une vice-présidence à l’égalité femmes/hommes.
Une rencontre préalable au conseil entre femmes élues de la communauté favorables à la parité s’impose pour préparer ces deux propositions.
Au premier bureau des conseils
Proposer l’organisation régulière de bureaux élargis, sans la présence des services, réservés à une thématique et animés par une personne non investie d’un pouvoir décisionnel dans le domaine traité.
Temps 3
Premières expériences, premiers bilans
mai/juin
- être attentive à ce que le second conseil municipal ait lieu au plus tard début juin, pour donner le temps à des premiers bilans de se faire avant l’été,
- rencontre des nouveaux, adjoints, conseillers, pour une mise à plat des besoins et des questionnements : formation, informations à demander aux anciens et aux services, questions d’organisation,
- même démarche de rencontre des nouveaux au conseil communautaire,
- organisation d’une nouvelle présentation des différents services, davantage détaillée et par pôles, avec un calendrier, les membres du conseil choisissant de s’informer plus avant sur les services qui les intéressent, à partir de leurs premières expériences,
- mise en place en bureau municipal d’éventuelles missions pour les conseillers et de petites équipes conseillers-adjoints,
- point sur les règlements et les moyens financiers en termes de formation, présentation à tous les conseillers intéressés (majorité et opposition) des ressources existantes, mise en regard besoins/ressources,
- organisation pour un week-end de la rentrée d’un séminaire de la majorité municipale et d’un séminaire communautaire, avec animation par une ou des personnes extérieures au conseil pour les communes en ayant les moyens, une animation plutôt assurée par de simples conseillers que par des élus en responsabilité pour les autres.
En guise de conclusion…
Certaines femmes élues ne se seront peut-être pas senties concernées par la liste des propositions de cet agenda.
Car il y a des équipes municipales où les femmes ont d’ores et déjà pris toute leur place, où des espaces de parole et de décision collective existent.
De telles équipes, nous en avons parfois rencontrées, venues dire en groupe leur bonheur à travailler ensemble.
Mais un constat s’est également imposé face à leurs récits. Ces équipes municipales se sont généralement construites à partir de la volonté forte et individuelle d’un maire (femme ou homme) de mettre en place un fonctionnement paritaire et participatif. Et leurs expériences n’ont pas été ressenties par les femmes qui les écoutaient, admiratives, comme transférables à leur propre vécu…
Pour que les « bonnes pratiques » municipales se répandent, il faut donc non seulement se rencontrer entre élu-e-s d’équipes différentes pour les faire connaître, mais encore analyser collectivement, pour les rendre transférables, les conditions de leur apparition … et de leur pérennité !
C’est tout l’intérêt d’une mise en réseau.
Le mouvement pour la parité est irréversible, il est lent car il secoue les habitudes culturelles et les pratiques politiques. Seules des mesures législatives concernant la parité à tous les niveaux, une stricte limitation des mandats et un vrai statut de l’élu-e, peuvent lui donner l’élan décisif pour accomplir une démocratie aboutie et offrir les conditions d’une vraie démocratie municipale, où les femmes aient le désir et les moyens d’occuper toute leur place.
Le réseau Elles aussi,
20 ans d’engagement pour la parité
Elles aussi est un réseau pluraliste d’associations de femmes, qui a été fondé en 1992. Des associations d’origines très diverses ayant un rayonnement soit national soit local (département) se rassemblent autour d’un objectif commun : la parité dans les instances élues.
Nous agissons à deux niveaux :
- au niveau national en élaborant et promouvant des propositions pour obtenir des lois et des pratiques garantissant une représentation équilibré des femmes et des hommes dans les instances élues,
- au niveau local, grâce aux antennes et associations locales pour accompagner les femmes dans leurs démarches d’accès aux responsabilités politiques,
C’est à ce niveau que depuis plus de 20 ans, à l’approche des élections municipales, nous organisons des rencontres entre femmes élues et futures candidates afin d’inciter ces dernières à s’engager dans la vie municipale et communautaire, à y prendre des responsabilités, à se sentir légitimes et compétentes, en bref à prendre toute leur place.
C’est également l’occasion de montrer les multiples compétences acquises dans l’exercice d’un mandat local, qui devraient pouvoir être valorisées quand on le quitte.
Dans ce sens, nous avons engagé localement une démarche expérimentale sur la base du volontariat : identifier et faire reconnaître ces compétences par un Bilan
des acquis de l’élu-e (BAE) pris en charge par les communes. Notre objectif est de faire inscrire ce BAE comme un droit dans le cadre de l’amélioration du statut de l’élu-e local-e actuellement en chantier sur le plan législatif.
2014, en avant les femmes !
élue locale, une responsabilité, une richesse
Le réseau Elles aussi
Des associations membres, soit nationales soit régionales :
Action catholique des femmes
Alliance des Femmes pour la Démocratie
UFCS/FR
Elles aussi Martinique
Femmes d’Alsace
Femmes et élues de la Manche
Femmes élues de l’Isère
Femmes élues de la Loire
Femmes aux responsabilités
Des antennes locales dans plusieurs régions ou départements, à retrouver sur notre site