26 Février 2021 : Première représentante d’un pays africain à diriger l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et première femme à sa tête, Ngozi Okonjo- Iweala a été nommée directrice générale de l’OMC le 15 février dernier. La désignation de cette femme à la double nationalité nigériane-américaine était longtemps restée bloquée par D. Trump.

 

Ngozi Okonjo-Iweala est née en 1954 au sein d’une lignée de chefs traditionnels de rang royal, dans la région du delta du Niger. Si elle a vécu ses 9 premières années avec sa grand-mère, sa trajectoire se distingue cependant du commun des Nigérianes. En effet, formée aux Etats unis elle est diplômée de Harvard et du MIT, et ses parents, sont respectivement professeurs de sociologie et d’économie, son père rejoint d’ailleurs en 1974 l’administration de l’ONU.

Elle entre à la Banque mondiale à 28 ans, devenant son numéro 2 de 2007 à 2011.Entre -temps, elle est par deux fois appelée par son pays pour occuper le poste de Ministre des finances (2003-2006 et 2011-2015), quittant alors Washington où restent son mari et ses quatre enfants, pour revenir dans son pays natal.

Le Nigeria est une République fédérale. Le pays est riche de son pétrole et d’une économie diversifiée, mais il est alors miné par la corruption et l’évasion fiscale ; de fait, à peine un quart de la population bénéficie des revenus du pétrole. Ministre controversée par les uns pour ne pas en faire assez, Ngozi a d’abord pour priorités de réduire la dette et lutter contre la corruption de manière à financer des investissements dans les infrastructures et la santé. Lors de son deuxième mandat, les privatisations et le développement de la concurrence engendrent une forte résistance : sa mère est kidnappée, les ravisseurs exigent une forte rançon et sa démission, elle tient bon et sa mère, à 83 ans réussit à s’échapper. A la Banque mondiale ou Ministre de son pays, infatigable, elle met toutes ses compétences au service du développement de l’Afrique et de son pays.

A l’OMC, dans ce temps de pandémie la priorité est la question épineuse des droits de propriété intellectuelle régissant la fabrication des vaccins et autres produits sanitaires. En octobre 2020, l’Afrique du sud et l’Inde ont demandé l’assouplissement temporaire des règles de protection des brevets déposés par les grandes firmes pharmaceutiques. L’initiative est soutenue par une centaine de pays en développement alors que les nations riches dont sont originaires les principaux laboratoires concernés y sont opposées. Ngozi connaît bien le sujet puisqu’elle préside depuis 2015 le conseil d’administration de l’Alliance mondiale pour les vaccins et l’immunisation (GAVI)[1]

Haut fonctionnaire international, honorée par de multiples distinctions, Ngozi Okonjo- Iweala incarne la détermination et une foi courageuse et lucide dans le développement de l’Afrique. L’OMC, fustigée pour son manque de prise en compte de l’impact social et environnemental de ses décisions entamera-t-elle sa transformation avec sa nouvelle cheffe ?

La carrière impressionnante et bénéfique de cette « afro-optimiste » ne doit cependant pas masquer les menaces que font peser les discriminations et les violences exercées ou légitimées par la religion et les traditions, sur un grand- nombre d’Africaines enfermées dans un statut mineur. Cela, sans parler de l’insurrection du groupe Boko-Haram, depuis 2009, qui vise à contrôler le nord-est du Nigéria …



[1] GAVI est une ONG cofondée en 2000 par l’OMS, l’UNICEF, la fondation Bill Gates et la Banque mondiale, en vue d’améliorer l’accès aux vaccins pour des millions d’enfants vulnérables dans des pays à faible revenu.