25 novembre 2016 : journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes. Des Amériques à la Turquie et la Russie, en traversant la Pologne et la Hongrie, des régimes autoritaires et conservateurs se mettent en place ou se fortifient en excluant, internant, emprisonnant.

Dans tous les cas, cela s’accompagne d’une réappropriation du corps des femmes, d’une volonté politique de restreindre leurs droits, et souvent  d’un violent machisme, y compris à l’égard des femmes élues pour les faire taire et/ou en jouir. Lutter contre les violences faites aux femmes, c’est lutter pour  la démocratie.


Poussée et encouragée par le mouvement des femmes et ses allié.e.s, la parité politique progresse en France, bien trop lentement, et cette lenteur est la raison du combat de Elles aussi. Mais elle progresse et influe sur la prise de conscience de l’importance de questions laissées longtemps de côté et sur les choix politiques engagés. Ainsi, au cœur de l’été 2014 la France a ratifié la convention  « d’Istanbul » du Conseil de l’Europe, texte international le plus progressiste en matière de « Lutte contre les violences à l’égard des femmes et la violence domestique » (façon  masquée de reconnaître que partout en Europe, la majorité des meurtres et des agressions sexuelles ou non, contre des femmes sont le fait d’un homme de la famille, partenaire sexuel ou ex-compagnon).


Le féminisme d’Etat fait son travail, cette semaine le Haut conseil à l’égalité publie son rapport d’évaluation du 4ème plan interministériel de prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes, et le résultat est déclaré globalement satisfaisant  quant aux trois priorités : « aucune violence ne doit rester sans réponse », « protéger les victimes », «Mobiliser l’ensemble de la société ». Le gouvernement doit présenter le 25 novembre un 5ème plan (2017-2019).


Une culture misogyne
N’en restons pas là, les chiffres toujours accablants témoignent des résistances et, même si la très grande majorité des agressions sexuelles ne sont pas dévoilées, les allégations sourdent de partout, dans tous les milieux sociaux, professionnels, universitaires, politiques. Il s’agit d’un fléau toujours présent et il ne suffit pas d’attendre que la justice règle les plaintes au cas par cas, il faut changer de modèle. Il faut s’interroger sur les liens entre cette violence et la culture de la société où ces agressions se commettent, la misogynie régulière dans laquelle vivent les femmes, des remarques grivoises au pelotage et à l’agression voire au meurtre. Ce qui commence à s’appeler La culture du viol cette peur qui habite toute éducation de petite fille, qui décrit un environnement social et médiatique dans lesquelles les violences sexuelles trouvent des excuses pour être tolérées.  Cette culture, on la trouve dans la pornographie, message subliminal de publicités, de clips, de chansons, dans les magazines de mode qui hypersexualisent  les corps, elle règne sur le web… Elle existe  symboliquement et dans le réel. Nous soutenons le combat des femmes qui à Istanbul ont manifesté, ces jours derniers,  contre la légalisation du viol sur mineure (le violeur épousant la victime) en criant : « Non à la culture du viol ici et ailleurs ! Le viol n’est pas légitimable, le viol n’est pas discutable, c’est un crime » ; elles ont réussi à faire retirer le projet de loi.

Le danger pour les femmes est sur tous les fronts et au plus haut niveau de la gouvernance, la brutalité machiste, verbale et physique est sans vergogne.


Rappelons pour mémoire les faits les plus récents où des femmes puissantes, fortes  et chargées de l’espérance des plus fragiles, notamment des femmes de leur pays se retrouvent mises à mal et humiliées sous le feu d’attaques sexuées, au dire que  les réformes engagées sont bloquées ou ne vont pas assez vite.


Dilma Rousseff, au Brésil, malgré la mise en évidence de l’absence de crime de responsabilité, a été destituée à l’automne, pour maquillage présumé du déficit public en 2014. N’est-ce pas un coup d’état parlementaire, ourdi par les conservateurs, qui revêt les atours de la légalité ? Les premières réformes politiques en attestent et le comble est que l’architecte de sa chute, Eduardo Cunha, vient d’être emprisonné, soupçonné d’implication dans le scandale de corruption de Petrobas!
Michelle  Bachelet, au Chili, entravée par les réactions hostiles des milieux d’affaires ultralibéraux, se retrouve seule dans la région alors que Pérou, Argentine et Brésil ont opéré un virage à droite.


Malgré son courage, la persévérance de son engagement pour les femmes et ses compétences reconnues, Hillary Clinton s’est vue évincée par son concurrent, caricatural et obscène qui a orchestré une campagne haineuse et menaçante, puisant à la fois à toutes les frustrations et au désir de domination d’une classe blanche et mâle.


Et n’oublions pas que sexisme et racisme ont parties liées, pour exclure, discréditer et détruire : Christiane Taubira, Garde des Sceaux en France et Cécile Kyengé , Ministre de l’Intégration en Italie, ont été traitées de guenons et ont reçu des bananes parce que noires de peau…
Soutenons l’élan d’Angela Merkel, fragilisée en Allemagne, qui se présente aux élections prochaines comme candidate antipopuliste pour promouvoir « la démocratie, la liberté, le respect du droit et de la dignité de chacun, et ce quels que soient son origine, son sexe, sa couleur de peau, son orientation sexuelle ou ses opinions politiques ».


 « La démocratie est la forme politique la plus ouverte, la plus vulnérable et la plus courageuse » disait Antoinette Fouque l’une des fondatrices de Elles aussi. Cette affirmation est nôtre.
Anne-Marie Marmier, le 22 novembre 2016