16 Avril 2017 : Les voix des femmes
Dans cette campagne présidentielle, une variable est peu évoquée : le vote des femmes. Celles-ci  représentent pourtant  plus de la moitié du corps électoral mobilisable et  leurs voix seront déterminantes. Mais, dans ce tumulte médiatique,  les femmes  parlent-elles et comment se font-elles entendre ?

Les voix retenues ou empêchées des Pénélope…
Sacrificielles de leurs aspirations propres, et soutiens de leur époux, elles en permettent la carrière au risque de se mettre elles-mêmes en danger.


La voix rauque, tonitruante et aboyeuse de Marine le Pen…
L’enjôleuse au verbe pervers, se pose en championne des droits des femmes, contre un islam présenté comme intolérant, arriéré et dangereux pour leur sécurité, mais au Parlement européen,  elle vote régulièrement chaque année contre le Rapport relatif à l’égalité entre les femmes et les hommes dans l’Union européenne. Trois lignes vagues et  sans conséquence figurent dans son programme ; à la proposition 9 (sur 144) elles  se résument  à « lutter contre l’islamisme qui fait reculer leurs libertés fondamentales », « mettre en place un plan national pour l’égalité salariale » et « lutter contre la précarité sociale et professionnelle ». Rien n’est dit sur les sujets qui font polémique au FN : l’IVG, les PMA, le revenu parental…


Dans les équipes de campagne, les voix de celles qui sont en charge des droits des femmes…
Elles portent les thèmes que les derniers  gouvernements ont mis en chantier pour construire dans tous les domaines une égalité réelle entre les femmes et les hommes, lutter contre les violences, le sexisme et la misogynie.
Il n’est plus possible de faire l’impasse sur les droits des femmes, tous les candidats le savent et s’appliquent pour donner corps  à leurs  représentations de l’égalité principalement dans la vie professionnelle. Les propositions ne manquent pas. L’un veut revaloriser les métiers majoritairement occupés par des femmes, un autre aligner le congé de paternité sur le congé post- natal des mères, etc. C’est louable, mais plutôt que de s’attaquer aux différences secondes, ne serait-il pas plus juste de parler de développement humain –santé, éducation, cohésion sociale- et de partir de la réalité ? Les femmes sont en charge de la procréation, une richesse vitale pour l’humanité, qu’il est nécessaire de reconnaître aux niveaux symbolique et réel, pour ne pas retourner cet apport en un lourd handicap social comme actuellement : en les maintenant sous le voile de la famille, ou en leur faisant porter le poids de l’organisation familiale  avec ses effets de freins sur leurs autres vies, professionnelle, associative, citoyenne… (temps partiel, carrière à trous, inégalités salariales et  retraites, etc.)
Autre thème incontournable : la parité. L’idée de parité venue de l’Europe et de l’espace politique a essaimé dans tous les champs de la société et tous les programmes en tiennent compte, mais est-ce la faire avancer que de promettre des pénalisations financières alourdies aux partis qui ne respectent pas la parité dans les candidatures aux élections législatives ? L’exigence de parité politique ne relève pas d’un code de la route avec des contraventions, elle est nécessaire à une démocratie aboutie, c’est la sortie de l’entre-soi masculin, une ouverture  et un levier pour déverrouiller le système politique actuel rejeté par une majorité de la population. Avant d’organiser les ajustements techniques,  n’y-a-t-il pas à  marquer la dualité à l’intérieur de l’universel  républicain en inscrivant clairement dans la constitution que le peuple est fait d’hommes et de femmes égaux en droit et en  garantissant la parité par la loi dans toutes les assemblées élues ?


Les voix des militantes féministes…
Elles dénoncent l’imposture de l’extrême-droite à prétendre répondre par son programme aux  attentes des femmes. Elles redisent les besoins et les aspirations des femmes, « plus souvent touchées par la précarité, les violences économiques, physiques, sexistes et sexuelles et les discriminations de toutes natures ».  Dans ces temps de régression des libertés où le contrôle du corps des femmes  et de leur fertilité, la diabolisation de l’étranger  et le repli sur soi sont largement répandus, elles appellent à faire de l’égalité une priorité politique  pour le prochain quinquennat.


Les voix du mouvement FEMEN…
Hors de ce champ clos et pourtant au cœur des questions, les activistes  Femen nous offrent ce printemps deux livres collectifs d’analyse et de témoignages : Anatomie de l’oppression (Seuil) et Rébellion (Des femmes-Antoinette Fouque).  Du corps des femmes, trop souvent mutilé, rendu invisible, voilé, violé, critiqué… elles font un porte- voix, un étendard politique. Féministes et pas exhibitionnistes, pacifistes, elles le peignent de slogans, il est leur seule arme pour dire non aux intégrismes religieux, à l’extrême-droite, à la prostitution.


Anne-Marie Marmier, Elles aussi- Alliance des femmes pour la démocratie