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La parité au prisme de la réalité des territoires

Rencontres et échanges entre Elle aussi, Sciences Po Paris et des candidates aux municipales 2020.
L’association a accueilli en stage en mai -juin, une étudiante, en première année de Sciences Po – Lorraine Balas- dans le cadre du « parcours civique », inscrit dans son cursus. Nous lui avons confié une enquête : recevoir la parole de femmes briguant la fonction de maire aux élections 2020 (motivations, vécu de la campagne, projets). Nous lui avons fourni une liste de femmes rencontrées lors de la campagne et partantes pour l’accueillir. Vu le calendrier resserré du fait de la crise sanitaire, neuf d’entre elles ont pu être interviewées à distance et leurs propos retranscrits, nous les en remercions chaleureusement et nous en rendons compte brièvement ici, en reprenant leurs propres mots et avant tout développement ultérieur.


Elles sont toutes, têtes de liste aux dernières élections municipales.
Elles sont, infirmière de bloc opératoire, manipulatrice en radiologie, enseignantes, lotisseuse, cadres ou employées dans le Privé, retraitées ou en activité, entre 34 et 65 ans, toutes conscientes de la solidité et la notoriété acquises par leur insertion professionnelle et/ou leur engagement associatif :
• Vanessa Slimani réélue maire à St Jean de Bray (env. 20 000 hab. Loiret)
• Constance de Pélichy réélue maire à la Ferté St Aubin (env.7 000 hab. Loiret)
• Valérie Thuillier battue à Pugny- Chatenod (env. 900 hab. Savoie). Un recours a été déposé au vu de plusieurs irrégularités constatées.
• Martine Simon élue maire à Englos (env. 600 hab. Nord)
• Florence Asti- Lapperriere battue à Ecully (env. 18 000 hab. Rhône)
• Annie Lemoine élue maire à Fresnes les Montauban (env. 600 hab. Pas de Calais)
• Juliette Hurlot élue maire à Clitourps (env. 200 hab. Manche)
• Marie-Paule Gay réélue maire à Aubure (env. 400 hab. Haut Rhin)
• Carine Gandrey élue maire à Ecotay- l’Olme (env.1 200 hab. Loire)

La parité dans les communes de moins de 1000 habitants
Pourquoi l’obligation de parité reste-t-elle insurmontable à inscrire dans la loi pour ces communes ? Pour ces femmes, elle est une évidence et s’il n’y a pas de listes paritaires imposées, elles constituent des équipes paritaires qu’elles nomment « listes » dans l’échange oral. Elles traitent pragmatiquement cette « difficulté à trouver des femmes » souvent mise en avant. Qu’il y ait liste ou non, si les femmes s’interrogent davantage que les hommes, c’est une forme de sagesse et aussi une façon de remettre en question des pratiques politiques héritées d’un monde masculin, et d’en induire d’autres plus respectueuses des rythmes de vie.
V.S :« j’ai démarré la constitution de la liste au printemps 2019, donc quasiment un an avant les municipales parce que moi-même femme, je sais qu’il y a d’autres questions qui se posent avec des temps de réflexion plus longs. Je voulais laisser le temps aux personnes de bien réfléchir et de bien se poser…. Évidemment on a plus d’hommes qui répondent rapidement positivement que de femmes… c’est plus compliqué pour les femmes. J’ai pu reconnaître chez certaines les craintes que j’avais lorsque David Thiberge (le maire précédent) est venu me chercher en 2008. On se demande notamment combien de temps cela va prendre par semaine, parce que même si les choses évoluent, la charge mentale reste particulièrement forte pour les femmes. Savoir comment le frigo va se remplir et qui va s’occuper des enfants, c’est quand même souvent la femme qui y pense. Cela nécessite de pouvoir se projeter en sachant ce que cela impliquera… Quasiment toutes m’ont dit que si elles souhaitaient s’engager, elles voulaient le faire bien, en y accordant suffisamment de temps. Enfin, une question qui revient souvent est celle des compétences, beaucoup se demandent si elles vont être à la hauteur et si elles vont pouvoir apporter quelque chose à la mairie. »
Mais l’exemple des femmes qui s’engagent et ce qu’elles développent de neuf a un effet d’entraînement et fait progresser une culture de la parité.
M.P.G : « En 2014 j’ai eu énormément de difficulté à trouver des femmes pour constituer ma liste. On était deux. Je me suis rendue compte que ce n’était pas facile car soit elles avaient déjà été élues soit elles ne souhaitaient pas pénaliser leur vie professionnelle et familiale. En 2020, cette fois-ci c’était l’inverse, j’ai trouvé qu’il y avait un changement de mentalité. Les femmes de mon équipe sont ainsi relativement jeunes (la trentaine) … chez les 35 ans je sentais une grande ouverture de la part des hommes (« c’est moi qui m’occuperais de la maison, c’est moi qui m’occuperais de mes enfants »). Je ne m’attendais à pas ces réactions. A un moment j’ai failli avoir 8 femmes pour 11 sièges. Donc je dirais que cela n’est plus si compliqué, et l’équipe adverse respectait également la parité. » …. « Je fais beaucoup de forums citoyens, environ tous les deux mois et je connais beaucoup de jeunes qui sont très motivés. Je pense que c’est cet aspect de journées citoyennes, de conseils et d’échanges entre les anciens et les plus jeunes qui a permis la mise en place de cette dynamique. Et Aubure est un village avec beaucoup de jeunes, c’est aussi un aspect important. »

Petites communes : manque de moyens pour les projets, faiblesse des indemnités, un frein pour les femmes ?
C.G : « Oui, et pour les jeunes en général. J’ai 40 ans et je ne peux pas me permettre d’arrêter mon travail. Dans 6 ans, les cartes sont rebattues. L’indemnité me permet quand même de m’aider à vivre. Mais si on calcule combien coûte un adjoint, on se rend compte qu’il est très peu payé pour tout le travail effectué : pour moi c’était 7 euros de l’heure. On consacre énormément de temps à travailler pour les autres. Comparé aux maires de grandes communes qui ont de plus grandes équipes avec du personnel, ce n’est pas du tout la même chose. Nous, on doit mettre la main à la pâte »
M.P.G : « on a des projets mais on ne possède pas forcément les fonds pour les réaliser. La question est donc : comment réussir à mener nos projets sans sous ? On ne peut pas assurer le fonctionnement de la commune avec seulement des subventions étatiques. …Il faut quand même savoir que ce sont, nous les élus des petites communes qui allons travailler en forêt, qui travaillons sur les routes, nous qui faisons beaucoup. Le personnel existe mais pas toujours (restriction budgétaire) et la demande du service public, des administrés est de plus en plus intense que ce soit au niveau administratif comme technique. Nous [les élus] sommes là pour les aider ou les remplacer. Chaque commune a son propre fonctionnement qui dépend de l’âge et de la profession des élus mais aussi de la politique mutualiste ou non de la communauté des communes. »

Améliorer le statut de l’élu.e local.e, au-delà de la loi Engagement et proximité, assurer le lien entre le pouvoir central et les initiatives locales, poursuivre la décentralisation sont autant de chantiers en cours où l’expérience des femmes maires est à prendre en compte !

Etre candidate en tête, par défi personnel, désir de mettre ses compétences au service de la communauté, par transmission de responsabilité ou en réponse aux habitants… Mener campagne avec le projet de rassembler et faire lien, de faire œuvre… Toujours avec détermination, clarté et ouverture à l’autre.
C.D.P : « En 2014, je venais de passer 5 ans au Parlement Européen et j’avais envie de rentrer chez moi. Au Parlement Européen je traitais essentiellement des questions liées au commerce international et j’avais besoin de retrouver un ancrage au réel. A ce moment- là s’est présentée l’opportunité de candidater à la marie de La Ferté Saint-Aubin. C’était alors à l’époque un maire de gauche, sauf que moi je suis de droite. Je portais donc la liste « challenger » avec peu de chance de réussite. Je l’ai fait parce que je recherchais un défi et je ne savais pas forcément ce que j’allais faire de ma vie. Je me suis dit que monter et conduire une équipe pouvait être une expérience très enrichissante qui me permettrait d’en apprendre beaucoup sur moi et sur les autres. Je suis partie en me disant que je n’avais rien à perdre mais également en me disant que je n’avais aucune chance de l’emporter. Sauf que l’on a fait une très belle campagne et que j’ai été élue…en 2020, il y a eu un élément qu’il ne faut pas négliger, c’est que les habitants de ma commune se sont sentis extrêmement fiers d’avoir une très jeune femme comme maire. C’est quelque chose qui m’a beaucoup surprise car je pensais que ce serait uniquement un handicap. J’ai de la chance, j’ai une très bonne mémoire. Je suis très posée et je maitrise absolument tous les projets concernant la commune. Cela a été un point très fort. Ma jeunesse et ma féminité n’ont jamais été des obstacles puisque j’ai toujours su montrer que j’étais légitime. Ce sont devenus des atouts et je suis devenue le symbole d’une nouvelle génération d’élues. C’est quelque chose que je n’avais pas du tout réalisé en 2014 et dont j’ai pris conscience assez tardivement. J’en ai pris conscience à partir de #MeToo »
F.A.L : « A titre professionnel, j’ai toujours travaillé depuis 30/35 ans dans le monde informatique, ce cadre est très stimulant et j’ai des responsabilités importantes. Avec ce profil de femme active professionnellement, autonome financièrement, mon cheminement était plutôt « comment j’élève mes enfants dans un environnement privilégié tout en leur transmettant des valeurs ? » et c’est pour cela que je me suis engagée en politique locale, pour être active dans l’éducation des enfants …Il faut qu’en politique on incarne des valeurs, des modèles. Je pense qu’il faut qu’on mette en place des actions au sein du système scolaire dont on a la responsabilité, qui soient des actions écologiques et de diversités dès le plus jeune âge, pour arriver à changer les mentalités. L’école a ce rôle -là c’est très important. Je pense que le défi est là. Je suis féministe, je veux une égalité. »
VT : « tout part de mon métier. Je suis lotisseur. Depuis quelques années les problèmes liés à l’urbanisme sont particulièrement importants notamment ici à Pugny : cela fait des années que des lois passent pour favoriser la densification ; je suis contre. Je me bats donc depuis 4 ans avec les membres de la commune pour leur faire comprendre qu’on est en train d’abîmer un lieu. Certains habitants de Pugny ont commencé à venir me voir pour me demander de l’aide. Une personne, puis deux, puis quinze personnes sont venues me voir comme cela, et à un moment je me suis dit qu’il fallait quand même faire quelque chose. C’est pour cela que j’ai décidé de me présenter. Je me suis dit « j’y vais », sans savoir ce que cela allait donner.… « J’aime le lien avec les habitants, j’aime le lien avec les gens…. Ce que j’ai apprécié [dans cette campagne] c’est le contact avec les gens, c’était magique. On a fait de très belles rencontres. Notamment lorsqu’on a créé Solidarité Pugny COVID-19, on a aidé les gens. On est là les uns pour les autres et c’est cela qui compte. »
M.P.G : « Pour 2020, six mois avant l’élection, je pensais ne pas me représenter. Je pensais arrêter parce que je ne suis pas du style à devenir une élue à long terme. J’avais fait 6 années et j’étais contente des réalisations faites de mon mandat. Elles étaient faites et, je pensais m’arrêter. Au final, il se trouve que ce sont les gens qui sont venus me voir, beaucoup sont venus vers moi en disant qu’ils voulaient faire partie de mon équipe. ». « Mes atouts ? L’écoute, la bienveillance, des projets et le sourire ainsi que le fait d’être là pour les autres. Le fait d’être à l’écoute, de communiquer, de participer et d’aider à résoudre les problèmes. Nous allons continuer dans cette dynamique là pour les années à venir. »
M.S : « Je pense que c’est par la campagne elle-même que je me suis faite connaitre en plus de mon expérience de Conseillère municipale. Il faut souligner que le réel avantage des petites communes c’est qu’il est possible de connaitre les gens et d’aller les voir. Dans une commune de 600 habitants c’est largement faisable. C’est quelque chose de très intéressant de partir à la rencontre des habitants…Le programme a été élaboré entre les habitants et nous les coéquipiers car nous avons fait du porte à porte. J’ai par la suite fait une synthèse de toutes les demandes quartiers par quartiers. Il y a des choses qui revenaient régulièrement et qu’on a donc mis dans notre programme. »
V.S : « je retrouve cet aspect humain : faire des choses pas seulement pour soi mais aussi pour les autres à la fois dans mon activité professionnelle[infirmière] et dans ma fonction d’élue. Il s’agit soit de prendre soin des autres ou bien d’améliorer le quotidien des habitants mais dans tous les cas c’est vraiment l’autre qui est au centre des préoccupations. Cela se rejoint et se complète. » Les bienfaits des réseaux associatifs, quelle solidarité entre femmes élues ?
Certaines indiquent avoir gagné notoriété, assurance, conscience de leurs propres capacités et connaissance du fonctionnement démocratique, dans un engagement associatif. Le réseau Elles aussi y prend part dans sa mission d’encourager les femmes à être actrices de la vie publique locale et d’offrir des lieux où traiter entre femmes des problèmes spécifiques rencontrés.
M.P.G : « J’ai beaucoup appris lors des réunions [association Femmes d’Alsace], au début je ne pensais pas du tout devenir maire. Ensuite j’ai adhéré à l’association pour les soutenir, puis je suis devenue vice- présidente assez rapidement. Je me suis rendue compte que la loi sur la parité pour les départementales, a changé l’esprit de travail et de décision. Le fait d’être élue, nous ouvre les portes d’un univers bien compliqué avec ses codes et ses règles. Quand on est élue, on a des problématiques que l’on ne peut partager qu’entre élues et qu’on n’a pas forcément l’occasion de partager avec des personnes qui n’en ont pas la connaissance. Vous allez parler de certains ressentis, de certaines attitudes, vous allez partager des conseils car vous avez pu vous retrouver dans la même situation. C’est ainsi qu’une section Femmes élues d’Alsace est née dans l’association « Femmes d’Alsace » en 2019. Pour moi, cette association est importante car elle amène les gens à entrer en politique à les encourager, les soutenir mais aussi à comprendre pourquoi et pour quoi voter. C’est très important de comprendre comment fonctionne notre vie démocratique et citoyenne. »
A.L : « J’ai découvert Elles aussi [antenne des Hauts de France] il n’y a pas très longtemps. C’est important d’avoir un soutien, d’abord parce que les attentes sont les mêmes, les envies sont les mêmes et les obstacles sont les mêmes. L’association m’a encouragée à monter ma liste … lorsqu’on a envie il faut le faire même si on n’est pas élue, il ne faut pas avoir de regret. Il faut accepter, même si c’est stressant de sortir de sa zone de confort. C’est tellement plus simple d’avoir quelqu’un au-dessus de soi, que de devenir le premier magistrat de la commune. »
J.H. [association Femmes et élues de la Manche] : Il faut quand même que les femmes pèsent sur quelque chose et surtout les jeunes ! C’est nécessaire qu’elles reprennent le flambeau pour pouvoir intervenir sur ce qui se passe et pas seulement sur les écoles… les femmes peuvent faire bien d’autres choses. …apprendre à devenir maire. » … « les femmes ont peur. Je ne dis pas que je n’ai pas peur. Mais elles ont peur d’être blessées verbalement et les hommes le font facilement. Elles sont également occupées, elles se demandent comment elles vont s’occuper de leur famille. Ce sont des sujets que nous avons travaillés avec l’association…Enfin la femme pense souvent qu’elle n’est pas assez compétente, même lorsqu’il s’agit de femmes qui sont cadres supérieurs dans des entreprises. »

Dépasser les freins posés par la misogynie ordinaire
Les campagnes ne sont pas promenades faciles et beaucoup ont dû affronter quolibets, blagues déplacées, parfois menaces ou intimidations, mais elles différencient ce qui a pu apparaître d’assez convenu dans l’affrontement d’une campagne municipale, qu’elles ont choisi d’ignorer ou de traiter comme scories, d’avec la misogynie latente et systémique propre à des lieux masculins où les enjeux de pouvoir sont plus rudes : elles citent ainsi des intercommunalités ou des associations de maires …
M.P. G : « Au niveau de l’intercommunalité, la place des femmes n’est pas encore idéale ! En 2014, sur les 16 communes nous étions deux femmes maire et il n’y avait qu’une seule femme [vice -présidente] une adjointe réélue donc connue. C’était décidé d’avance. En 2020, il n’y a toujours qu’une seule femme vice- présidente sur six. Elle a été choisie car elle est devenue maire d’un grand village par rapport aux autres. Le choix est très arbitraire et la volonté de s’impliquer pas reconnue. Le parrainage fonctionne aussi très bien, et cela plus on change d’élections, avec une logique de :« je la choisi parce que je ne peux pas y être du fait du cumul ou elle peut m’être utile… ». Certains élus sont tellement avides du pouvoir qu’ils ne se rendent pas compte qu’il y existe autre chose dans la vie et qu’être élu est juste un passage pour servir sa commune, son territoire et les administrés. Les relations sont souvent très artificielles mais supportables à condition d’avoir un certain recul … »
VS : « Il y a encore beaucoup de chemin à faire concernant certaines remarques qui peuvent être faites à la métropole ou dans d’autres instances. En tant que femme, on n’a pas l’habitude, quand un homme entre dans une pièce, de faire un commentaire sur sa tenue vestimentaire. A l’inverse, cela arrive très fréquemment, comme si on était là pour parler de nos vêtements et non de nos communes respectives ! »
C.D.P : « C’est clair et net que beaucoup se permettent des comportements qu’ils ne se seraient jamais permis avec mon prédécesseur qui était un moustachu d’un mètre quatre- vingt- dix ! Les comportements déplacés ? « Je ne les gère plus du tout de la même manière qu’en 2014. J’ai été confrontée à des hommes qui passaient me prendre parce qu’on avait un déjeuner, qui se permettaient de mettre leur main sur ma cuisse, de me prendre la main, de m’envoyer des textos « salaces », …. J’avais beaucoup de mal à les rembarrer parce qu’on était toujours dans des relations déséquilibrées où j’étais dépendante d’eux. J’avais le sentiment que si je les rembarrais, je risquais de me trouver en difficulté. Aujourd’hui c’est derrière moi, je ne suis clairement plus la même femme que j’étais en 2014 et je n’ai plus du tout la même difficulté à mettre des barrières. »
« … Le mouvement #MeToo, pour moi, a vraiment été un élément important de prise de conscience par le témoignage. Les femmes y ont trouvé une meilleure confiance en elles, une ressource, une force qu’elles n’avaient pas auparavant sur le fait de dire stop. Si elles peuvent dire stop c’est qu’elles ne sont plus dans cette relation de « puissant » et « opprimé » et qu’elles sont aussi capables…. Très longtemps et surtout quand j’étais très jeune, j’avais toujours l’impression que c’était de ma faute et que j’avais envoyé un message ambigu, que je n’avais pas su mettre la distance au bon moment. Maintenant je me suis rendue compte que dans le cadre professionnel je ne devais plus accepter des dîners en tête à tête avec un homme, c’est terminé. Pour moi cela a vraiment marqué un tournant et dans ma manière d’aborder le féminisme. Même si je ne me suis jamais considérée comme féministe à proprement parler, j’ai pris conscience que en tant que femme qui exerce des responsabilisés, j’avais un devoir envers toutes les femmes. »

Quelle perception de changements qualitatifs depuis la mise en place des lois sur la parité ? Effets d’une parité stricte dans les conseils départementaux et vieux réflexes.
M.P. G : « Au niveau départemental, pendant des années il n’y avait qu’une femme conseillère départementale en Alsace dans le Haut Rhin : il y a eu un changement de mode de scrutin et les femmes sont arrivées. Elle a été ravie et est devenue Présidente de ce Conseil [en 2017]. Depuis, l’esprit qui règne au conseil départemental a complètement changé, c’est beaucoup plus humain et solidaire ; il y a une nouvelle façon d’étudier les dossiers et de porter un autre regard souvent plus consciencieux et cela se ressent même à l’extérieur. Pourtant pour les binômes, lors des manifestations, la femme est encore très souvent appelée « suppléante ». Les gens vont naturellement vers l’homme car il est mieux connu ayant une carrière d’élu plus longue. Certains binômes fonctionnent très bien, d’autres moins bien : tout dépend de la place que l’élu donne à son binôme et la présence de l’élue face aux gens. Tout est dans la finesse. »
V.S : « je crois que parce que les filles et les garçons ne sont pas élevés de la même façon, ils n’abordent pas les choses de la même manière. Alors, je n’en suis pas sûre, peut-être que les femmes sont plus dans le consensus, qu’elles ont moins envie de briller et du coup il y a moins de tensions. En tout cas, c’est ce qui ressort de mes collègues hommes du Conseil départemental depuis ce nouveau mandat de 2015 où ont été introduits des binômes hommes/femmes. Eux-mêmes le disent, les débats sont moins
tendus. Peut-être que le fait que l’on soit de sexe différent à parité, introduit une façon de communiquer différente. Cela change la teneur des discussions. »
C.G « Le fait d’obliger les hommes à faire de la place aux femmes a été bénéfique pour les femmes qui n’avaient pas forcément confiance en elles. Les femmes ont pu faire leurs preuves. Au niveau qualitatif, on se forme, on devient plus compétentes et performantes. Cela enclenche une certaine dynamique … Tant qu’au niveau de l’agglomération ils n’imposeront pas le fait qu’il y ait des femmes vice présidentes, il n’y aura que des hommes. Si on n’encourage pas les femmes, les femmes ne vont pas y aller. Si on l’impose, les femmes vont peut- être plus se pousser à y aller. »
A.L : « J’ai discuté avec le président de la communauté de communes. Il dit que les femmes apportent plus de pondération, elles vont davantage réfléchir et ne pas monter au créneau comme pourraient le faire certains hommes. Elles vont ramener le débat à un niveau plus consensuel. Ce n’est pas toujours un long fleuve tranquille un conseil municipal, il faut être diplomate … »

Faire la route à une culture de la parité : Conclusion sous forme de propos en vrac.
« Personne ne nous laissera notre place, il faut y aller et s’imposer. »
« Quand il y a quelque chose qui vous semble important, il ne faut jamais avoir peur de le dire mais le dire d’une manière factuelle, objective, argumentée et se faire confiance. Et honnêtement on n’est vraiment pas plus bête qu’un homme de 60 ans, peu importe son expérience ! »
« C’est à nous de décider comment on souhaite que le mandat d’élu soit organisé. On n’est pas obligé d’avoir des réunions jusqu’à 23 heures tous les jours. Il n’y a pas d’obligations et on peut tout à fait travailler différemment. Cela passe également par une évolution de la société pour que les tâches soient mieux réparties. C’est possible. Il faut enlever cette culpabilité aux femmes qui s’engagent et leur montrer qu’elles sont aussi capables de mener une vie de famille, de prendre des décisions, parce qu’on a toutes des compétences à l’intérieur de nous. Il y a encore du travail mais nous sommes un certain nombre à y travailler. »
« Pourquoi n’y a-t-il encore que si peu de femmes au pouvoir ? Si on ne le fait pas, cela ne va pas changer. Je sais que cela va être 6 années inconfortables mais si on ne trace pas la route, rien ne va se tracer. »
« Ça passe ou ça casse mais j’y suis allée avec ma détermination, mon courage et mon humilité. »
« Arriver au pouvoir passe par des élections. Il faut donc que les femmes aient confiance en les autres femmes. Les jeunes femmes d’aujourd’hui sont plus ambitieuses, elles ont fait plus d’études, elles connaissent beaucoup de choses »
Anne-Marie Marmier, juillet 2020

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